Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Dijon :
1°) d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2011 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a autorisé la société anonyme (SA) Sita Centre Est à poursuivre l'exploitation d'une installation de stockage de déchets non dangereux sur le site de Torcy jusqu'au 31 décembre 2019 ;
2°) de condamner le département de Saône-et-Loire à lui verser une somme de 1 million d'euros en indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de la dégradation de son patrimoine et de sa perte de valeur économique ainsi qu'une somme de 100 000 euros au titre de ses troubles dans les conditions d'existence ;
3°) d'enjoindre à la SA Sita Centre Est de remettre en état les lieux, de retirer les bassins, de rétablir la distance séparative de 10 mètres par rapport au ruisseau et d'interdire pendant la phase transitoire de remise en état tous dépôts de déchets ;
4°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1301652 du 27 janvier 2015, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 25 mars 2015, et des mémoires, enregistrés les 27 novembre 2015, 30 septembre 2016 et 4 juillet 2017, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. A...B..., représenté par Me Faro, avocat (SCP Faro et Gozlan), demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 27 janvier 2015, d'annuler l'arrêté préfectoral du 29 septembre 2011 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le considérant 14 du jugement est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté contesté est illégal en ce que la modification autorisée est substantielle ; dès lors, cette modification aurait dû faire l'objet d'une nouvelle autorisation après enquête publique ; la société anonyme (SA) Sita Centre Est n'a pas présenté, dans son dossier de demande de prolongation, les effets cumulés de la modification envisagée et des changements successifs intervenus sur l'installation, en violation de l'article R. 512-33 du code de l'environnement ;
- les travaux et aménagements liés à l'exploitation de deux nouveaux casiers n'ont pas fait l'objet d'une étude d'impact ;
- l'arrêté a été pris en méconnaissance de l'article 7 de la Charte de l'environnement sur l'information et la participation du public ;
- l'avis de l'architecte des bâtiments de France n'a pas été sollicité, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 621-32 du code du patrimoine ;
- le préfet n'a pas respecté les dispositions de l'arrêté ministériel du 9 septembre 1997 en n'adoptant pas les prescriptions qui s'imposaient pour protéger le voisinage et l'environnement des dangers et inconvénients générés par la modification de l'installation ; il méconnaît les dispositions de l'arrêté ministériel eu égard à l'absence de précision sur la nature des déchets admis et sur le débroussaillage des abords du site, à l'absence de système permettant de limiter les envols de déchets et à l'absence de précision quant aux conditions de traitement des lixiviats ;
- les prescriptions fixées par l'arrêté ne permettent pas d'assurer la préservation des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ; elles sont réduites par rapport aux mesures de protection prévues par les arrêtés antérieurs ; elles sont insuffisantes s'agissant de l'impact paysager et des eaux superficielles et souterraines, de même que sont insuffisantes les mesures de prévention du risque de rupture de digue et du risque incendie ; des éléments nouveaux intervenus en 2015 et 2016 démontrent que le préfet aurait dû exiger le dépôt d'un nouveau dossier de demande d'autorisation et prescrire, dans l'arrêté en litige, davantage de mesures à l'exploitant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2015, la société anonyme (SA) Sita Centre Est, représentée par Me Defradas, avocat (SCP Boivin et Associés), conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir :
- à titre principal, que la requête est irrecevable, en ce qu'elle ne conclut pas à l'annulation du jugement, lequel n'est, en outre, pas produit ; que la demande de première instance était irrecevable pour tardiveté ;
- à titre subsidiaire, qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ; qu'en particulier, l'évolution de l'installation de stockage objet de l'arrêté préfectoral du 29 septembre 2011 n'entraîne aucun danger ou inconvénient significatif pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code l'environnement et que les prescriptions prévues par cet arrêté sont suffisantes pour préserver ces intérêts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2016, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la procédure d'autorisation ne s'imposait pas en l'absence de modification substantielle des conditions d'exploitation accordées par l'autorisation initiale ; le préfet a ainsi pu légalement prendre un arrêté complémentaire ;
- les casiers 4 et 5 sont inclus dans le périmètre d'autorisation résultant de l'article 2 de l'arrêté préfectoral du 28 juin 1995 ;
- le public n'a pas été privé de toute information et participation au processus décisionnel ;
- l'exploitant n'était pas tenu de demander l'autorisation de l'architecte des bâtiments de France prévue par l'article L. 621-31 du code du patrimoine ;
- l'arrêté préfectoral en litige est conforme aux dispositions de l'arrêté ministériel du 9 septembre 1997 ; en tout état de cause, son article 1.9 rend opposable au site l'ensemble des prescriptions de cet arrêté ministériel, à l'exception de ses articles 9 et 10 ;
- les prescriptions édictées par l'arrêté en litige ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'exploitant a finalement renoncé à l'exploitation du casier n° 5 et cette modification a fait l'objet d'un arrêté préfectoral complémentaire du 25 juillet 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code du patrimoine ;
- l'arrêté du 11 juin 1991 portant inscription sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques du château de Torcy, dépendances et deux bâtiments d'entrée nord-ouest, parc, y compris les deux portails et la demi-lune, les ponts et le vivier ;
- l'arrêté du 31 août 1992 portant classement parmi les monuments historiques du château de Torcy ;
- l'arrêté du 9 septembre 1997 relatif aux installations de stockage de déchets non dangereux ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller,
- les conclusions de M. Marc Clément, rapporteur public,
- et les observations de Me Faro, avocat (SCP Faro et Gozlan), pour M.B..., ainsi que celles de Me Descamps, avocat (Cabinet Boivin et Associés), pour la SA Sita Centre Est.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 octobre 2017, présentée pour M.B... ;
