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05/12/2017 | FRANCE | N°15LY02321

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 05 décembre 2017, 15LY02321


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association "Les Amis du Bassin de l'Arve" a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 17 avril 2012 du préfet de la Haute-Savoie portant déclaration d'intérêt général au titre du code rural et autorisant au titre du code de l'environnement le syndicat mixte d'aménagement de l'Arve et de ses abords (SM3A) à effectuer des travaux sur le cours et les berges de l'Arve et de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un ju

gement n° 1206796 du 12 mai 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association "Les Amis du Bassin de l'Arve" a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 17 avril 2012 du préfet de la Haute-Savoie portant déclaration d'intérêt général au titre du code rural et autorisant au titre du code de l'environnement le syndicat mixte d'aménagement de l'Arve et de ses abords (SM3A) à effectuer des travaux sur le cours et les berges de l'Arve et de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1206796 du 12 mai 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande et la demande du syndicat mixte d'aménagement de l'Arve et de ses abords tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2015, et un mémoire complémentaire, enregistré le 28 avril 2017, l'association "Les Amis du Bassin de l'Arve", représentée par le Cabinet Taithe Panassac Associés, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 mai 2015 en tant qu'il a rejeté sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 avril 2012 du préfet de la Haute-Savoie ;

3°) de mettre à la charge de l'État, d'une part, et du syndicat mixte d'aménagement de l'Arve et de ses abords (SM3A), d'autre part, une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;

- la procédure d'enquête publique est irrégulière, l'arrêté d'ouverture de l'enquête n'ayant pas été notifié aux autorités suisses, en méconnaissance de l'article R. 122-11 du code de l'environnement ;

- il n'est pas établi que la Commission européenne ait été informée de la décision préfectorale, comme le prévoient les dispositions de l'article L. 414-4 du code de l'environnement ;

- l'évaluation des incidences sur les sites classés "Natura 2000" n'a pas été jointe à l'étude d'impact pour consultation lors de l'enquête publique, ni au dossier transmis aux autorités Suisses, en méconnaissance de l'article R. 414-21 du code de l'environnement ; l'étude d'impact ne respecte pas les procédures afférentes aux sites "Natura 2000" ;

- l'étude d'impact est insuffisante s'agissant des effets du projet sur les sites "Natura 2000" concernés et en ce qu'elle n'évalue pas les incidences du projet sur la nappe phréatique genevoise, ne mentionne pas l'impact de certains ouvrages comme le tunnel des Posettes alors que les autorités suisses l'avaient suggéré et ne comporte pas les éléments prévus à l'article R. 512-8 du code de l'environnement alors qu'au moins trois des sites concernés par le projet peuvent être qualifiés de carrières ;

- l'étude d'impact et l'arrêté en litige sont insuffisants en ce qu'ils ne tiennent pas compte des remarques formulées par les autorités suisses ;

- en refusant toute indemnisation des propriétaires riverains de l'Arve, l'arrêté préfectoral viole le droit de propriété, garanti par la Constitution et protégé par l'article 1 du Protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en ce qu'il permet la cession des granulats extraits du lit mineur de l'Arve, l'arrêté en litige viole le principe d'inaliénabilité du domaine public consacré à l'article L. 2121-1 du code général de la propriété des personnes publiques ;

- les prescriptions concernant les engins de chantier admis à pénétrer sur les propriétés privées pour réaliser les travaux autorisés par l'arrêté sont insuffisantes eu égard aux risques de pollution ;

- l'arrêté en litige est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que les travaux envisagés ne présentent aucune utilité ;

- cet arrêté est entaché de détournement de pouvoir en ce qu'il a pour objet de contourner des décisions de justice antérieures défavorables au projet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2017, le syndicat mixte d'aménagement de l'Arve et de ses abords (SM3A), représenté par la société d'avocats Cabinet Liochon et Duraz, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'association "Les Amis du Bassin de l'Arve" en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- il résulte des termes du III de l'article L. 214-4 du code de l'environnement que l'arrêté en litige n'avait pas à être motivé ; qu'en tout état de cause, il est suffisamment motivé, les travaux envisagés étant détaillés site par site ;

- les travaux autorisés par l'arrêté préfectoral ne relèvent pas des travaux couverts par la convention d'Espoo ; tant l'esprit que la lettre de l'article 6-1 de cette convention a été respecté ; le non-respect des dispositions de l'article R. 123-11 du code de l'environnement, à le supposer établi, n'a pas eu pour effet de nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération et n'a pas été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ;

