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21/11/2017 | FRANCE | N°16LY00368

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 21 novembre 2017, 16LY00368


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B... A...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007.

Par un jugement n° 1203314 du 30 novembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 28 janvier 2016 et le 5 octobre 2016, M. et Mme A..., rep

résentés dans le dernier état de leurs écritures par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B... A...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007.

Par un jugement n° 1203314 du 30 novembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 28 janvier 2016 et le 5 octobre 2016, M. et Mme A..., représentés dans le dernier état de leurs écritures par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007, à titre subsidiaire, d'en prononcer la réduction ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal a insuffisamment motivé sa réponse aux moyens tirés de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification, du défaut de saisine de l'interlocuteur départemental et de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

- la motivation de la proposition de rectification est insuffisante sur plusieurs points ;

- l'administration aurait dû organiser un rendez-vous entre les contribuables et l'interlocuteur ;

- la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires aurait dû être consultée ;

- l'indemnité de rupture doit être rattachée à l'année 2008, année de son encaissement et de cessation de l'activité et non à l'année de signature du protocole transactionnel, la décision de rescrit du 28 mars 2006 étant sans influence sur la nature de cette indemnité, qui n'a pas été versée en contrepartie de la cession d'un élément d'actif ;

- l'imposition aux contributions sociales n'est pas fondée.

Par un mémoire en défense et un mémoire en réplique, enregistrés le 10 mai 2016, et le 25 septembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens tirés de ce que M. et Mme A... n'ont pas rencontré l'interlocuteur départemental et du défaut de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires sont inopérants ;

- les autres moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente assesseure,

- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallechia, rapporteur public ;

1. Considérant que M. et Mme D..., qui exerçaient une activité d'agent commercial, ont conclu respectivement en novembre et octobre 1976 un contrat d'agence avec la société désormais dénommée Chamois constructeur Didier Demercastel et associés ; que Mme D... a conclu, le 16 avril 1997, un contrat de sous-agence avec sa fille, Mme A..., M. D... ayant pour sa part conclu, le 25 mars 1999, un contrat de sous agence avec son gendre, M. A... ; que M. et Mme D... ont manifesté, en juin 2006, le souhait de céder leurs cartes d'agents commerciaux à M. et Mme A... ; que l'opposition de leur mandant, exprimée le 31 octobre 2006, a conduit à la cessation de leur mandat d'agents commerciaux et de celui des sous-agents ; que, par protocoles transactionnels du 27 décembre 2007, il a été convenu du versement aux sous-agents, par les agents, en contrepartie de la résiliation de leurs contrats d'agents commerciaux, fixée au 10 janvier 2008, d'une somme de 146 117 euros à chacun, versée à hauteur de la moitié avant le 31 décembre 2007 puis avant le 15 mai 2008 pour le même montant ; qu'estimant que cette somme devait être rattachée à l'année de cessation d'activité, M. et Mme A... l'ont déclarée, au titre de l'année 2008, en tant que plus-value professionnelle à long terme, partiellement exonérée en vertu de l'article 151 septies du code général des impôts ; que, sans remettre en cause ce régime, l'administration a, dans le cadre d'un contrôle sur pièces considéré, selon la procédure contradictoire, que ces sommes devaient être imposées au titre de l'année 2007, année de signature du protocole qui fixait l'accord des parties sur la chose et le prix ; que M. et Mme A... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 novembre 2015 rejetant leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que le tribunal a statué sur l'ensemble des conclusions dont il était saisi et a répondu aux moyens qui étaient invoqués devant lui, au nombre desquels ne figurait pas le moyen tiré de ce que les contribuables pouvaient prétendre au bénéfice de l'exonération prévue par l'article 238 quindecies du code général des impôts ; que la critique du bien-fondé des réponses apportées par le tribunal aux moyens invoqués devant lui par les appelants, qui relève de l'examen du fond du jugement, ne saurait être invoquée utilement à l'appui d'une contestation portant sur la régularité de la décision des premiers juges ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.(...) " ; que la proposition de rectification du 11 juin 2010 précise la nature, le motif et le montant des rehaussements envisagés ; qu'elle précise en particulier les raisons pour lesquelles le service a considéré que la date du 27 décembre 2007, date de signature des protocoles conclus entre les agents et les sous-agents correspondait à la date de réalisation des actifs correspondant aux contrats ainsi que les raisons pour lesquelles cette même date constituait le fait générateur de l'impôt ; que le service, qui n'a pas remis en cause la qualification de plus-value retenue par les contribuables dans leur propre déclaration, mais seulement l'année au titre de laquelle cette somme devait être imposée, n'avait pas à apporter, dans sa proposition de rectification la démonstration de ce que l'indemnité perçue par M. et Mme A... avait pour objet de compenser la perte d'un élément d'actif incorporel pour permettre aux contribuables de comprendre et de contester ou d'accepter les rectifications proposées ; que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification doit, par suite, être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que M. et Mme A... ont reçu une première proposition de rectification au cours de l'année 2009 et ont alors indiqué, par une formule évasive, que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires pourrait être saisie malgré son incompétence ; que cette procédure a toutefois été abandonnée, les rectifications en litige procédant de la proposition de rectification du 11 juin 2010 ; que M. et Mme A... n'ayant, en toute hypothèse, pas demandé, dans le cadre de cette nouvelle procédure, que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires soit saisie, ils ne sauraient utilement invoquer le défaut de consultation de cette organisme ;

