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16/11/2017 | FRANCE | N°15LY03733

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 16 novembre 2017, 15LY03733


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser 236 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des effets secondaires produits par un traitement contre la maladie de Parkinson, sur le fondement de la solidarité nationale.

Par un jugement n° 1300064 du 17 novembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Proc

édure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 décembre 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser 236 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des effets secondaires produits par un traitement contre la maladie de Parkinson, sur le fondement de la solidarité nationale.

Par un jugement n° 1300064 du 17 novembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 décembre 2015 et 27 septembre 2016, M.D..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 novembre 2015 ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser 236 000 euros en réparation des préjudices subis ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient :

Sur la prise en charge par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale :

- que ni la responsabilité des professionnels de santé et des établissements qui l'ont pris en charge ni la responsabilité des producteurs des médicaments qui lui ont été administrés n'est engagée ;

- que l'addiction au jeu et l'hypersexualité dont il a souffert sont directement imputables aux traitements dopaminergiques qu'il a reçus ;

- que ces troubles sont anormaux au regard de son état initial et de l'évolution prévisible de celui-ci ;

- qu'ils sont particulièrement graves ;

Sur les préjudices subis :

- que les souffrances endurées, évaluées à 3 sur une échelle de 7, doivent être indemnisées à hauteur de 6 000 euros ;

- que son préjudice sexuel doit être indemnisé à hauteur de 30 000 euros ;

- que les pertes d'argent liées à son addiction au jeu doivent être indemnisés à hauteur de 200 000 euros a minima.

Par des mémoires en défense enregistrés les 4 avril 2016 et 28 juin 2017, l'ONIAM, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir :

- que la responsabilité des laboratoires qui produisent les médicaments administrés à M. D... est susceptible d'être engagée, ce qui fait obstacle à une prise en charge au titre de la solidarité nationale ;

- qu'en outre, le lien de causalité direct entre l'administration des traitements dopaminergiques et les troubles du comportement subis par M. D...n'est pas établi ;

- que ces troubles du comportement subis par M. D...ne sont pas notablement plus graves que ceux auxquels il était exposé en l'absence de traitement et qu'en outre, ils sont relativement fréquents.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beytout, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant M.D....

1. Considérant que M.D..., né le 4 mars 1961, s'est vu diagnostiquer en octobre 1998 la maladie de Parkinson ; qu'il a été pris en charge par le centre hospitalier universitaire (CHU) de Grenoble ; que, dès l'année 2001, il a souffert de différents troubles du comportement, tenant, d'une part, à une addiction aux jeux et, d'autre part, à une hypersexualité ; qu'après une intervention en septembre 2007 consistant en une stimulation bilatérale des noyaux sub-thalamiques, ces troubles du comportement ont cessé ; que, le 21 décembre 2010, M. D... a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) de Rhône-Alpes afin de bénéficier d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale ; que, le 15 février 2011, la CRCI a ordonné une expertise et désigné le Dr. Gueguen et le Dr. Rouveix, lesquels ont remis leur rapport d'expertise le 4 avril 2012 ; que, par un avis du 12 juin 2012, la CRCI a estimé que les troubles du comportement dont a souffert M. D...constituaient des troubles d'origine iatrogène imputables au traitement par médicaments dopaminergiques de la maladie de Parkinson et représentaient des conséquences anormales au regard de son état initial suffisamment graves pour ouvrir droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale en application du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ; que, par courrier du 9 août 2012, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a néanmoins refusé de prendre en charge les dommages subis par M. D... du fait de ces troubles du comportement ; que M. D... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 236 000 euros en réparation des préjudices subis ; qu'il relève appel du jugement du 17 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

2. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 ;

4. Considérant que la condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ;

5. Considérant que, lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; qu'ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise diligentée par la CRCI de Rhône-Alpes, que le traitement par médicaments dopaminergiques administré à M. D...entre 1998 et 2007, lesquels agissent sur les mécanismes de contrôle des impulsions, est à l'origine des troubles du comportement dont il a souffert, alors même que la susceptibilité des patients à la stimulation dopaminergique serait variable et que M. D... présentait certaines prédispositions avant son traitement ; que, toutefois, l'expert a relevé que, compte tenu de la gravité de la pathologie de l'intéressé, " lui supprimer ces médicaments revenait à laisser les symptômes de la maladie s'installer et à le mettre dans une situation de handicap majeur dont on sait par ailleurs qu'ils peuvent être source de complications gravissimes voire même de mise en jeu du pronostic vital " ; qu'ainsi, même s'ils sont graves, les troubles du comportement subis par M. D...ne peuvent être considérés comme l'étant notablement plus que ceux auxquels il était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement ; qu'en outre, il résulte de la littérature médicale, et notamment d'un article produit par le requérant lui-même, que ces troubles du comportement affectent environ 13,6 % des patients traités par médicaments dopaminergiques ; qu'environ 3,5 % des patients souffrent d'hypersexualité et 5 % d'addiction au jeu ; que ces effets secondaires, bien que sous-estimés dans un premier temps par les professionnels de santé, s'avèrent donc être relativement fréquents ; que, par suite, M. D...n'est pas fondé à soutenir que le traitement a eu pour lui des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et ne peut dès lors prétendre à une indemnisation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D...et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Carrier, président-assesseur,

Mme Beytout, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 novembre 2017.

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N° 15LY03733


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY03733
Date de la décision : 16/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute. Actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Emilie BEYTOUT
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : ARCADIO et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-11-16;15ly03733 ?
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