- les opérations contestées concourent à la réalisation des objectifs de gestion des sites "Natura 2000";

- les impacts de l'opération au-delà de la frontière Suisse sont analysés dans la note complémentaire à l'étude d'impact ; les travaux sont dépourvus d'incidence sur la nappe du genevois et n'avaient donc pas à être traités spécifiquement dans l'étude d'impact ; les périmètres de protection des captages dans cette nappe sur Etrembières et Gaillard ont été référencés ; l'étude d'impact n'avait pas vocation à analyser les effets du tunnel des Posettes, compte tenu de son antériorité et du fait que cet ouvrage ne correspond pas à l'objet de l'arrêté attaqué ;

- l'autorisation attaquée n'a pas pour objet l'exploitation d'une carrière.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2017, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'il souscrit aux écritures du préfet de la Haute-Savoie présentées en première instance et qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- la Constitution ;

- la convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière, signée à Espoo le 25 février 1991 ;

- le code civil ;

- le code de l'environnement ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics ;

- l'arrêté du 30 mai 2008 fixant les prescriptions générales applicables aux opérations d'entretien de cours d'eau ou canaux soumis à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 du code de l'environnement et relevant de la rubrique 3.2.1.0 de la nomenclature annexée au tableau de l'article R. 214-1 du code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller,

- les conclusions de M. Marc Clément, rapporteur public,

- et les observations de Me Panassac, avocat (Cabinet Taithe Panassac Associés), pour l'association "Les Amis du Bassin de l'Arve" ainsi que celles de Me Ndoye, avocat (société d'avocats Cabinet Liochon et Duraz), pour le syndicat mixte d'aménagement de l'Arve et de ses abords (SM3A).

1. Considérant que l'association "Les Amis du Bassin de l'Arve" relève appel du jugement du 12 mai 2015 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 17 avril 2012 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a déclaré d'intérêt général, au sens de l'article L. 151-36 du code rural et de la pêche maritime, les travaux relatifs aux plans de gestion des matériaux solides de l'Arve, des boisements de berges et du bois mort ainsi que la charte de qualité de gestion des aménagements fluviaux sur vingt-quatre sites situés dans vingt-six communes et a autorisé le syndicat mixte d'aménagement de l'Arve et de ses abords (SM3A), au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement et du code général de la propriété des personnes publiques, à réaliser ces travaux et cette charte, sous réserve de différentes prescriptions ;

Sur la légalité de l'arrêté du 17 avril 2012 :

En ce qui concerne la légalité externe :

S'agissant du défaut de motivation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, désormais codifié à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet doivent être motivées les décisions qui (...) subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions (...). " ; que l'arrêté en litige assortit les autorisations accordées au SM3A de réserves ; que, dès lors, il est au nombre des décisions qui, en l'absence de dispositions législatives particulières donnant un autre fondement à l'obligation de motivation, doivent être motivées en vertu des dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que cette motivation doit, aux termes de l'article 3 de la même loi, être " écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ; que l'arrêté en litige mentionne les rubriques définies à l'article R. 214-1 du code de l'environnement au titre desquelles est délivrée l'autorisation, dont il précise la durée ; qu'il décrit, en son article 4, les opérations réalisées en vertu de cette autorisation et se réfère aux annexes jointes, qui identifient vingt-quatre sites dans lesquels seront préférentiellement réalisées ces opérations, détaillées site par site ; qu'il fixe des prescriptions précises en son titre II, lequel prévoit notamment que chaque demande d'intervention sera soumise aux services de la police de l'eau et renvoie, s'agissant de la mesure des risques d'éco-toxicité, à l'arrêté du 30 mai 2008 susvisé ; qu'il dispose, enfin, que toute modification apportée aux ouvrages, installations ou travaux autorisés entraînant un changement notable des éléments du dossier de demande d'autorisation doit être porté, avant sa réalisation, à la connaissance du préfet ; qu'il est, ainsi, suffisamment motivé au regard des exigences prévues par l'article 1er précité de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ;

