Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B...C..., représentée par MeD..., a demandé, le 16 septembre 2013 au tribunal administratif de Lyon :
1°) d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2013 par lequel le président du conseil général du Rhône a refusé de renouveler son agrément d'assistante maternelle ;
2°) de mettre à la charge de la Métropole de Lyon une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1306579 du 16 décembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 5 février 2016, MmeC..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 décembre 2015 ;
2°) d'annuler la décision susmentionnée du 16 juillet 2013 ;
3°) de mettre à la charge du département du Rhône une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un détournement de pouvoir car les reproches mentionnés dans la décision sont généraux, sans mention d'un événement précis, son premier agrément remonte au 26 juin 1987, sans qu'aucune critique ne lui ait été adressée par les services départementaux sur sa pratique professionnelle ; elle conteste les conclusions du rapport du Dr A...et les commentaires des professionnels de la Maison du Rhône et notamment les appréciations sur sa prétendue agressivité ; l'administration n'apporte pas de fait ou d'élément objectif en mentionnant des difficultés psychomotrices ;
Par un mémoire en défense enregistré le 20 avril 2017, la Métropole de Lyon, représentée par Me Romanet-Duteil, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme C...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision est suffisamment motivée et les griefs sont précis : difficultés de communication et de collaboration avec les professionnels de la PMI, difficultés de compréhension des consignes données, absence de prise en compte des besoins spécifiques de chaque enfant et absence d'évolution professionnelle envisageable, insuffisance des conditions de sécurité à son domicile ;
- les différents professionnels l'ayant rencontrée ont unanimement relevé ses difficultés de communication et de collaboration avec le service de la PMI, ses insuffisances dans sa capacité à répondre aux besoins des enfants et les insuffisances en matière de sécurité à son domicile ; des faits très précis lui ont été reprochés (agressivité lors des entretiens, incapacité à proposer une activité ou un projet d'autonomisation, incapacité à sécuriser son domicile, insuffisances en matière de sécurité des enfants) ; la requérante ne conteste pas la matérialité de tels faits ;
- la requérante avait été informée à de nombreux reprises de la nécessité de modifier son comportement personnel notamment en octobre 2008 par le directeur adjoint et n'a pas su adapter son comportement ; différents incidents se sont produits en décembre 2009 (agressivité et colère contre le personnel en présence d'un enfant), en février et mars 2010 (critiques contre des puéricultrices et comportement inapproprié vis-à-vis d'un enfant), en avril 2010 (refus d'accès à son domicile), avril 2012 (comportement menaçant vis-à-vis d'une puéricultrice et propos dénigrants) ;
- en avril 2012 ont également été constatées des difficultés physiques altérant fortement sa mobilité ; a également été constatée une fragilité psychique ;
- l'évaluation réalisée avant la décision de 2013 établit de nombreuses insuffisances professionnelles ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de Me Romanet-Duteil, avocate, pour la Métropole de Lyon ;
1. Considérant que MmeC..., née en 1946, a obtenu le 26 juin 1987 un agrément d'assistante maternelle qui a été régulièrement renouvelé ; que cet agrément expirant le 22 juillet 2013, elle en demandé le renouvellement ; qu'après avis de la commission consultative paritaire départementale des assistants maternels et des assistants familiaux en date du 1er juillet 2013, la présidente du conseil général du Rhône a refusé de lui accorder ce renouvellement par une décision du 16 juillet 2013 ; que Mme C...a demandé le 16 septembre 2013 au tribunal administratif de Lyon d'annuler cette décision ; que Mme C...relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 décembre 2015 rejetant sa demande ;
