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12/10/2017 | FRANCE | N°16LY00928

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 12 octobre 2017, 16LY00928


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé dans le dernier état de ses écritures le 8 décembre 2015 au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 25 février 2014 autorisant son licenciement économique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Par un jugement n° 1401475 du 7 janvier 2016, le tribunal administrat

if de Dijon a annulé la décision du 25 février 2014 du ministre du travail, de l'emploi, de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé dans le dernier état de ses écritures le 8 décembre 2015 au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 25 février 2014 autorisant son licenciement économique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Par un jugement n° 1401475 du 7 janvier 2016, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 25 février 2014 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et a condamné l'Etat à verser une somme de 1 000 euros à M.B....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 mars 2016, la société Energia, représentée par Flichy Grangé Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 7 janvier 2016 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier à raison de son insuffisance de motivation dès lors que les premiers juges n'ont pas expliqué leur analyse relative au courrier du 26 janvier 2013 selon laquelle l'employeur ne pouvait pas limiter valablement le périmètre géographique de ses recherches de reclassement ;

- elle a respecté ses obligations en matière de reclassement contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges ; elle n'avait pas d'obligation de rechercher des postes de reclassement à l'étranger et notamment en Suisse et en Espagne ; dans le cadre de la première procédure de licenciement, M. B...a renseigné le questionnaire " mobilité internationale ", a ajouté les DOM TOM et l'a retourné hors délai ; elle a toutefois recherché des postes de reclassement à l'étranger et aux DOM TOM et a transmis à M. B...le 12 mars 2012 une offre de poste en reclassement " responsable commercial grands comptes " situé en Guyane, de niveau cadre nécessitant des compétences managériales et comportant des missions identiques au poste de responsable/directeur d'agence ; M. B...n'a pas postulé à un tel poste ; il a rencontré la cellule de reclassement BPI le 4 avril 2012 pour évoquer la faisabilité d'un projet de mobilité internationale et a renseigné un nouveau questionnaire dans lequel il a mentionné son intérêt par une mobilité en Suisse, en Espagne ou dans les DOM TOM ; elle n'a pas été en mesure de lui faire des propositions de mobilité internationale ; pour la deuxième procédure de licenciement, M. B...a indiqué le 26 janvier 2013 qu'il ne souhaitait pas déménager " pour le moment " et elle a estimé qu'elle pouvait par suite restreindre le champ géographique de ses recherches de reclassement ;

- son licenciement économique était justifié ; le secteur d'activité au sein duquel doivent s'apprécier les difficultés économiques a bien été défini ; les difficultés économiques doivent s'apprécier au regard du secteur d'activité du groupe auquel appartient cette société ; si la Cour de cassation n'a pas donné de définition précise du secteur d'activité, elle a indiqué que le secteur ne peut pas être inférieur à l'entreprise et a validé la méthodologie du faisceau d'indices relatifs à la nature des produits, à la clientèle et aux modes de distribution ; le groupe GDF-Suez comprend 5 branches d'activité énergie et une branche d'activité environnement ; les 5 branches énergie se répartissent entre " Energie France ", " Energie Europe international ", " Global gaz et GNL ", "Infrastructures ", " Energies services " ; la branche " Energie France " se subdivise en plusieurs " business units " : " production d'électricité ", " gestion de l'énergie ", " B to B provalys performance énergétique ", " B to C Clients Habitat et professionnels ", " services à l'habitat " ; cette dernière business unit comprend différents secteurs d'activité : -Eco confort comprenant les sociétés Energia, Cliposl, Panosol, Coraver, Géoclim, AMB, Agenda : installation d'équipements pour les particuliers et énergies renouvelables, -financement comprenant la société Solfea, - Maintenance comprenant la société Savelys qui assure l'entretien d'appareils de chauffage ; les entreprises du pôle Eco confort ont une activité dédiée de pose et d'installations d'appareils énergétiques auprès des particuliers reposant sur des énergies renouvelables, ABM et Agenda ayant une activité de diagnostics et de conseils, Energia, Clipsol, Panosol, Geoclim, Coraver concevant et installant des équipements ; la branche " Energie France " ayant des domaines d'activités vastes ne peut constituer un seul secteur d'activité ; l'entité " Services à l'habitat " propose des solutions d'efficacité énergétique intégrant les énergies renouvelables et la rénovation thermique du bâti " et est la seule entité française du groupe à offrir des solutions aux seuls particuliers ; la branche " Energie France " ne peut pas être retenue comme niveau d'appréciation des difficultés économiques ; et " l'énergie " ne peut pas constituer un secteur d'activité au périmètre duquel le motif économique doit être apprécié ; le périmètre d'appréciation des difficultés économiques sur le " pôle Eco confort " n'a pas été contesté par l'inspecteur du travail ou le ministre ; M. B...a reconnu l'existence d'un tel pôle et les difficultés économiques de ce pôle ; il n'y avait pas lieu d'intégrer la société Cofely au sein du pôle Eco confort car cette société appartient " au pôle Services " et exerce ses activités de conseil, d'installation et de maintenance d'installations de production d'énergie auprès de clients professionnels et non auprès de particuliers ; le pôle " Eco confort " connaît de graves difficultés économiques et toutes les entreprises en faisant partie ont vu leur résultat baisser et ont procédé à des licenciements ; les pertes pour " l'Eco confort " ont été en 2010 de 11,9 millions, en 2011 de 31,9 millions, en 2012 de 17,7 millions, en 2013 de 16,1 millions, au 30 juin 2014 de 9,8 millions d'euros ; les difficultés économiques se poursuivent encore ; le secteur " Eco confort " était le niveau d'analyse pertinent pour les difficultés économiques ; c'est de manière erronée que M. B...a indiqué que le ministre dans sa décision du 25 février 2014 s'est borné à regarder la situation économique de l'Eco confort au mois de février 2013 ; elle avait joint dans son recours hiérarchique au ministre la lettre du 25 juin 2013 adressée à l'inspecteur du travail mentionnant une actualisation des données économiques à juin 2013 ; elle a été convoquée à un entretien à la Direccte le 16 décembre 2013 dans le cadre de l'enquête contradictoire sur le recours hiérarchique et la situation économique a été abordée ; la situation économique ne s'est pas améliorée entre le 24 juillet 2013, date de la décision de l'inspecteur et le 25 février 2014, date de décision du ministre ;

