La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/11/2017 | FRANCE | N°16LY01442

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Formation de chambres réunies, 30 novembre 2017, 16LY01442


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Les Jardins de Tarentaise a demandé au tribunal administratif de Grenoble de lui accorder la décharge des rappels de taxe sur les surfaces commerciales auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011, 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1505419 du 29 février 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 avril 2016, la SARL Les Jardins de Tarentaise, représentée par Me Hénique, demande

à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 février 2016 du tribunal administratif de Grenobl...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Les Jardins de Tarentaise a demandé au tribunal administratif de Grenoble de lui accorder la décharge des rappels de taxe sur les surfaces commerciales auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011, 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1505419 du 29 février 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 avril 2016, la SARL Les Jardins de Tarentaise, représentée par Me Hénique, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 février 2016 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de lui accorder la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dispositions législatives relatives à l'assiette de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat n'ayant pas été modifiées, elle peut se prévaloir de la doctrine D...sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; de plus, l'exclusion des serres chaudes de la surface de vente est rappelée dans les notices jointes aux imprimés déclaratifs de la taxe ;

- l'administration ne pouvait remettre en cause rétroactivement l'application de cette doctrine sans porter atteinte à son espérance légitime et au principe de sécurité juridique ;

- les surfaces de serres chaudes sur lesquelles sont réalisées à la fois des prestations de services et des opérations de production, doivent être exclues de l'assiette de la taxe sur les surfaces commerciales, en application de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 ;

- l'intervention de l'arrêté du 17 juin 2014 qui intègre les jardineries dans la liste des établissements nécessitant des surfaces de vente anormalement élevées révèle que la réponse D...a fait l'objet d'une remise en cause rétroactive par l'administration.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 septembre 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il ressort de la lettre D...du 13 avril 1995 que les serres chaudes sont à prendre en compte dans la surface de vente, dès lors qu'elles sont ouvertes au public ; en l'espèce les surfaces concernées n'ont pas pour vocation la maturation des plantes mais leur vente ; de plus, cette doctrine n'était plus en vigueur pour les années en litige ; le fait que la notice explicative jointe aux imprimés déclaratifs reprenne le contenu de cette doctrine est sans effet ; enfin, cette doctrine ne saurait constituer une base suffisante en droit interne de nature à faire naître une espérance légitime ;

- en application de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972, les serres chaudes, dès lors qu'elles sont ouvertes au public, sont à prendre compte dans la détermination de la surface de vente du magasin ;

- l'arrêté du 17 juin 2014 n'est pas applicable aux années d'imposition en litige.

Par un mémoire enregistré le 28 octobre 2016, la SARL Les Jardins de Tarentaise conclut à titre subsidiaire, à la réduction des rappels de taxe sur les surfaces commerciales auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011, 2012 et 2013, à hauteur de la prise en compte d'une réduction de taux de 30 %.

Elle soutient en outre que les végétaux d'ornement qu'elle vend constituent des meubles meublants qui lui permettent de bénéficier de la réduction de taux de 30 % en application de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995.

Par une ordonnance du 7 novembre 2016, la clôture de l'instruction à été fixée en dernier lieu au 2 décembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 modifiée instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'avis du Conseil d'Etat (section du contentieux) n° 405295 du 2 juin 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public,

- les observations de Me Hénique, avocat de la SARL Les Jardins de Tarentaise ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 13 novembre 2017, présentée pour la SARL Les Jardins de Tarentaise ;

1. Considérant que la SARL Les Jardins de Tarentaise, qui exerce une activité de vente de commerce de détail de fleurs, plantes, graines et engrais à Gilly-sur-Isère a fait l'objet d'une proposition de rectification du 28 novembre 2013 en ce qui concerne la taxe sur les surfaces commerciales due au titre des années 2010, 2011, 2012 et 2013 ; que la SARL Les Jardins de Tarentaise relève appel du jugement du 29 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires ;

Sur les rappels de taxe sur les surfaces commerciales au titre des années 2011 à 2013 :

2. Considérant qu'en vertu de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, lorsqu'une cour administrative d'appel est saisie de conclusions qu'elle estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, le dossier doit être transmis au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif (...) peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. /Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 4° Sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale (...). " ; que pour l'application de ces dispositions, doit être regardé comme un impôt local tout impôt dont le produit, pour l'année d'imposition en cause, est majoritairement affecté aux collectivités territoriales, à leurs groupements ou aux établissements publics qui en dépendent ;

4. Considérant que la taxe sur les surfaces commerciales due au titre des années d'imposition 2011 et suivantes constitue, du fait de son affectation aux communes et établissements publics de coopération intercommunale, un impôt local au sens du 4° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative ; qu'il en résulte que les jugements ou ordonnances afférents aux demandes tendant à la décharge de cette taxe, rendus en premier et dernier ressort, ne peuvent faire l'objet d'un appel, mais seulement donner lieu à pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat ;

5. Considérant qu'en conséquence, les conclusions de la SARL Les Jardins de Tarentaise dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 février 2016 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur les surfaces commerciales auxquels elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013 pour son établissement de Gilly-sur-Isère ressortissent à la compétence du Conseil d'Etat, auquel il y a lieu de les transmettre ;

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur les surfaces commerciales au titre de l'année 2010 :

En ce qui concerne la prise en compte des serres chaudes :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Il est institué une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors qu'elle dépasse quatre cents mètres carrés des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960 quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite. (...) La surface de vente des magasins de commerce de détail, prise en compte pour le calcul de la taxe, et celle visée à l'article L. 720-5 du code de commerce, s'entendent des espaces affectés à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats, de ceux affectés à l'exposition des marchandises proposées à la vente, à leur paiement, et de ceux affectés à la circulation du personnel pour présenter les marchandises à la vente. (...) " ;