S'agissant du caractère irrégulier de l'enquête publique :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du III de l'article R. 122-11 du code de l'environnement : " Lorsqu'elle constate qu'un projet est susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement d'un autre État, membre de l'Union européenne ou partie à la convention du 25 février 1991 sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière signée à Espoo, ou lorsqu'elle est saisie par l'État affecté par le projet, l'autorité compétente lui notifie sans délai l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique et lui transmet un exemplaire du dossier d'enquête. (...) La notification de l'arrêté d'ouverture d'enquête fixe également le délai dont disposent les autorités de cet État pour manifester leur intention de participer à l'enquête publique. L'enquête publique ne peut commencer avant l'expiration de ce délai. / (...) / L'autorité compétente pour prendre la décision d'autorisation ou d'approbation du projet adresse aux autorités de l'Etat concerné le contenu de la décision accompagné des informations prévues par l'article L. 122-1 et par l'article R. 122-16. / Les délais prévus par les procédures réglementaires applicables aux projets en cause sont augmentés, le cas échéant, pour tenir compte du délai de consultation des autorités étrangères. " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, si le dossier de demande d'autorisation et l'étude d'impact ont été communiqués aux autorités suisses au cours de l'enquête publique, laquelle s'est déroulée du 6 juin au 11 juillet 2011, et si le commissaire enquêteur a remis son rapport le 27 août 2011, avant que les autorités suisses ne se soient prononcées, il est constant que ces mêmes autorités ont, après consultation publique, été en mesure de transmettre leurs observations sur le projet le 18 octobre 2011, avant que ne soit prise la décision ; que, dans ces conditions, le non-respect des délais prévus par les dispositions de l'article R. 122-11 précité du code de l'environnement par le préfet de la Haute-Savoie n'a pas eu pour effet de nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ; qu'elle n'a pas davantage été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 414-21 du code de l'environnement : " Toute personne souhaitant élaborer un document de planification, réaliser un programme ou un projet, organiser une manifestation ou procéder à une intervention mentionnés à l'article R. 414-19 (...) accompagne son dossier de présentation du document de planification, sa demande d'autorisation ou d'approbation ou sa déclaration du dossier d'évaluation des incidences Natura 2000 mentionné à l'article R. 414-23. Lorsque le document, programme ou projet fait l'objet d'une enquête publique, cette évaluation est jointe au dossier soumis à enquête publique. / Le contenu de ce dossier peut se limiter à la présentation et à l'exposé définis au I de cet article, dès lors que cette première analyse permet de conclure à l'absence d'incidence sur tout site Natura 2000. " ;

6. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la note complémentaire à l'étude d'impact élaborée en juin 2010, qui comprend notamment, en réponse aux observations formulées par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Rhône-Alpes le 18 décembre 2009, une évaluation des incidences des programmes de gestion sur le site "Natura 2000" de la vallée de l'Arve, et qui est mentionnée dans le compte rendu du commissaire enquêteur, n'aurait pas été soumise à consultation conjointement à l'étude d'impact lors de l'enquête publique ; qu'il n'en résulte pas davantage qu'elle n'aurait pas été transmise aux autorités suisses, alors, en tout état de cause, que le site "Natura 2000" se situe exclusivement sur le territoire français ;

S'agissant de l'information de la Commission européenne :

7. Considérant qu'aux termes du VII de l'article L. 414-4 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté en litige : " Lorsqu'une évaluation conclut à une atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000 et en l'absence de solutions alternatives, l'autorité compétente peut donner son accord pour des raisons impératives d'intérêt public majeur. Dans ce cas, elle s'assure que des mesures compensatoires sont prises pour maintenir la cohérence globale du réseau Natura 2000. Ces mesures compensatoires sont à la charge de l'autorité qui a approuvé le document de planification ou du bénéficiaire du programme ou projet d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations, de la manifestation ou de l'intervention. La Commission européenne en est tenue informée. " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet du SM3A porterait atteinte aux objectifs de conservation d'un site "Natura 2000" ; qu'ainsi, la note complémentaire à l'étude d'impact souligne que l'amélioration de l'équilibre et du potentiel écologique des milieux fait partie des objectifs mêmes des plans de gestion des boisements de berges et des matériaux solides ; que l'adoption de mesures compensatoires n'étant pas nécessaire, l'association "Les Amis du Bassin de l'Arve" n'est pas fondée à soutenir que la procédure serait viciée en l'absence d'information de la Commission européenne ;

S'agissant des insuffisances de l'étude d'impact :