1. Considérant que l'installation de stockage de déchets ménagers et assimilés de Torcy, située à proximité du château que possède M. A...B..., a été initialement autorisée par deux arrêtés du préfet de Saône-et-Loire des 3 avril 1978 et 20 octobre 1980, puis par l'arrêté du 24 octobre 2000, qui abroge les précédentes autorisations ; que, par arrêtés successifs, l'autorité préfectorale a actualisé les prescriptions de fonctionnement de l'installation, notamment en imposant des limites d'ordre quantitatif au stockage des déchets ; que la SA Sita Centre Est, qui exploite l'installation sous cette dénomination depuis janvier 2002, a porté à la connaissance du préfet de Saône-et-Loire, le 16 mars 2011, un projet de modification des conditions de l'exploitation, consistant, en vue de prolonger l'exploitation de l'installation jusqu'au 31 décembre 2019, en l'aménagement de deux casiers n° 4 et 5 en superposition de casiers existants en zone Est, à proximité du château de Torcy, lequel a été classé monument historique par arrêté ministériel du 31 août 1992 et dont les dépendances, le parc et le vivier ont été inscrits sur l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques par arrêté du préfet de région du 11 juin 1991 ; que, par un arrêté du 29 septembre 2011, le préfet de Saône-et-Loire a modifié et complété l'autorisation initiale d'exploitation ; que M. B...relève appel du jugement du 27 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la recevabilité de la demande :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 514-3-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date d'enregistrement par le greffe du tribunal administratif de Dijon de la demande de M.B... : " (...) les décisions mentionnées au I de l'article L. 514-6 (...) peuvent être déférées à la juridiction administrative : - par les tiers, personnes physiques ou morales, les communes intéressées ou leurs groupements, en raison des inconvénients ou des dangers que le fonctionnement de l'installation présente pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 dans un délai d'un an à compter de la publication ou de l'affichage de ces décisions. Toutefois, si la mise en service de l'installation n'est pas intervenue six mois après la publication ou l'affichage de ces décisions, le délai de recours continue à courir jusqu'à l'expiration d'une période de six mois après cette mise en service (...). " ; que, dans sa rédaction alors applicable, l'article L. 514-6 du même code visait notamment les décisions prises en application de l'article L. 512-3 de ce code, lequel dispose, dans sa rédaction alors applicable : " Les conditions d'installation et d'exploitation jugées indispensables pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, les moyens de suivi, de surveillance, d'analyse et de mesure et les moyens d'intervention en cas de sinistre sont fixés par l'arrêté d'autorisation et, éventuellement, par des arrêtés complémentaires pris postérieurement à cette autorisation. " ;
3. Considérant qu'il résulte du dossier soumis aux juges de première instance que M. B... a, avec d'autres riverains de l'installation, signé un courrier dans lequel il se réfère expressément et à deux reprises à l'arrêté préfectoral du 29 septembre 2011, et plus précisément à ses articles 2.5.1. relatif aux risques d'incendie et 1.2.4.3. relatif à la digue incluse dans le talus Est ; que M. B...a, ainsi, eu connaissance de cet arrêté au plus tard à la date de ce courrier, daté du 8 décembre 2012 ; que la demande qu'il a présentée devant le tribunal administratif de Dijon le 1er juillet 2013 ne contient pas de conclusion tendant à l'annulation de l'arrêté ; que si, dans sa demande complémentaire enregistrée le 31 juillet 2013, après que le tribunal l'a invité à régulariser sa demande, il soutient que "l'autorisation d'extension des travaux aurait dû être refusée" en invoquant différents arguments, cette remarque ne saurait être regardée comme une conclusion à fin d'annulation, dès lors que l'intéressé indiquait, en préambule de ce mémoire : "je vous précise que c'est contre une décision d'approbation de fait du schéma de digue fourni officieusement aux riverains (...) pour être joint à l'arrêté préfectoral n° 11-04421 du 29 septembre 2011", arrêté dont il dénonçait le non-respect ; que M. B... peut être regardé comme ayant présenté pour la première fois des conclusions à fin d'annulation de l'arrêté dans son mémoire enregistré par le greffe du tribunal administratif le 28 avril 2014, soit plus d'un an après qu'il en a eu connaissance ; que, s'il soutient qu'en application de l'article R. 514-3-1 précité du code de l'environnement, le délai de recours courait jusqu'au 24 mai 2015, dès lors que le casier n° 4 a été mis en service le 24 novembre 2014, toutefois, l'autorisation d'exploiter l'installation de stockage de Torcy délivrée par les arrêtés des 3 avril 1978 et 20 octobre 1980, puis par celui du 24 octobre 2000, lequel n'a été abrogé par l'arrêté en litige qu'en tant qu'il fixe des prescriptions complémentaires, couvre l'ensemble de la superficie de l'installation, y compris les parcelles occupées par le casier 4, créé en superposition de la "zone 3", constituée d'un casier dont l'exploitation est achevée ; que, dans ces conditions, l'arrêté préfectoral du 29 septembre 2011, qui n'autorise pas l'ouverture d'une nouvelle installation classée mais la poursuite d'une installation existante, n'a pas pour effet de modifier la date de mise en service de l'installation ; qu'il suit de là que la demande de M. B...tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 septembre 2011, enregistrée par le tribunal administratif de Dijon après expiration du délai de recours contentieux, était irrecevable ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la SA Centre Sita Est, que M. B...n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que M. B...demande au titre des frais exposés non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...la somme que la SA Sita Centre Est demande en application de ces mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la SA Sita Centre Est tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à la société anonyme Sita Centre Est et au ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
- M. Hervé Drouet, président-assesseur,
- Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 octobre 2017.
Le rapporteur,
Nathalie PeuvrelLe président,
Jean-François Alfonsi
La greffière,
Anne Le Colleter
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 15LY01070
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