La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/10/2017 | FRANCE | N°16LY04502

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 12 octobre 2017, 16LY04502


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCS Banque Delubac et Cie a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 437 684 euros au titre de trois créances qui lui ont été cédées par la société Project'One ou, à défaut, de lui verser les sommes de 153 499 euros et 284 185 euros, augmentées des intérêts capitalisés, à titre de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1401244 du 2 novembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour
>Par une requête enregistrée le 30 décembre 2016 et un mémoire en réplique enregistré le 12 juillet 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCS Banque Delubac et Cie a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 437 684 euros au titre de trois créances qui lui ont été cédées par la société Project'One ou, à défaut, de lui verser les sommes de 153 499 euros et 284 185 euros, augmentées des intérêts capitalisés, à titre de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1401244 du 2 novembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 30 décembre 2016 et un mémoire en réplique enregistré le 12 juillet 2017, la SCS Banque Delubac et Cie, représentée par Me Bissier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 novembre 2016 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 437 684 euros au titre de trois cessions de créances ou, à défaut, à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de leur date d'échéance et capitalisation à compter de l'introduction de la demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande était recevable dès lors qu'en acceptant la cession, le débiteur a renoncé à lui opposer les exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le signataire du bordereau ;

- les bordereaux sont réguliers ;

- les actes d'acceptation sont réguliers ;

- à supposer que les actes d'acceptation soient irréguliers, l'administration aurait commis une faute en lui laissant croire que la créance lui serait réglée à l'échéance.

Par des mémoires enregistrés le 9 juin 2017 et le 7 septembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables, dès lors que la demande n'a pas été précédée d'une réclamation préalable et qu'aucune demande spécifique n'a été adressée au ministre, seul compétent en matière de recours indemnitaire ;

- de telles conclusions sont irrecevables, dès lors que les conclusions principales concernent la matière fiscale ;

- les conclusions devant le tribunal administratif étaient bien irrecevables, dès lors que la société Project'One ne pouvait se prévaloir d'un crédit d'impôt et que le cédant ne peut céder plus de droits qu'il n'en détient ; en outre, la cession de créance n'entraine pas la perte de la qualité de contribuable du cédant ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Après avoir fait l'objet d'une clôture au 13 juillet 2017 par une ordonnance du 13 juin 2017, l'instruction a été rouverte le 17 juillet 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code monétaire et financier ;

- le décret n° 93-977 du 31 juillet 1993 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Savouré, premier conseiller,

- les conclusions Mme Bourion, rapporteur public,

- les observations de MeA..., substituant Me Bissier, avocat de la SCS Banque Delubac et Cie ;

1. Considérant que, le 3 décembre 2012, le 8 janvier 2013 et le 27 février 2013, la société Project'One a cédé à la SCS Banque Delubac et Cie, au moyen de bordereaux prévus par l'article L. 313-23 du code monétaire et financier, les créances qu'elle estimait détenir sur l'Etat au titre du crédit d'impôt recherche pour un montant total de 437 684 euros ; que ces cessions de créance ont donné lieu à un escompte par la SCS Banque Delubac et Cie au profit de la société Project'One ; qu'à l'échéance de ces créances, l'administration a cependant refusé de verser à la SCS Banque Delubac et Cie les montants figurant sur ces bordereaux ; que la SCS Banque Delubac et Cie relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant au paiement à son profit de la somme de 437 684 euros ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-23 du code monétaire et financier : " Tout crédit qu'un établissement de crédit ou qu'une société de financement consent à une personne morale de droit privé ou de droit public, ou à une personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle, peut donner lieu au profit de cet établissement ou de cette société, par la seule remise d'un bordereau, à la cession ou au nantissement par le bénéficiaire du crédit, de toute créance que celui-ci peut détenir sur un tiers, personne morale de droit public ou de droit privé ou personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle./(...) " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-24 de ce code : " Même lorsqu'elle est effectuée à titre de garantie et sans stipulation d'un prix, la cession de créance transfère au cessionnaire la propriété de la créance cédée. / Sauf convention contraire, le signataire de l'acte de cession ou de nantissement est garant solidaire du paiement des créances cédées ou données en nantissement " ; qu'aux termes de l'article L. 313-27 du même code : " La cession ou le nantissement prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d'échéance ou d'exigibilité des créances, sans qu'il soit besoin d'autre formalité (...) " ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-28 du même code : " L'établissement de crédit ou la société de financement peut, à tout moment, interdire au débiteur de la créance cédée ou nantie de payer entre les mains du signataire du bordereau. A compter de cette notification, (...) le débiteur ne se libère valablement qu'auprès de l'établissement de crédit ou de la société de financement " ; qu'en vertu de l'article 6 du décret du 31 juillet 1993 relatif aux saisies et cessions notifiées aux comptables publics et aux centres de chèques postaux ou de la Caisse nationale d'épargne, cette notification est faite au comptable assignataire ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-29 du code monétaire et financier : " Sur la demande du bénéficiaire du bordereau, le débiteur peut s'engager à le payer directement (...). / Dans ce cas, le débiteur ne peut opposer à l'établissement de crédit les exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le signataire du bordereau, à moins que l'établissement de crédit, en acquérant ou en recevant la créance, n'ait agi sciemment au détriment du débiteur. " ;