8. Considérant, en premier lieu, que l'association "Les Amis du Bassin de l'Arve" soutient, en se prévalant des termes de l'avis de la DREAL de Rhône-Alpes du 18 décembre 2009, que l'étude d'impact serait insuffisante s'agissant des incidences du projet sur le site "Natura 2000" situé sur une partie du territoire des communes de Bonneville, Contamine-sur-Arve et Scientrier ; que, toutefois, elle ne produit aucun élément précis au soutien de cette allégation, alors que la note complémentaire à l'étude d'impact élaborée en juin 2010, comprend une évaluation d'incidence au regard des objectifs du site "Natura 2000" présent dans le périmètre du projet, relève que l'amélioration de l'équilibre et du potentiel écologique des milieux fait partie des objectifs des plans de gestion des boisements de berges et des matériaux solides envisagés par le SM3A, précise qu'ils sont cohérents avec les principes identifiés dans le cadre du classement "Natura 2000" et recense les habitats et espèces d'intérêt communautaire présents sur le site en analysant l'impact du projet sur ces habitats et espèces ; qu'elle prévoit, en outre, s'agissant de la gestion des matériaux solides, la mise en place d'un protocole d'intervention visant à adapter chaque intervention en fonction des intérêts floristiques et faunistiques identifiés dans chaque zone, l'information systématique des services de la police de l'eau, un suivi de l'impact des interventions réalisées et des mesures de rétroaction en cas d'incidences négatives observées ; qu'elle détaille différentes mesures de prévention visant à garantir l'absence d'impact massif et systématique sur le milieu ; qu'elle énonce que les évacuations des boisements et bois morts seront limités aux situations dans lesquelles les enjeux liés à la sécurisation hydraulique apparaissent plus prégnants que les enjeux liés à l'intérêt écologique ; qu'enfin, si cette note complémentaire ne mentionne pas le site des Aiguilles rouges, la DREAL a indiqué que les incidences du projet sur ce site étaient "très faibles" ;

9. Considérant, en deuxième lieu, et d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la nappe du genevois fait l'objet d'une réalimentation artificielle par une station de pompage des eaux superficielles de l'Arve située sur le territoire suisse, située à plus de deux kilomètres en aval du dernier site d'intervention pressenti ; que les plans de gestion autorisés par l'arrêté en litige ont pour objectif une gestion plus équilibrée de la rivière et de la ressource en eau, tant en terme de qualité physico-chimique des eaux qu'en terme de transit sédimentaire ; que la note complémentaire à l'étude d'impact fait état des incidences attendues du projet sur le territoire suisse et comporte un chapitre relatif à l'analyse de prélèvements de surface ; que, dans ces conditions, l'association "Les Amis du Bassin de l'Arve" n'est pas fondée à soutenir que l'étude d'impact serait insuffisante en ce qu'elle n'évaluerait pas les incidences du projet sur la nappe phréatique genevoise ;

10. Considérant, d'autre part, que, l'association requérante soutient que l'étude d'impact serait insuffisante en ce qu'elle ne reprend pas les remarques formulées par les autorités suisses et, en particulier, en ce qu'elle n'évalue pas, comme l'avaient préconisé ces autorités, l'impact du tunnel des Posettes, ouvrage de dérivation de l'Arve réalisé en 2005-2006 afin de diminuer le volume des matériaux fins dans la rivière ; que, toutefois, comme il a été dit précédemment, l'arrêté en litige impose une analyse régulière du risque d'éco-toxicité des matériaux dont il n'est pas établi par l'association requérante qu'elle serait insuffisante ;

11. Considérant, en troisième lieu, que l'association "Les Amis du Bassin de l'Arve", qui affirme qu'au moins trois des sites concernés par le projet peuvent être qualifiés de carrières, ne saurait utilement soutenir que l'étude d'impact serait insuffisante au regard des exigences de l'article R. 512-8 du code de l'environnement fixant la liste des pièces à transmettre dans le cadre d'une demande d'autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement, dès lors que l'arrêté en litige porte sur une autorisation délivrée au titre des articles L. 214-1 et suivants du code de l'environnement et non de ses articles L. 515-1 et suivants et qu'il lui est loisible, si elle s'y croit fondée, de solliciter de l'administration l'application des mesures de sanction et des mesures répressives prévues par ce code en cas d'exploitation sans autorisation d'une installation classée pour la protection de l'environnement ;

En ce qui concerne la légalité interne :

12. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-7 du code de l'environnement : " I. - Les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que les syndicats mixtes créés en application de l'article L. 5721-2 du code général des collectivités territoriales sont habilités à utiliser les articles L. 151-36 à L. 151-40 du code rural et de la pêche maritime pour entreprendre l'étude, l'exécution et l'exploitation de tous travaux, actions, ouvrages ou installations présentant un caractère d'intérêt général ou d'urgence, dans le cadre du schéma d'aménagement et de gestion des eaux s'il existe, et visant : (...) 2° L'entretien et l'aménagement d'un cours d'eau, canal, lac ou plan d'eau, y compris les accès à ce cours d'eau, à ce canal, à ce lac ou à ce plan d'eau ; (...) 5° La défense contre les inondations et contre la mer ; 6° La lutte contre la pollution ; 7° La protection et la conservation des eaux superficielles et souterraines ; 8° La protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines ; (...) 11° La mise en place et l'exploitation de dispositifs de surveillance de la ressource en eau et des milieux aquatiques (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 151-37-1 du code rural et de la pêche maritime : " Il peut être institué une servitude de passage permettant l'exécution des travaux ainsi que l'exploitation et l'entretien des ouvrages. Le projet d'institution de servitude est soumis à une enquête publique réalisée conformément au code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Les propriétaires ou occupants des terrains grevés de cette servitude de passage ont droit à une indemnité proportionnée au dommage qu'ils subissent, calculée en tenant compte des avantages que peuvent leur procurer l'exécution des travaux et l'existence des ouvrages ou installations pour lesquels cette servitude a été instituée. Les contestations relatives à cette indemnité sont jugées comme en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. " ; qu'aux termes de l'article R. 214-98 du code de l'environnement : " Les dispositions des articles R 152-29 à R. 152-35 du code rural et de la pêche maritime relatives aux modalités de mise en oeuvre de la servitude de passage prévue à l'article L. 151-37-1 du même code sont applicables aux travaux, actions, ouvrages et installations mentionnés à l'article L. 211-7 du présent code. (...) " ;

13. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, en application desquelles a été pris l'arrêté en litige, que les propriétaires riverains dont les terrains sont grevés d'une servitude en application des dispositions combinées des articles L. 211-7 du code de l'environnement et L. 151-37-1 du code rural et de la pêche maritime ont droit à une indemnité proportionnée au dommage subi ; qu'ainsi, en prévoyant, au premier alinéa de son article 5.4, que " Pendant la durée des travaux, les propriétaires sont tenus de permettre, et ce sans indemnité, le libre passage aux agents en charge de la réalisation et de la surveillance des travaux, ainsi que, le cas échéant, des engins mécaniques nécessaires à leur réalisation ", cet arrêté a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 151-37-1 du code rural et de la pêche maritime ; que, si le ministre chargé de l'environnement fait valoir que selon l'article L. 215-18 du code de l'environnement, pendant la durée des travaux d'entretien d'un cours d'eau menés dans le cadre d'un plan de gestion, " les propriétaires sont tenus de laisser passer sur leurs terrains les fonctionnaires et les agents chargés de la surveillance, les entrepreneurs ou ouvriers, ainsi que les engins mécaniques strictement nécessaires à la réalisation de travaux, dans la limite d'une largeur de six mètres ", ces dispositions s'appliquent aux cours d'eau non domaniaux, catégorie dont ne relève pas l'Arve ; qu'à supposer même applicables ces dispositions, que l'arrêté en litige ne vise au demeurant pas, sur certaines portions de l'Arve, il n'en ressort pas que le législateur ait entendu exclure toute indemnité dans le cas où l'exercice du droit de passage qu'elles prévoient entraînerait un préjudice anormal pour le propriétaire ; que, par suite, il y a lieu de modifier l'arrêté en litige en supprimant, au premier alinéa de l'article 5.4., les termes " , et ce sans indemnité, " ;

14. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 2111-9 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les limites des cours d'eau domaniaux sont déterminées par la hauteur des eaux coulant à pleins bords avant de déborder. " ; que selon l'article L. 2121-1 du même code : " Les biens du domaine public sont utilisés conformément à leur affectation à l'utilité publique. / Aucun droit d'aucune nature ne peut être consenti s'il fait obstacle au respect de cette affectation. " ; qu'aux termes de l'article L. 2124-8 du même code : " Aucun travail ne peut être exécuté, aucune prise d'eau ne peut être pratiquée sur le domaine public fluvial sans autorisation du propriétaire de ce domaine. " ; que selon l'article L. 2125-1 de ce code : " (...) l'autorisation d'occupation ou d'utilisation du domaine public peut être délivrée gratuitement (...) lorsque l'occupation ou l'utilisation contribue directement à assurer la conservation du domaine public lui-même (...). " ; que l'article 556 du code civil dispose : " Les atterrissements et accroissements qui se forment successivement et imperceptiblement aux fonds riverains d'un cours d'eau s'appellent "alluvion". / L'alluvion profite au propriétaire riverain, qu'il s'agisse d'un cours d'eau domanial ou non (...). " ;