Sur la légalité de la décision du 16 juillet 2013 :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction alors applicable : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial est délivré par le président du conseil départemental du département où le demandeur réside. (...) La procédure d'instruction doit permettre de s'assurer de la maîtrise du français oral par le candidat. L'agrément est accordé à ces deux professions si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne. Les modalités d'octroi ainsi que la durée de l'agrément sont définies par décret. Cette durée peut être différente selon que l'agrément est délivré pour l'exercice de la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial. Les conditions de renouvellement de l'agrément sont fixées par ce décret. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 421-23 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque le président du conseil général envisage de retirer un agrément, d'y apporter une restriction ou de ne pas le renouveler, il saisit pour avis la commission consultative paritaire départementale mentionnée à l'article R. 421-27 en lui indiquant les motifs de la décision envisagée. (...) " ; qu'aux termes de l'article Annexe 4-8 du même code : " Le service départemental de protection maternelle et infantile instruit les demandes d'agrément des assistants maternels, qu'il s'agisse d'une première demande, d'une demande de modification ou d'une demande de renouvellement. (...) Les critères d'agrément définis à la section 1 et à la section 2 sont communs à l'exercice à domicile et en maison d'assistants maternels (...) Section 1 Les capacités et les compétences pour l'exercice de la profession d'assistant maternel. (...) Sous-section 2 La maîtrise de la langue française orale et les capacités de communication et de dialogue. Il convient de prendre en compte : 1° La maîtrise de la langue française orale, obligatoire pour le suivi de la formation et l'établissement des relations avec l'enfant, ses parents, les services départementaux de protection maternelle et infantile et les autres professionnels ; 2° L'aptitude à la communication et au dialogue nécessaire pour l'établissement de bonnes relations avec l'enfant, ses parents et les services départementaux de protection maternelle et infantile ; 3° Les capacités d'écoute et d'observation ; (...)5° Les capacités à repérer chez l'enfant une situation préoccupante et à en informer le service départemental de protection maternelle et infantile. Sous-section 3 Les capacités et les qualités personnelles pour accueillir de jeunes enfants dans des conditions propres à assurer leur développement physique et intellectuel et les aptitudes éducatives. Il convient de prendre en compte : 1° La capacité à percevoir et prendre en compte les besoins de chaque enfant, selon son âge et ses rythmes propres, pour assurer son développement physique, intellectuel et affectif et à mettre en oeuvre les moyens appropriés, notamment dans les domaines de l'alimentation, du sommeil, du jeu, des acquisitions psychomotrices, intellectuelles et sociales. (...) 2° La capacité à poser un cadre éducatif cohérent, permettant l'acquisition progressive de l'autonomie, respectueux de l'intérêt supérieur de l'enfant et des attentes et principes éducatifs des parents, favorisant la continuité des repères de l'enfant entre la vie familiale et le mode d'accueil. Section 2 Les conditions matérielles d'accueil et de sécurité. (...) Sous-section 2 La disposition de moyens de communication permettant de faire face aux situations d'urgence. Il convient de s'assurer : 1° De l'existence de moyens de communication permettant d'alerter sans délai les services de secours, les parents et les services départementaux de protection maternelle et infantile ; (...) ;
3. Considérant que pour refuser le renouvellement de l'agrément d'assistante maternelle dont disposait MmeC..., la présidente du conseil général du Rhône s'est fondée sur un rapport d'enquête médico-sociale du 22 mai 2013 faisant état des difficultés de communication et de collaboration que rencontrait Mme C...avec les professionnels de la PMI et d'une incapacité à modifier son comportement et à adopter une attitude professionnelle sur ce point ; que cette même décision mentionnait les difficultés de compréhension par l'intéressée des consignes données et son absence de capacité à mettre en oeuvre des mesures appropriées en cas d'urgence ; que la présidente du conseil général a également indiqué que Mme C...n'était pas en mesure de prendre en compte les besoins spécifiques de chaque enfant selon son âge et ses rythmes propres, ni d'évoluer dans ses pratiques professionnelles ; qu'elle a aussi souligné que les conditions de sécurité à son domicile étaient insuffisantes dès lors que les enfants pouvaient accéder à des produits ménagers et à des ciseaux ; qu'au vu de ces éléments, la présidente du conseil général a estimé que la sécurité et le bien être des enfants accueillis au domicile de Mme C...ne pouvaient plus être assurés et que les conditions de l'agrément n'étaient plus remplies ;
