Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du préfet de l'Isère du 8 juillet 2016, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire, désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office et lui interdisant le retour sur le territoire français durant un an.
Par un jugement n° 1604907 du 22 novembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2017, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 novembre 2016 ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;
3°) d'annuler le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen résultat de l'interdiction de retour ;
4°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :
- elle a été prise en violation du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en violation de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle a été prise en violation du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant refus de délai de départ volontaire :
- elle a été prise en violation du 3° de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle a été prise en violation du point III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été notifiée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.
Par décision du 3 janvier 2017, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande d'aide juridictionnelle formulée par Mme C....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Cottier, rapporteur.
1. Considérant que Mme C..., ressortissante géorgienne née le 21 novembre 1979, est entrée en France le 3 septembre 2009, selon ses déclarations ; que, le 10 mai 2011, elle a sollicité un premier titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui lui a été délivré pour la période du 11 mai 2011 au 9 octobre 2012 ; que, le 27 août 2012, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour ; que, par arrêté du 9 avril 2013, le préfet de l'Isère lui a opposé un refus dont la légalité a été confirmée par un arrêt de la présente cour en date du 2 octobre 2014 ; que, le 25 février 2015, Mme C... a déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour en déclarant à cette occasion que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale qu'elle ne pouvait pas trouver dans son pays d'origine ; que, par arrêté du 8 juillet 2016, le préfet de l'Isère lui a opposé un refus, qu'il a assorti d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a désigné le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant un an ; que Mme C... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° À l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ;
3. Considérant que, pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Isère s'est fondé sur l'avis émis le 21 mai 2015 par le médecin de l'agence régionale de santé, selon lequel l'état de santé de Mme C...nécessitait une prise en charge médicale, dont le défaut aurait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais un traitement approprié existait dans son pays d'origine, vers lequel elle pouvait voyager sans risque ; que la requérante soutient qu'elle souffre d'un syndrome dépressif qui nécessite un suivi régulier et un traitement médicamenteux dont elle ne pourrait bénéficier en Géorgie ainsi que d'une infection tuberculeuse latente qui nécessiterait une surveillance radiologique biannuelle et la mise en place d'un traitement préventif ; que, toutefois, il ne ressort pas des éléments médicaux produits par MmeC..., dont certains ne font pas état de l'absence de traitement et de surveillance médicale dans son pays d'origine, et d'autres ne sont que très peu circonstanciés sur ce point, que les pathologies dont elle souffre ne pourraient bénéficier d'un traitement médical approprié en Géorgie, alors au demeurant que le préfet de l'Isère verse au dossier des éléments concernant les structures sanitaires géorgiennes, notamment la " fiche pays " relative à la Géorgie et une lettre du médecin conseil de l'ambassade de France en Géorgie du 13 juin 2013, précisant que " les soins pour les affections psychologiques existent en Géorgie et répondent aux standards internationaux tels qu'ils sont définis par l'OMS " et mentionnant les établissements spécialisés dans les affections psychiques et psychiatriques dans lesquels les enfants et les adultes pouvaient être traités tant à Tbilissi que dans des établissements régionaux ; que, si la requérante produit des lettres de laboratoires attestant que le Tercian et le Théralène ne sont pas commercialisés en Géorgie, ces éléments ne suffisent pas à contredire l'avis du médecin de l'agence régionale de santé dès lors notamment qu'aucun élément du dossier ne permet d'établir que la requérante ne pourrait pas bénéficier d'un traitement équivalent dans son pays d'origine ; qu'en outre, si Mme C... fait valoir que les troubles psychologiques dont elle souffre trouvent leur origine dans un traumatisme subi en Géorgie, il ne ressort pas des pièces du dossier que les états de stress post-traumatique ne pourraient y faire l'objet d'un traitement approprié ni qu'elle aurait vécu, dans ce pays, des événements traumatisants tels qu'ils ne permettraient pas, dans ce cas particulier, d'envisager un traitement effectivement approprié en Géorgie ; qu'elle ne justifie ainsi pas de l'existence d'une circonstance humanitaire exceptionnelle au sens du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement, le préfet de l'Isère a méconnu ces dispositions ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que Mme C... reprend en appel le moyen de première instance, dirigé contre la décision de refus de titre de séjour, tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que Mme C... n'apporte toutefois, au soutien de ce moyen, aucun élément de nature à remettre en cause le bien-fondé du jugement attaqué, dont il y a lieu d'adopter les motifs retenus, à bon droit, sur ce point ;
