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09/11/2017 | FRANCE | N°16LY00575

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 09 novembre 2017, 16LY00575


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 15 septembre 2015 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné le pays de renvoi et l'a obligée à se présenter une fois par semaine au commissariat de police de Grenoble ainsi qu'à remettre son passeport aux autorités administratives, dans l'attente de son départ.

Par un jug

ement n° 1506446 du 20 janvier 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 15 septembre 2015 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné le pays de renvoi et l'a obligée à se présenter une fois par semaine au commissariat de police de Grenoble ainsi qu'à remettre son passeport aux autorités administratives, dans l'attente de son départ.

Par un jugement n° 1506446 du 20 janvier 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 février 2016, Mme B..., représentée par Me Aldeguer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 janvier 2016 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou de régulariser son dossier ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il viole les dispositions de l'article 13 de la décision n° 1/80 du Conseil d'association, mis en place par l'accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, relative au développement de l'association, du 19 septembre 1980, et l'article 41 du protocole additionnel conclu, approuvé et confirmé au nom de la Communauté par le règlement (CEE) n° 2760/72 du Conseil, du 19 décembre 1972 ;

- ce refus méconnait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est également entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet devait saisir la commission du titre de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle viole les dispositions de l'article 13 de la décision n° 1/80 du Conseil d'association du 23 décembre 1963 ;

- pouvant bénéficier de plein droit d'un titre de séjour, elle ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle n'a pas bénéficié du droit d'être entendue ;

- la décision lui accordant un délai de départ volontaire d'un mois n'est pas motivée ;

- elle méconnaît la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle viole les dispositions de l'article 13 de la décision n°1/80 du Conseil d'association du 23 décembre 1963.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision 64-732 CEE du Conseil du 23 décembre 1963 portant conclusion de l'accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie ;

- le règlement CEE n° 2760/72 du Conseil du 19 décembre 1972 portant conclusion du protocole additionnel ainsi que du protocole financier, signés le 23 novembre 1970, annexés à l'accord susvisé ;

- la décision n°1/80 du Conseil d'association du 19 septembre 1980 relative au développement entre la Communauté économique européenne et la Turquie ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller,

- les observations de Me Aldeguer, avocat de MmeB... ;

1. Considérant que Mme B..., ressortissante turque, née le 11 mars 1965, est entrée en France le 2 septembre 2014 ; que le 16 juillet 2015, elle a présenté une demande de titre de séjour mention " vie privée et familiale " ; que par décisions du 15 septembre 2015, le préfet de l'Isère lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné le pays de renvoi et l'a obligée à se présenter une fois par semaine au commissariat de police de Grenoble ainsi qu'à remettre son passeport aux autorités administratives, dans l'attente de son départ ; que Mme B... relève appel du jugement du 20 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du 15 septembre 2015 ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 13 de la décision n° 1/80 du Conseil d'association du 19 septembre 1980 relative au développement entre la Communauté économique européenne et la Turquie : " Les Etats membres de la Communauté et la Turquie ne peuvent introduire de nouvelles restrictions concernant les conditions d'accès à l'emploi des travailleurs et de leurs familles qui se trouvent sur leur territoire respectif en situation régulière en ce qui concerne le séjour et l'emploi " ; que Mme B... ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions faute d'être en situation régulière à la date de la décision contestée ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que les stipulations de l'article 41-1 du protocole additionnel signé le 23 novembre 1970, à l'accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie par lesquelles les parties signataires s'abstiennent d'établir de nouvelles restrictions en matière de liberté d'établissement et de prestations de services, ne sont pas de nature à conférer à un ressortissant turc un droit d'établissement, celui-ci restant régi par le droit national ; que par suite l'intéressée ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le conjoint de Mme B..., avec qui elle s'est mariée en 2012, bénéficie d'un titre de séjour valable jusqu'en 2019 et que ses deux fils majeurs résident en France ; que, toutefois, l'intéressée n'est entrée en France que le 2 septembre 2014 et que sa fille vit dans son pays d'origine ; que dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de la durée et des conditions de séjour en France de Mme B..., le refus de titre de séjour qui lui a été opposé ne porte pas, compte tenu des buts poursuivis, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que, dès lors, ce refus ne méconnaît ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences que cette décision est susceptible de comporter pour la situation personnelle de l'intéressée ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour composée (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (...) " ;

8. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, Mme B... ne remplissait pas les conditions posées par les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet de l'Isère n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant, en premier lieu, que, comme il a été dit ci-dessus, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à Mme B... n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ce refus de titre doit être écarté ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ses affirmations, la requérante n'est pas susceptible de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ; que, par suite, elle n'est pas fondée à affirmer que l'obligation de quitter le territoire français en litige est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle méconnaîtrait son droit à bénéficier d'un tel titre ;

11. Considérant, en troisième lieu que, pour le motif indiqué au point 2, la requérante ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'article 13 de la décision n° 1/80 du Conseil d'association, mis en place par l'accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, relative au développement de l'association, du 19 septembre 1980 ;

12. Considérant, en quatrième lieu, que, compte tenu des éléments précédemment exposés, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

13. Considérant, en dernier lieu, qu'en se bornant à faire valoir, sans autre précision, qu'elle n'a pas été entendue préalablement à l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français, Mme B..., qui a été à même de faire valoir tout élément utile tenant à sa situation personnelle à l'occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour et tout au long de l'instruction de cette demande et qui ne fait état d'aucun élément pertinent qu'elle aurait été empêchée de porter à la connaissance de l'administration et qui aurait été susceptible d'influer sur le prononcé ou les modalités de la mesure d'éloignement prise à son encontre, n'est pas fondée à soutenir que son droit à être entendue préalablement à une décision administrative défavorable, résultant du principe général du droit de l'Union européenne de bonne administration, a été méconnu ;

Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :

14. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...) " ;

15. Considérant qu'en vertu de ces dispositions, le délai que l'administration doit laisser à un ressortissant étranger pour quitter le territoire français est d'au moins trente jours ; qu'ainsi, la décision par laquelle l'administration fixe à trente jours le délai qu'elle octroie à ce ressortissant n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique ; que ces dispositions n'impliquent pas que l'autorité administrative, lorsqu'elle prend une telle décision, démontre l'absence de circonstances particulières qui auraient pu, le cas échéant, justifier une prolongation de ce délai ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours n'est pas suffisamment motivée ;

16. Considérant, en deuxième lieu, que Mme B... ne peut pas utilement se prévaloir de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 qui, à la date de la décision contestée, avait été transposée en droit interne par la loi du 11 juin 2011, dont les dispositions ne sont pas incompatibles avec celles de cette directive ;

17. Considérant, en troisième lieu que, comme il a été dit, la requérante ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'article 13 de la décision n° 1/80 du Conseil d'association, mis en place par l'accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, relative au développement de l'association, du 19 septembre 1980 ;

18. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de la situation personnelle de Mme B... telle qu'elle a été exposée ci-dessus, la décision lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que cette décision procède d'une appréciation manifestement erronée des conséquences qu'elle est susceptible de comporter pour la situation personnelle de l'intéressée ;

19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est entaché d'aucune contradiction de motifs, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 novembre 2017.

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N° 16LY00575

mpd


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY00575
Date de la décision : 09/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : ALDEGUER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-11-09;16ly00575 ?
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