5. Considérant, en troisième lieu, que la garantie de procédure tenant à la faculté pour le contribuable de saisir l'interlocuteur départemental, instituée par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée au quatrième alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, ne peut être invoquée que dans le cadre d'un litige consécutif aux procédures de vérification de comptabilité et d'examen d'ensemble de la situation fiscale personnelle prévues aux articles L. 12 et L. 13 du même livre ; que les impositions contestées par M. et Mme A... procèdent d'un simple contrôle sur pièces de leur dossier fiscal, qui ne leur ouvrait pas droit au bénéfice de cette garantie ; qu'ils ne sauraient, dès lors, utilement faire valoir qu'ils n'ont pas bénéficié du recours à l'interlocuteur départemental, au demeurant sollicité dans le seul cadre de la procédure ultérieurement abandonnée par l'administration et non redemandé dans le cadre de la nouvelle procédure ;

Sur le bien-fondé des impositions :

6. Considérant qu'aux termes de l'article de l'article 93 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. (...) il tient compte des gains ou des pertes provenant soit de la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession, soit des cessions de charges ou d'offices, ainsi que de toutes indemnités reçues en contrepartie de la cessation de l'exercice de la profession ou du transfert d'une clientèle. " ; qu'aux termes de l'article L. 134-1 du code de commerce : " L'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux (...). " ; que l'article L. 134-11 de ce code dispose : " Un contrat à durée déterminée qui continue à être exécuté par les deux parties après son terme est réputé transformé en un contrat à durée indéterminée. Lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. Les dispositions du présent article sont applicables au contrat à durée déterminée transformé en contrat à durée indéterminée. Dans ce cas, le calcul de la durée du préavis tient compte de la période à durée déterminée qui précède. La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. (...) Les parties ne peuvent convenir de délais de préavis plus courts. Si elles conviennent de délais plus longs, le délai de préavis prévu pour le mandant ne doit pas être plus court que celui qui est prévu pour l'agent. Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d'une faute grave de l'une des parties ou de la survenance d'un cas de force majeure. " ; que selon l'article L. 134-12 du même code : " En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. (...) " ;

