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12/10/2017 | FRANCE | N°16LY04233

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 12 octobre 2017, 16LY04233


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B...D..., épouse C...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions de la préfète de la Côte d'or du 18 mars 2016, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office.

Par un jugement n° 1601219 du 25 octobre 2016, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête,

enregistrée le 16 décembre 2016, Mme B...D..., épouseC..., représentée par Me A..., demande à la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B...D..., épouse C...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions de la préfète de la Côte d'or du 18 mars 2016, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office.

Par un jugement n° 1601219 du 25 octobre 2016, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2016, Mme B...D..., épouseC..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon du 25 octobre 2016 ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte d'or, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois et sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

- elle méconnaît les dispositions des 2° et 4° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 12 du règlement (CEE) n° 1612/68 du 15 octobre 1968 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour qui la fonde ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale du fait de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français qui la fondent.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 septembre 2017, le préfet de la Côte d'or conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé ;

Par décision du 24 janvier 2017, confirmée par ordonnance du président de la cour du 16 mars 2017, le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été refusé à Mme C....

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2017, la préfète de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête ;

Le préfet fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne ;

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ;

- le règlement (UE) n °492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Carrier, rapporteur,

1. Considérant que Mme C..., ressortissante espagnole née au Maroc le 1er janvier 1961, est entrée en France au mois d'avril 2012, selon ses déclarations ; que, le 16 novembre 2015, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 18 mars 2016, la préfète de la Côte-d'or lui a opposé un refus de titre de séjour, qu'elle a assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de renvoi ; que Mme C... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 121-4 du même code : " (...) Lorsqu'il est exigé, le caractère suffisant des ressources est apprécié en tenant compte de la situation personnelle de l'intéressé. En aucun cas, le montant exigé ne peut excéder le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné à l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles ou, si l'intéressé remplit les conditions d'âge pour l'obtenir, au montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale. / La charge pour le système d'assistance sociale que peut constituer le ressortissant mentionné à l'article L. 121-1 est évaluée en prenant notamment en compte le montant des prestations sociales non contributives qui lui ont été accordées, la durée de ses difficultés et de son séjour. (...) " ;

3. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier qu'après avoir exercé une activité professionnelle en France entre 2012, date de son arrivée sur le territoire français, et 2014, puis avoir notamment perçu le revenu de solidarité active, l'époux de Mme C... a perçu mensuellement, à partir d'août 2015, à la suite de la reconnaissance de son inaptitude professionnelle définitive, outre une pension de retraite d'un montant de 25 euros, la somme de 800 euros au titre de l'allocation de solidarité aux personnes âgées ; que cette prestation sociale non contributive constituait la quasi-totalité des ressources des époux C..., la requérante ne percevant pour sa part aucun revenu et ne faisant état d'aucune évolution prévisible des sources de revenus du couple ; que, dans ces circonstances, c'est à bon droit que le préfet de la Côte d'or a estimé qu'à la date de la décision attaquée, Mme C...constituait une charge pour le système d'assistance sociale ; que la circonstance que les époux C...vivaient avec deux de leurs filles majeures qui exerçaient une activité professionnelle à temps partiel est sans incidence sur cette appréciation ; que, par suite, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de titre de séjour attaquée méconnaît le 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant, d'autre part, que si la requérante fait valoir que ses filles se sont engagées à la prendre en charge, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit, que Mme C...relevait à la date de la décision attaquée du système d'assistance sociale à hauteur de 800 euros mensuels et ne pouvait par suite être regardée comme étant à la charge de ses filles ; que, par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que ses filles ne disposaient que d'un contrat de travail à temps partiel de femme de chambre qui ne leur procurait pas des revenus suffisants pour prendre en charge leurs parents eu égard aux charges qu'elles devaient par ailleurs assumer ; qu'ainsi, Mme C... n'est pas davantage fondée à soutenir que la décision de refus de titre de séjour attaquée méconnaît le 4° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant que selon l'article 12 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté, repris à l'article 10 du règlement (UE) n° 492/2011 du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union : " Les enfants d'un ressortissant d'un Etat membre qui est ou a été employé sur le territoire d'un autre Etat membre sont admis aux cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat, si ces enfants résident sur son territoire. / Les Etats membres encouragent les initiatives permettant à ces enfants de suivre les cours précités dans les meilleures conditions. " ; que, par un arrêt C-480/08 du 23 février 2010, la Cour de Justice de l'Union européenne a jugé que : " 1) Le ressortissant d'un État membre qui a été employé sur le territoire d'un autre État membre, dans lequel son enfant poursuit des études, peut, dans des circonstances telles que celles au principal, se prévaloir, en sa qualité de parent assurant effectivement la garde de cet enfant, d'un droit de séjour dans l'État membre d'accueil sur le seul fondement de l'article 12 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté, tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2434/92 du Conseil, du 27 juillet 1992, sans qu'il soit tenu de satisfaire aux conditions définies dans la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE. / 2) Le droit de séjour dans l'État membre d'accueil dont bénéficie le parent qui a effectivement la garde d'un enfant exerçant le droit de poursuivre des études conformément à l'article 12 du règlement n° 1612/68 n'est pas soumis à la condition selon laquelle ce parent doit disposer de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de cet État membre au cours de son séjour et d'une assurance maladie complète dans celui-ci. / 3) Le droit de séjour dans l'État membre d'accueil dont bénéficie le parent qui a effectivement la garde d'un enfant d'un travailleur migrant, lorsque cet enfant poursuit des études dans cet État, n'est pas soumis à la condition que l'un des parents de l'enfant ait exercé, à la date à laquelle ce dernier a commencé ses études, une activité professionnelle en tant que travailleur migrant dans ledit État membre. / 4) Le droit de séjour dans l'État membre d'accueil dont bénéficie le parent assurant effectivement la garde d'un enfant d'un travailleur migrant, lorsque cet enfant poursuit des études dans cet État, prend fin à la majorité de cet enfant, à moins que l'enfant ne continue d'avoir besoin de la présence et des soins de ce parent afin de pouvoir poursuivre et terminer ses études. " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...est mère d'une fille scolarisée de nationalité espagnole ; que cette dernière, née le 16 avril 1996, était âgée de dix-neuf ans à la date de l'arrêté contesté ; qu'elle était donc majeure légalement, tant au regard de la loi civile espagnole qu'au regard de la loi française ; que par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette dernière continuait d'avoir besoin de la présence et des soins de sa mère afin de pouvoir poursuivre et terminer ses études en France, alors qu'elle vit auprès de deux de ses soeurs majeures qui résident régulièrement sur le territoire national ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 10 du règlement du 5 avril 2011 doit être écarté ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

8. Considérant que Mme C...n'est entrée en France qu'à l'âge de cinquante et un ans, moins de quatre ans avant l'arrêté contesté ; que son époux est également en situation irrégulière ; que leurs quatre enfants sont majeurs ; que si elle vit avec trois de ses filles et soutient s'occuper des enfants de sa quatrième fille pendant que cette dernière travaille, il ne ressort pas des pièces du dossier que sa présence en France serait indispensable à l'une ou l'autre de ses filles ou à ses petits-enfants ; qu'enfin, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Espagne, où réside notamment un membre de sa fratrie ; que, par suite, la décision refusant de délivrer à Mme C... un titre de séjour ne porte pas au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant que les moyens dirigés contre le refus de titre de séjour ayant été écartés, Mme C...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ;

10. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8 et eu égard aux effets d'une mesure d'éloignement, la décision d'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision désignant le pays de destination :

11. Considérant que les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, Mme C...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat les frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D..., épouse C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Carrier, président-assesseur,

Mme Beytout, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 octobre 2017.

N° 16LY04233 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY04233
Date de la décision : 12/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. Claude CARRIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SCP AUDARD

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-10-12;16ly04233 ?
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