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16/11/2017 | FRANCE | N°16LY03965

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 16 novembre 2017, 16LY03965


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet de la Loire du 12 mai 2016, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office.

Par un jugement n° 1604054 du 2 novembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 29 novemb

re 2016, M. B..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier Avocats Associés, demande à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet de la Loire du 12 mai 2016, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office.

Par un jugement n° 1604054 du 2 novembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2016, M. B..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier Avocats Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 novembre 2016 ;

2°) d'annuler les décisions du 12 mai 2016 du préfet de la Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un titre de séjour d'une durée d'un an portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.

Il soutient que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet au regard de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur le refus de titre de séjour :

- le préfet a entaché sa décision d'un défaut d'examen préalable de sa situation et d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces mêmes dispositions ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour qui la fonde ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :

- cette décision doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- cette décision doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 janvier 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative et son article R. 611-8 ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le requérant a été régulièrement averti du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lesieux ;

1. Considérant que M. B..., né le 5 avril 1998, de nationalité ivoirienne, a été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Loire en qualité de mineur isolé après être entré irrégulièrement en France à la date déclarée du 5 septembre 2014 ; qu'il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 12 mai 2016, le préfet de la Loire lui a opposé un refus, qu'il a assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de renvoi ; que M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'à l'appui de sa demande, M. B...soutenait que le préfet de la Loire avait entaché sa décision de refus d'autorisation de séjour d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile; qu'il ressort des mentions du jugement attaqué, et en particulier de son point 6, que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments présentés par l'intéressé, ont expressément répondu à ce moyen ;

Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. " ;

4. Considérant que, lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle ; que, disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française ; qu'il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée ;

5. Considérant d'une part que M. B... soutient que la décision litigieuse n'a pas été précédée d'un examen préalable du caractère réel et sérieux de sa situation ; qu'il ressort toutefois des termes de la décision attaquée que le préfet de la Loire a procédé à un examen global de la situation personnelle de M. B..., au regard des critères et conditions posées à l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a, en particulier, examiné la nature des liens conservés par l'intéressé avec sa famille restée en Côte-d'Ivoire avant d'opposer un refus à sa demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'a donc pas commis d'erreur de droit ;

6. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré irrégulièrement sur le territoire français le 5 septembre 2014 selon ses déclarations, a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance de la Loire à l'âge de seize ans et six mois ; qu'à la date de l'arrêté en litige, il suivait avec sérieux, depuis plus de six mois, une formation en vue de l'obtention du certificat d'aptitude professionnelle en mécanique générale et sa structure d'accueil n'avait pas émis d'observations particulières sur son insertion dans la société française ; que, toutefois, s'il a affirmé être fils unique, avoir dû quitter le domicile maternel à l'âge de dix ans, avoir vécu dans la rue jusqu'à son départ pour la France, à l'âge de seize ans, ne pas avoir de contact avec son père et que sa mère, dont il avait indiqué lors de son audition par les services de police, le 23 octobre 2014, qu'il souhaitait qu'elle puisse venir en France pour y recevoir des soins médicaux, était décédée le 24 décembre 2014, il a été en mesure en renseignant un questionnaire préfectoral de communiquer le numéro de téléphone de son père et a affirmé avoir payé la somme de 1 500 000 francs CFA pour son voyage vers la France ; qu'ainsi, et alors même qu'il verse au dossier la copie d'un extrait du registre des actes de l'état civil d'une commune ivoirienne faisant état du décès de sa mère, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'aurait pas conservé de liens avec sa famille restée en Côte-d'Ivoire et notamment son père ; que le requérant ne conteste, au demeurant, pas non plus être resté en relation avec un oncle, lequel lui aurait permis d'obtenir un certificat de naissance établissant sa minorité et ce, postérieurement à sa date d'entrée sur le territoire français ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de la Loire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer à l'intéressé le titre de séjour que prévoient les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications "

8. Considérant que M. B... se prévaut de sa volonté d'intégration en France, où il suit une formation qualifiante et était sous contrat " jeune majeur " à la date de l'arrêté en litige ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M.B..., isolé sur le territoire français où il est arrivé un an et demi avant l'arrêté contesté, a passé la majeure partie de sa vie en Côte-d'Ivoire, où réside notamment son père avec lequel il n'établit pas avoir rompu tout lien ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier de la durée et des conditions d'entrée et de séjour de l'intéressé en France, la décision de refus de délivrance de titre de séjour contestée ne porte pas au droit de ce dernier au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; qu'elle ne méconnaît dès lors pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, en tout état de cause, les stipulations de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant que le refus de titre de séjour n'étant pas illégal, M. B... n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ;

10. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8 et eu égard aux effets d'une mesure d'éloignement, en faisant obligation de quitter le territoire français à M.B..., le préfet de la Loire n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire :

11. Considérant que, la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire n'ayant été prise ni en application ni sur le fondement de la décision de refus de titre de séjour, M. B... ne saurait utilement exciper de l'illégalité du refus de séjour à son encontre ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...).Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. (...) " ;

13. Considérant que le délai de trente jours accordé à M. B...pour exécuter volontairement l'obligation qui lui était faite de quitter le territoire français correspond à la durée légale fixée à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour contester la durée de ce délai, M. B...se borne à soutenir qu'elle l'empêche de terminer sa formation professionnelle en cours ; que cette circonstance n'est pas de nature, à elle seule, à entacher d'illégalité la décision par laquelle le préfet de la Loire a fixé à trente jours le délai de départ volontaire ; qu'ainsi, et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce énoncées au point 8, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. B... ;

Sur la décision désignant le pays de destination :

14. Considérant que la décision désignant le pays de renvoi n'ayant été prise ni en application ni sur le fondement de la décision de refus de titre de séjour, M. B... ne saurait utilement exciper de l'illégalité de ce refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi ;

15. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

16. Considérant qu'à supposer même avérée la circonstance, alléguée mais non corroborée par les pièces du dossier, qu'il n'aurait pas conservé de liens affectifs en Côte-d'Ivoire, le retour de M. B...dans ce pays ne saurait, pour ce seul motif et compte tenu des faits de l'espèce évoqués au point 8, être regardé comme susceptible d'exposer l'intéressé à un traitement inhumain et dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 26 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 novembre 2017.

N° 16LY03965 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY03965
Date de la décision : 16/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : BESCOU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-11-16;16ly03965 ?
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