5. Considérant, en troisième lieu, que Mme C... fait valoir qu'elle réside en France depuis le mois de septembre 2009, soit près de sept ans à la date de la décision litigieuse, et se prévaut des efforts qu'elle a accomplis pour apprendre la langue française et développer ses aptitudes professionnelles ainsi que de son intégration dans la société française notamment par ses divers emplois dans le domaine de l'aide à la personne ; que, toutefois, une partie de son séjour s'est déroulée sous couvert d'autorisations ou de titres de séjour provisoires ne lui donnant pas vocation à demeurer sur le territoire ; que, par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'elle s'est maintenue sur le territoire français sans respecter l'obligation qui lui avait été faite, par décision du 9 avril 2013, de quitter le territoire français, méconnaissant ainsi une mesure de police administrative prise à son encontre par une autorité publique, confirmée par deux décisions juridictionnelles ; que, si elle fait état de la présence en France de son compagnon, celui-ci est aussi en situation irrégulière ; qu'il n'est pas établi qu'elle serait dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente ans ; qu'ainsi, rien ne s'oppose à ce qu'elle rétablisse le centre de sa vie privée et familiale en Géorgie ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment aux conditions du séjour de l'intéressée en France, la décision de refus de titre de séjour contestée n'a pas porté au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquelles elle a été prise ; qu'elle n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
6. Considérant, enfin, qu'il résulte de ce qui précède que la décision attaquée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant, en premier lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, l'obligation de quitter le territoire français faite à Mme C... n'a pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
8. Considérant, en second lieu, qu'au égard à ce qui a été dit au point 5, la décision obligeant Mme C... à quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :
9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français ( ...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants ( ...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement " ;
10. Considérant qu'il résulte de la lecture même de la décision en litige que, pour décider de faire obligation à Mme C... de quitter sans délai le territoire français, le préfet de l'Isère s'est fondé sur la circonstance que celle-ci n'avait pas obtempéré à la mesure d'éloignement dont elle avait fait l'objet le 9 avril 2013 ; qu'ainsi, le préfet de l'Isère a pu légalement, en application des dispositions précitées, estimer que Mme C... présentait un risque de fuite et décider de l'obliger à quitter sans délai le territoire français ;
11. Considérant, en second lieu, qu'eu égard à ce qui a été dit au point 5, la décision attaquée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
12. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français ( ...) / L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) " ;
13. Considérant que Mme C...a fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français qu'elle ne justifie pas avoir exécutée ; qu'il ressort des mentions de l'arrêté contesté que, pour prendre cette décision, le préfet a, en particulier, tenu compte du fait que, si Mme C...ne représentait pas une menace pour l'ordre public, elle n'établissait pas être dépourvue d'attaches en Géorgie où résident sa mère et un frère ; que, par ailleurs, son compagnon, à supposer qu'il soit toujours en France, se trouve dans une situation administrative identique à la sienne ; que, dans ces circonstances, le préfet n'a commis ni erreur de droit ni erreur appréciation au regard des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
14. Considérant, en second lieu, qu'eu égard à ce qui a été dit au point 5, la décision en litige ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision désignant le pays de destination :
15. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;
16. Considérant que, si Mme C... soutient qu'elle serait exposée aux violences de sa famille qui n'approuve pas son concubinage avec son cousin, elle n'établit pas, par son récit, la réalité des faits allégués et l'existence de risques personnels et actuels en cas de retour en Géorgie ; qu' en outre et ainsi qu'il a été dit, elle peut bénéficier de traitements appropriés à son état de santé dans son pays d'origine, où elle ne serait pas laissée sans soins ; que, par suite, en désignant ce pays comme pays de renvoi, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat les frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2017 à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Carrier, président-assesseur,
Mme Cottier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 octobre 2017.
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N° 17LY00316