4. Considérant qu'il ressort du rapport du médecin de la PMI du 9 avril 2013 que la requérante écoute très peu ses interlocuteurs, reste focalisée sur ses propres désirs et cherche à intimider ou à manipuler les personnes ayant un avis différent du sien ; que le rapport de la psychologue clinicienne en date du 14 mai 2013 conforte cette analyse sur sa propension à ne pas se maitriser et à être dans un rapport de force avec les membres de la PMI, tout en mentionnant un investissement affectif auprès des enfants ; que les rapports du médecin responsable santé de la maison du Rhône des 21 et 22 mai 2013 mentionnent plusieurs incidents survenus entre 2008 et 2012, dont la matérialité n'est au demeurant pas contestée par la requérante, s'étant déroulés avec les membres des équipes de la PMI et notamment avec les puéricultrices, et étant liés à une forte agressivité verbale de Mme C...vis-à-vis de ses interlocuteurs, pouvant se traduire également par une attitude physique menaçante ; que les mêmes rapports soulignent l'incapacité de la requérante à changer sa pratique professionnelle malgré les rappels lui ayant été faits à plusieurs reprises notamment en 2008 lors du renouvellement de son agrément, en 2010 et en 2012 et ce malgré des changements d'interlocuteurs ; que, par suite, dans ces circonstances, l'exactitude matérielle de tels griefs imputés à Mme C...tenant à un comportement relationnel inadapté de sa part vis-à-vis de ses différents interlocuteurs au sein des services de la PMI doit être regardée comme établie ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...éprouve des difficultés de compréhension des consignes données aussi bien écrites qu'orales du fait du maintien de certaines difficultés linguistiques ; qu'il n'est pas véritablement contesté qu'elle ne connaît pas les règles de sécurité en matière de couchage des enfants et de prévention de la mort subite du nourrisson : qu'il ressort aussi des pièces du dossier et notamment du compte-rendu d'entretien du 25 mai 2012 et de l'avis du médecin du 9 avril 2013 que Mme C...n'est pas en capacité de mettre en oeuvre les mesures appropriées en cas d'urgence, en raison de difficultés psychomotrices importantes entravant notamment sa capacité à monter et descendre des escaliers et de sa méconnaissance de certains numéros d'appel des secours ; que la requérante ne conteste pas les appréciations portées par les puéricultrices au cours de leurs visites et l'appréciation du médecin responsable santé de la maison du Rhône selon lesquelles les enfants pouvant accéder à des produits ménagers et à des ciseaux, les conditions de sécurité à son domicile ne peuvent pas être regardées comme suffisantes ; que, par suite, compte tenu de tels éléments, les lacunes signalées par les services départementaux dans le suivi et le respect des consignes de sécurité sont également matériellement établies ;
6. Considérant qu'il ressort des comptes-rendus de visite des puéricultrices que la requérante a des difficultés à évoluer dans ses pratiques professionnelles et à concevoir des activités en lien avec l'âge des enfants et les besoins spécifiques de chaque enfant selon son âge et ses rythmes propres ;
7. Considérant que si Mme C...produit trois attestations, dont deux émanant de parents dont elle a gardé les enfants en 2012 et au début 2013, faisant état de son investissement, de la qualité des repas confectionnés et du bon entretien de son appartement, de tels éléments ne suffisent pas à remettre en cause les appréciations portées par les services de contrôle sur son comportement professionnel inadapté vis-à-vis des équipes de la PMI, sur les insuffisances relevées en matière de sécurité et sur son incapacité à faire évoluer ses pratiques professionnelles et à s'adapter aux besoins de chaque enfant lui étant confié ; qu'il suit de là que, dans les circonstances de l'espèce, la présidente du conseil général du Rhône, en estimant que les conditions d'accueil proposées par Mme C...ne permettaient pas d'assurer le bien-être et la sécurité des enfants et que les conditions de l'agrément n'étaient plus remplies, n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;
8. Considérant, en second lieu, que si Mme C...fait valoir sans autre précision complémentaire en appel que ce refus de renouvellement révèlerait un détournement de pouvoir, celui-ci n'est pas établi par les pièces du dossier ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du département du Rhône, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la Métropole de Lyon au titre du même article ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la Métropole de Lyon et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et à la Métropole de Lyon.
Délibéré après l'audience du 9 novembre 2017, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Carrier, président-assesseur,
Mme Cottier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 novembre 2017.
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N° 16LY00206