- la procédure de licenciement a été régulière ;

- elle a respecté ses obligations de reclassement car les deux propositions adressées à M. B... pour occuper un poste de responsable d'agence à Grenoble et à Nancy étaient précises et sérieuses ; elle a mené des recherches de reclassement sérieuses et loyales en continuant ses recherches après mars 2013 dès lors qu'elle lui a adressé une proposition de reclassement datée du 26 février 2014 ; elle pouvait adresser des courriels aux sociétés du groupe dans le cadre de la recherche de reclassement et n'a pas indiqué auxdites sociétés de limiter la recherche de postes de reclassement correspondant au profil de M.B... ; il n'y a pas eu d'exclusion de postes de catégorie inférieure ; M. B...ne démontre pas que les termes des courriels l'auraient mis dans l'impossibilité d'accéder à un poste vacant ; il ne démontre pas la déloyauté de la recherche et que les termes du courriel auraient incité les sociétés du groupe à adopter un " comportement filtrant " ; elle devait donner des informations personnalisées sur les personnes à reclasser (CV, profil, référence à sa qualité de salarié protégé, contexte) pour avoir des retours d'information ;

- elle a appliqué les critères d'ordre de licenciement et l'autorité administrative n'est pas compétente pour statuer sur la question du respect des critères d'ordre de licenciement ; les responsables des agences maintenues de Nevers, Nîmes et Lille n'étaient pas licenciables ; M. B... a refusé une mobilité géographique ;

- la procédure de licenciement n'a pas de lien avec son mandat ; il n'a pas été victime de discrimination car il n'a pas été isolé en tant que salarié protégé et n'a pas connu de refus d'accompagnement dans son activité commerciale et n'a pas été écarté de certaines réunions commerciales dès lors qu'aucun attaché commercial n'étant rattaché à M.B..., sa présence aux réunions relatives aux attachés commerciaux n'était pas requise ; le motif de licenciement n'est pas discriminatoire ;

