La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/10/2017 | FRANCE | N°16LY04490

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 26 octobre 2017, 16LY04490


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Moulins a rejeté sa demande du 19 avril 2016 tendant à l'effacement et à la rectification des données à caractère personnel le concernant inscrites dans le fichier du traitement des antécédents judiciaires et, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité de procéder à l'effacement et à la rectification de ces d

onnées dans un délai de huit jours à compter de la date de notification du juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Moulins a rejeté sa demande du 19 avril 2016 tendant à l'effacement et à la rectification des données à caractère personnel le concernant inscrites dans le fichier du traitement des antécédents judiciaires et, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité de procéder à l'effacement et à la rectification de ces données dans un délai de huit jours à compter de la date de notification du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Par une ordonnance n° 1601533 du 28 octobre 2016, le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2016, le garde des Sceaux, ministre de la justice, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1601533 du 28 octobre 2016 du président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...B...devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

Il soutient que :

- par application de l'article 112-3 du code pénal, les lois supprimant ou modifiant les voies de recours sont inapplicables aux instances en cours et ne s'appliquent qu'aux recours formés contre les décisions prononcées postérieurement à leur entrée en vigueur ; si l'article 68 de la loi n° 2016-731 donne compétence au juge judiciaire pour connaître des litiges concernant le contentieux des fichiers du traitement des antécédents judiciaires, ces dispositions ne sont applicables qu'aux décisions rendues par le procureur de la République postérieurement à leur entrée en vigueur, ainsi que le précise la circulaire du 17 juin 2016 ;

- la demande de M. B...doit être rejetée pour les motifs présentés dans le cadre des écritures produites en première instance.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que l'entrée en vigueur des dispositions du troisième alinéa de l'article 230-8 du code de procédure pénale, issues du 1° de l'article 68 de la loi du 3 juin 2016, était conditionnée par la publication du décret en Conseil d'Etat prévu au 3° de cet article 68, modifiant l'article 230-11 du même code.

Par un mémoire en réponse à la question d'ordre public, enregistré le 14 septembre 2017, M. B... conclut à l'irrecevabilité de la requête du garde des Sceaux, ministre de la justice et au renvoi de l'affaire, le cas échéant, à la cour administrative d'appel de Paris.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 ;

- le décret n° 2017-1217 du 2 août 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

1. Considérant que M. B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision implicite par laquelle le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Moulins a rejeté sa demande du 19 avril 2016 tendant à l'effacement et à la rectification des données personnelles inscrites au fichier du traitement des antécédents judiciaires le concernant ; que cette autorité, dès lors qu'elle constatait avoir été saisie d'une demande portant sur la mise à jour de données issues de procédures diligentées sur plusieurs ressorts, a transmis la demande de M. B... au magistrat mentionné à l'article 230-9 du code de procédure pénale, en application de l'article R. 40-31 du même code ; que par un courrier du 21 septembre 2016, le magistrat référent chargé du traitement des antécédents judiciaires, a déclaré sans objet la demande de M.B... ; que ce dernier a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'annulation de cette décision 21 septembre 2016 ;

2. Considérant que, par une ordonnance du 28 octobre 2016, le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de l'intéressé comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ; que le garde des Sceaux, ministre de la justice relève appel de cette ordonnance devant la cour ;

3. Considérant que le 1° b) de l'article 68 de la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, a modifié l'article 230-8 du code de procédure pénale en y ajoutant un troisième alinéa selon lequel " Les décisions du procureur de la République en matière d'effacement ou de rectification des données personnelles sont susceptibles de recours devant le président de la chambre de l'instruction " ;

4. Considérant que si le droit de former un recours contre une décision est définitivement fixé au jour où cette décision est rendue, les règles qui régissent les formes dans lesquelles le recours doit être introduit et jugé, y compris celles relatives à la compétence des juridictions et aux pouvoirs des juges, ne sont pas, à la différence des voies selon lesquelles ce droit peut être exercé ainsi que des délais qui sont impartis à cet effet aux intéressés, des éléments constitutifs de ce droit ; qu'ainsi, et à moins qu'une décision expresse y fasse obstacle, un texte modifiant les règles qui déterminent la juridiction compétente s'applique, dès son entrée en vigueur, aux recours introduits avant cette date ;

5. Considérant que si les dispositions législatives mentionnées au point 3 modifient la répartition des compétences entre les ordres administratif et judiciaire de juridiction, leur entrée en vigueur a été différée dès lors que ces mêmes dispositions subordonnent expressément leur exécution à une condition déterminée ; que l'article 230-11 du code de procédure pénale, complété par le 3° de l'article 68 de la loi du 3 juin 2016, dispose en effet qu'un " décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, fixe les modalités d'application de la présente section. Il précise notamment (...) les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent (...) contester les décisions prises par le procureur de la République ou le magistrat mentionné à l'article 230-9 " ; que dès lors, l'intervention de ce décret était nécessaire à la détermination des conditions dans lesquelles les intéressés peuvent exercer leur droit au recours devant l'ordre de juridiction judiciaire ;

6. Considérant que les modalités d'exercice du recours ouvert contre les décisions du procureur de la République en matière d'effacement ou de rectification des données personnelles ont été définies par l'article 8 du décret du 2 août 2017 susvisé, publié au journal officiel le 3 août 2017 et codifié à l'article R. 40-31 du code procédure pénale ; qu'ainsi, à la date de l'ordonnance attaquée, le troisième alinéa de l'article 230-8 du code de procédure pénale n'était pas applicable et la juridiction administrative demeurait compétente pour connaître de la demande de M. B... ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le garde des Sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de M. B... présentée devant ce tribunal au motif qu'elle était portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ; qu'il y a donc lieu d'annuler cette ordonnance ;

8. Considérant que s'il y a lieu pour la cour d'évoquer ladite demande, celle-ci doit cependant être rejetée dès lors qu'à la date du présent arrêt, ainsi qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 6, la juridiction administrative n'est plus compétente pour connaître de la demande de M. B... ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1601533 du 28 octobre 2016 du président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulée.

Article 2 : La demande de M. B...est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et à la garde des Sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Moulins.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 octobre 2017.

4

N° 16LY04490


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY04490
Date de la décision : 26/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Application dans le temps - Entrée en vigueur - Entrée en vigueur subordonnée à l'intervention de mesures d'application.

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par des textes spéciaux - Attributions légales de compétence au profit des juridictions judiciaires.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: M. DURSAPT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-10-26;16ly04490 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award