6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, qui sont applicables aux créances détenues sur des personnes morales de droit public, que la cession d'une créance professionnelle effectuée dans les conditions prévues aux articles L. 313-23 à L. 313-34 du code monétaire et financier, d'une part, transfère à l'établissement de crédit cessionnaire la propriété de la créance cédée et, d'autre part, est opposable aux tiers à compter de la date portée sur le bordereau visé à l'article L. 313-23 de ce code, sans autre formalité ; que la notification de la cession, laissée à la seule initiative de l'établissement de crédit, prévue par l'article L. 313-28 de ce code a pour effet de garantir le débiteur du caractère libératoire de son paiement ; que la souscription par le débiteur de la créance cédée, à la demande de l'établissement de crédit cessionnaire, de l'acte d'acceptation prévu à l'article L. 313-29 de ce code, a pour effet de créer à l'encontre de ce débiteur une obligation de paiement entre les mains du détenteur du bordereau, détachée de la créance initiale de l'entreprise et contre laquelle il ne peut faire valoir des exceptions tirées de ses rapports avec l'entreprise cédante ; que lorsque la cession de créance intervient avant la présentation de la demande au tribunal, l'établissement de crédit cessionnaire, comme le cédant, a qualité pour agir devant le juge de l'impôt afin d'obtenir le paiement de cette créance, indépendamment des procédures de notification de la cession de créance ou d'acceptation de cette cession par le débiteur ;

7. Considérant que le tribunal administratif a estimé que la demande de la SCS Banque Delubac et Cie tendait, à titre principal, au paiement des créances fiscales dont elle était cessionnaire et, subsidiairement, à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des conséquences dommageables de son refus d'effectuer ce paiement alors que l'administration avait accepté la cession de ces créances ; que les premiers juges ont rejeté, comme irrecevables, les conclusions principales de la société requérante au motif qu'elle n'avait pas la qualité de contribuable lui permettant de saisir le juge de l'impôt ; qu'ils ont rejeté ses conclusions subsidiaires comme non fondées ; que, toutefois, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la circonstance que la SCS Banque Delubac et Cie ne soit pas le contribuable directement bénéficiaire des crédits d'impôt litigieux ne fait pas obstacle à ce qu'elle saisisse le juge de l'impôt, dès lors qu'elle se prévaut de la qualité de cessionnaire de cette créance en application des dispositions précitées et que cette cession est intervenue avant la présentation de sa demande au tribunal ; que, par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions principales comme irrecevables ; qu'ainsi, ce jugement, qui est irrégulier, doit être annulé ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à la SCS Banque Delubac et Cie d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés à l'occasion du litige ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 novembre 2016 est annulé.

Article 2 : La SCS Banque Delubac et Cie est renvoyée devant le tribunal administratif de Lyon pour qu'il soit statué sur sa demande.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la SCS Banque Delubac et Cie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCS Banque Delubac et Cie et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 octobre 2017.

2

N° 16LY04502


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY04502
Date de la décision : 12/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Demandes et oppositions devant le tribunal administratif - Formes et contenu de la demande.

Procédure - Introduction de l'instance - Intérêt pour agir - Existence d'un intérêt - Intérêt lié à une qualité particulière.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : BISSIER THIERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-10-12;16ly04502 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award