15. Considérant qu'il résulte de l'article 5.2. de l'arrêté en litige que, dans le cadre des opérations de curage réalisées par le SM3A, les sédiments non éco-toxiques sont restitués au cours d'eau ou valorisés selon les conditions de l'arrêté du 30 mai 2008 ; que l'article 9 de ce dernier arrêté dispose que les sédiments non remis dans le cours d'eau font l'objet, en priorité, d'un traitement approprié permettant leur utilisation en tant que granulats et détermine les usages qui peuvent être faits des autres sédiments non remis dans le cours d'eau, au nombre desquels ne figure pas leur vente ; que, par ailleurs, selon l'article 10 de l'arrêté en litige, le SM3A signera des conventions avec les riverains, propriétaires des matériaux extraits, dont l'excédent non réinjecté dans le lit de l'Arve pourra faire l'objet d'une cession à titre onéreux ; qu'il résulte de ce dispositif que seuls les sédiments appartenant aux riverains de l'Arve pourront être vendus par le SM3A ; que, par suite, l'association "Les Amis du Bassin de l'Arve" n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté préfectoral du 17 avril 2012, en ce qu'il permet la cession des granulats extraits du lit mineur de l'Arve, violerait le principe d'inaliénabilité du domaine public ;

16. Considérant, en troisième lieu, que, si l'arrêté en litige ne se conforme pas aux suggestions des autorités suisses selon lesquelles les engins de chantier admis à pénétrer sur les propriétés privées pour réaliser les travaux devraient n'utiliser que de l'huile et du carburant biodégradables et être pourvus de bacs ou nattes de rétention, il est constant qu'il impose, en son article 5.5. de nombreuses mesures destinées à exclure le rejet d'effluents polluants au milieu naturel, lesquelles ne présentent pas un caractère insuffisant eu égard aux risques de pollution par les engins de chantier ;

17. Considérant, en quatrième lieu, que l'association "Les Amis du Bassin de l'Arve", se prévalant d'une étude réalisée par la Société grenobloise d'études et d'applications hydrauliques (SOGREAH) sur le plan de gestion des matériaux solides de l'Arve, soutient que l'arrêté préfectoral serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que les travaux envisagés ne présenteraient aucune utilité ; que, toutefois, cette étude ne concerne que la portion de la rivière située entre la confluence de l'Arve avec la Ménoge et le pont d'Etrembières, soit quatre communes, alors que vingt-six communes sont concernées par l'arrêté ; qu'en outre, elle se borne à émettre différentes préconisations ;

18. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté préfectoral serait entaché de détournement de pouvoir en ce qu'il aurait pour objet de contourner des décisions de justice antérieures défavorables au projet, dès lors que les arrêtés des 16 janvier et 12 juillet 2006 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie a autorisé le SM3A à réaliser des travaux dans le lit et sur les berges de l'Arve entre la confluence de la Ménoge et la frontière suisse, déclaré d'utilité publique l'aménagement de l'Arve sur cette même section et autorisé le SM3A à poursuivre par voie d'expropriation les acquisitions foncières nécessaires à la réalisation des travaux, annulés pour un motif d'illégalité externe par deux arrêts de la cour administrative d'appel de Lyon du 22 mars 2012, sont dépourvus de lien avec l'arrêté faisant l'objet de la présente instance ;

19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association "Les Amis du Bassin de l'Arve" est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 17 avril 2012 en tant qu'il dispose que les propriétaires riverains dont les terrains sont grevés d'une servitude en application des articles L. 211-7 du code de l'environnement et L. 151-37-1 du code rural et de la pêche maritime n'ont pas droit à une indemnité ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

20. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que le SM3A demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'association "Les Amis du Bassin de l'Arve", qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association "Les Amis du Bassin de l'Arve" la somme que demande le SM3A en application de ces mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Au premier alinéa de l'article 5.4 de l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 17 avril 2012, les termes " , et ce sans indemnité, " sont supprimés.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 mai 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions du SM3A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association "Les Amis du Bassin de l'Arve" est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association "Les Amis du Bassin de l'Arve", au syndicat mixte d'aménagement de l'Arve et de ses abords et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-savoie.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

M. Hervé Drouet, président de la formation de jugement,

Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller,

M. Samuel Deliancourt, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 décembre 2017.

2

N° 15LY02321


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY02321
Date de la décision : 05/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Droits civils et individuels - Droit de propriété.

Nature et environnement.

Nature et environnement.

Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. DROUET
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : Cabinet TAITHE PANASSAC ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-12-05;15ly02321 ?
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