7. Considérant que si un préavis de trois mois, tel que celui prévu en principe par les dispositions précitées de l'article L. 134-11 du code de commerce pour mettre fin à un contrat d'agent commercial, ne permet pas de considérer un tel contrat comme disposant d'une pérennité suffisante pour emporter la qualification d'élément incorporel de l'actif immobilisé, il en va différemment en présence de stipulations contractuelles ou de circonstances de fait permettant d'escompter la poursuite de l'exécution du contrat sur une assez longue période ; qu'au cas d'espèce, au moment de la résiliation, le contrat de sous-agent passé par M. A... avec son beau-père avait été conclu depuis près de neuf ans, et celui conclu entre Mme A... et sa mère depuis près de onze ans ; que M. et Mme D... étaient eux-mêmes agents de leur mandant depuis plus de 31 ans ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D... ont indiqué à leur mandant, dès le 30 juin 2006, soit dix-huit mois avant la rupture effective des engagements commerciaux intervenue le 10 janvier 2008, leur intention de céder leurs cartes d'agents commerciaux à M. et Mme A... et de mettre un terme à leur contrat d'agent en cas de refus ; que le mandant des épouxD..., la société Chamois constructeur, a notifié son refus d'agréer les époux A... le 31 octobre 2006, ce qui impliquait qu'il soit mis fin aux mandats des sous-agents ; qu'un délai de plus de quatorze mois s'est toutefois écoulé entre la décision de mettre fin aux contrats des sous-agents et la rupture effective du contrat ; que les circonstances de fait évoquées ci-dessus, tenant à la nature des liens existant entre les agents et leurs sous-agents, à l'ancienneté des relations contractuelles et au long délai nécessaire pour mettre un terme aux contrats respectifs de M. et Mme A... leur permettaient d'escompter la poursuite de ces contrats sur une assez longue période ; que ces contrats doivent, dès lors, être, au cas d'espèce, considérés comme ayant constitué un élément incorporel de l'actif immobilisé des contribuables ; que les indemnités en cause ont été perçues à l'occasion de la perte de cet élément d'actif et ont eu pour effet de réparer cette perte ; que dès lors, la perception de ces indemnités constitue pour les appelants, ainsi que le soutient l'administration, qui n'entend pas fonder l'imposition sur sa propre doctrine, une plus-value assimilable à une plus-value de cession portant sur un élément incorporel de son actif immobilisé et non, comme le soutiennent désormais M. et Mme A..., la contrepartie de la perte de recettes d'exploitation ; que cette plus-value est imposable, quelles qu'aient été ses modalités de paiement, au titre de l'année au cours de laquelle elle a été réalisée, soit, ainsi que le soutient à bon droit l'administration, au cours de l'année 2007, au cours de laquelle les parties se sont accordées sur la chose et le prix ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que les sommes en cause étaient constitutives de produits courants imposables en 2008, année d'encaissement d'une partie des sommes et de cessation effective de l'activité ;

9. Considérant enfin que les indemnités en cause devant, au regard de la loi, recevoir la qualification de plus-value, ainsi que le soutient l'administration, la circonstance que cette dernière ait, au cours de la procédure, mentionné la décision de rescrit n° 2006/26 du 28 mars 2006, publiée au BOFIP qui prévoit la possibilité, lorsque le contrat a été conclu depuis au moins deux ans, d'imposer l'indemnité de résiliation au taux réduit comme le sont les plus-values professionnelles est indifférente, l'administration n'ayant pas entendu fonder l'imposition sur sa propre doctrine ;

10. Considérant, en dernier lieu, que si M. et Mme A... indiquent s'interroger sur les motifs qui amèneraient les services fiscaux à réclamer les contributions sociales, alors que le traitement fiscal des indemnités perçues n'est pas susceptible d'en modifier la nature juridique, ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé ; qu'en toute hypothèse, les litiges nés des prélèvements effectués au titre de l'article 1600-0 C, 1600-0 F bis, 1600-0 G et 1600-0 H du code général des impôts ressortissent, par l'effet du renvoi au III de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, à la compétence de la juridiction administrative ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme A... la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et Mme C... A...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bourrachot, président de chambre,

- Mme Menasseyre, présidente assesseure,

- Mme Terrade, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 novembre 2017.

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 16LY00368


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY00368
Date de la décision : 21/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-03-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Évaluation de l'actif. Plus et moins-values de cession.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SOCIETE FISCALYS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-11-21;16ly00368 ?
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