7. Considérant que la requérante soutient qu'il convient de retrancher de la surface à retenir pour le calcul de la taxe sur les surfaces commerciales les serres chaudes qui, abritant des plantes nécessitant des soins particuliers et poursuivant leur croissance, se distinguent ainsi des autres surfaces de vente au détail ; qu'il est toutefois constant que ces zones sont ouvertes à la fois à la clientèle qui y circule librement pour effectuer ses achats et aux vendeurs pour y réaliser leurs ventes ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a considéré que la superficie de ces serres chaudes constitue une surface de vente devant être prise en compte pour déterminer la surface d'assujettissement de la SARL Les Jardins de Tarentaise à la taxe sur les surfaces commerciales au titre de l'année 2010 ;

S'agissant de la doctrine :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...). " ;

9. Considérant, en premier lieu, que la requérante invoque les termes d'une lettre du 13 avril 1995 du directeur du commerce intérieur du ministère des entreprises et du développement économique adressée au directeur de la fédération nationale des distributeurs spécialistes jardin dont les termes sont les suivants : " Lors de notre dernière entrevue du 5 janvier 1995, nous avons eu l'occasion d'aborder les modalités de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat. Je vous précisais qu'il pouvait être envisagé d'exclure des superficies de vente soumises à la taxe d'aide, les serres chaudes installées dans les établissements de vente au détail de végétaux d'ornement. En raison de leur configuration, ces locaux sont davantage destinés à une production qu'à l'accueil du public. J'ai le plaisir de vous informer que cette disposition a été traduite dans l'instruction dont le service de recouvrement ORGANIC est destinataire. En conséquence les détaillants de végétaux d'ornement peuvent déduire de l'assiette de la taxe exigible au 1er février 1995, la superficie de serres chaudes en joignant à leur déclaration toute pièce justificative, telle que plan des lieux, copie du devis de construction ou d'entretien. " ;

10. Considérant toutefois que la réponse de M. D... relative à la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat alors affectée au Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) qui concernait une créance qui n'était pas de nature fiscale ne peut constituer une interprétation de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; qu'ainsi, la requérante ne peut se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, de la réponse de M. D... qu'elle invoque alors même que la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat et la taxe sur les surfaces commerciales ont le même champ d'application et la même assiette ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que l'inapplicabilité, pour les motifs mentionnés ci-dessus, de la réponse de M. D... relative à la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat ne méconnaît ni le principe de sécurité juridique ni, en tout état de cause, le principe de confiance légitime, que l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales a précisément pour objet de mettre en oeuvre ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la remise en cause de l'exclusion des serres chaudes de la surface d'assujettissement à la taxe sur les surfaces commerciales méconnaît les principes de sécurité juridique et de confiance légitime doit être écarté ;

12. Considérant, en dernier lieu, que la requérante ne peut se prévaloir ni de la notice 3350-NOT-SD associée à la déclaration de la taxe sur les surfaces commerciales, ni d'informations figurant sur le site Internet " Service-Public.fr ", qui ne constituent pas l'interprétation d'un texte fiscal au sens des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; qu'elle ne peut pas plus utilement se référer, dès lors qu'il ne concerne pas l'année en litige, à un arrêté interministériel du 17 juin 2014 venu ajouter à la liste des professions qui requièrent des superficies anormalement élevées et bénéficient d'un taux de réduction de 30 % les magasins vendant à titre principal des fleurs, des plantes, des graines, des engrais, des animaux de compagnie et des aliments pour ces animaux ;

En ce qui concerne l'application d'un taux réduit :

13. Considérant qu'aux termes du dix-septième alinéa de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972, dans sa rédaction alors applicable : " Un décret prévoira, par rapport aux taux ci-dessus, des réductions pour les professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées (...) " ;

14. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret n° 95-85 du 26 janvier 1995, dans sa rédaction applicable à l'année en litige : " A.-La réduction de taux prévue au dix-septième alinéa de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 susvisée en faveur des professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées est fixée à 30 p. 100 en ce qui concerne la vente exclusive des marchandises énumérées ci-après : - meubles meublants ; (... ) - matériaux de construction. (...) " ;

15. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL Les Jardins de Tarentaise commercialise au sein de son établissement situé à Gilly-sur-Isère, outre des plantes d'ornement, des articles de jardinerie qui ne sauraient être regardés comme des meubles meublants au sens des dispositions précitées ; qu'ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'activité de son établissement consistait en la vente exclusive de meubles meublants ni, par suite, qu'elle entrait dans le champ de la réduction de 30 % de la taxe sur les surfaces prévue par les dispositions de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 et du A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995 ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Les Jardins de Tarentaise n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande au titre de l'année 2010 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions de la requête de la SARL Les Jardins de Tarentaise dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 février 2016 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la restitution de cotisations de taxe sur les surfaces commerciales payées au titre des années 2011, 2012 et 2013 pour son établissement de Gilly-sur-Isère sont transmises au Conseil d'Etat.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Les Jardins de Tarentaise est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Conseil d'Etat, à la SARL Les Jardins de Tarentaise et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Fraisse, président de la cour,

M. A... et M. E..., présidents de chambre,

M. B... et Mme F..., présidents-assesseurs,

Mme Dèche et Mme C..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 30 novembre 2017.

2

N° 16LY01442


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Formation de chambres réunies
Numéro d'arrêt : 16LY01442
Date de la décision : 30/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-04 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxes sur le chiffre d`affaires et taxes assimilées autres que la TVA.


Composition du Tribunal
Président : M. FRAISSE
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : FIDAL NANTES SELAS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-11-30;16ly01442 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award