Par mémoire enregistré le 28 mai 2017 M. B... représenté par Dellien Associés, conclut au rejet de la requête et la confirmation de l'annulation de la décision du ministre autorisant son licenciement et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Energia une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- il n'existe pas de motif économique justifiant son licenciement ; il était nécessaire de constater l'existence d'une cause économique au moment où l'autorisation était sollicitée et lors de la seconde demande d'autorisation, la société était dans le plan de continuation et non plus dans la période d'observation ; la présomption de motif économique du juge commissaire n'était valable que pour les licenciements prononcés pendant la période d'observation ; le ministre a eu une analyse erronée des difficultés économiques pendant le plan de continuation ; le secteur d'activité était mal défini, le périmètre d'appréciation des difficultés économiques est celui de l'énergie lequel ne souffre d'aucune difficulté économique ; à la date où le ministre a autorisé son licenciement la cause économique n'était pas caractérisée ; dans le document de présentation au comité d'entreprise, la société Energia n'a rattaché son activité à aucun secteur particulier du groupe ; il aurait fallu définir au préalable le secteur d'activité du groupe GDF-Suez auquel se rattache la société Energia ; dans sa comptabilité le groupe GDF-Suez organise son activité autour de 2 branches ou secteurs d'activités : la branche environnement et la branche énergie à laquelle appartient la société Energia, l'expert-comptable du comité d'entreprise estime également que la société Energia doit être rattachée à l'énergie ; les sociétés du secteur énergie sont organisées autour d'une même clientèle, l'énergie renouvelable devant servir à l'ensemble de sa clientèle ; les pertes générées aujourd'hui par la société Energia ne doivent pas être regardées comme des difficultés économiques mais comme une phase économique d'investissement dans le secteur des énergies renouvelables ; le secteur d'activité pour évaluer les difficultés économiques est le secteur énergie du groupe GDF Suez ; il n'existe pas à proprement parler de secteur Eco confort car l'Eco confort ne correspond qu'à une division de la branche Energie ; en l'absence de présentation de ce secteur d'activité, il est impossible de contrôler si l'ensemble des entreprises se rapportant à ce secteur ont été prises en compte dans l'analyse des difficultés économiques ; le ministre du travail se borne à prendre les exemples donnés par la société Energia de sociétés présentant des difficultés économiques mais ne mentionne pas la société Cofely ; le ministre n'a pas contrôlé la situation de l'ensemble des sociétés du secteur d'activité et n'a pas retenu le véritable secteur d'activité ; le secteur Energie n'a pas de difficultés économiques, car il est profitable ; pour le secteur Eco confort, le ministre ne fait état que de baisse de chiffres d'affaires de trois sociétés et d'une baisse de résultat mais ceci ne suffit pas à caractériser des difficultés économiques car une entreprise peut connaître une baisse de chiffre d'affaires et rester profitable ; le ministre a ainsi commis une erreur d'appréciation sur l'existence de difficultés économiques ; le ministre doit tenir compte des évolutions de la situation de l'entreprise pour statuer sur la demande de l'entreprise s'il annule la décision de l'inspecteur du travail ; le ministre n'a mentionné que des données sur des difficultés économiques datées de février 2013 soit une année avant sa décision ; il fallait que l'entreprise justifie de difficultés économiques au moment de l'autorisation de licenciement, le ministre a ainsi commis une erreur de fait ou de droit ou d'interprétation ;

- la procédure de licenciement était irrégulière à raison de la modification des informations remises au comité d'entreprise et celles remises pour justifier la demande de licenciement auprès de l'administration ; le secteur Eco confort n'a pas été présenté au comité d'entreprise comme périmètre d'appréciation du motif économique de son licenciement ; l'expert comptable du comité a constaté dans son rapport l'absence de rattachement de l'activité à tout secteur d'activité du groupe ; le périmètre d'appréciation du motif économique présenté au ministre est différent de celui sur lequel le comité d'entreprise a donné son avis ; dans l'hypothèse où le périmètre d'appréciation serait celui de l'Eco confort, le comité d'entreprise a exprimé un avis sur la base d'informations erronées et l'expert-comptable ne pouvait pas se prononcer sur le périmètre Eco confort ;

- l'obligation de reclassement n'a pas été respectée , l'administration doit contrôler les possibilités de reclassement et les modalités y compris dans le cadre du groupe ; il appartient à l'entreprise de produire des éléments probants sur la matérialité des efforts et des démarches entreprises et sur les propositions d'emploi précises formulées ; la charge de la preuve appartient à l'employeur ; les démarches menées sont insuffisantes car une seule offre de reclassement (poste de responsable d'agence à Grenoble) lui a été adressée le 8 février 2013 avant la décision du ministre et elle était déloyale et inacceptable car l'objectif de résultat était inatteignable ; cette offre dans de telles conditions ne peut pas être considérée comme sérieuse ; la proposition pour un poste à Nancy a été reçue postérieurement à la décision du ministre du 25 février 2014 ; les propositions de reclassement doivent être faites avant la décision administrative, les offres postérieures à la décision administrative ne peuvent pas être prises en compte ; cette offre sur Nancy manquait également de sérieux, l'objectif de chiffre d'affaires étant inatteignable ; le groupe GDF-Suez compte plus de 138 000 salariés dans le monde ; l'employeur était tenu de rechercher des opportunités de reclassement dans les entités du groupe y compris celles établies à l'étranger dès lors que leurs activités, leur organisation et le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; lors de la seconde procédure de licenciement, aucun questionnaire relatif au reclassement à l'étranger ne lui a été adressé ; la société Energia n'ayant pas respecté la procédure de l'article L. 1233-4-1 du code du travail, elle ne pouvait pas restreindre le périmètre de ses recherches de reclassement ; après le refus d'autorisation de licenciement du 5 novembre 2012, aucune offre de reclassement à l'étranger n'a été proposée ; les recherches de reclassement à l'étranger se sont arrêtées en mars 2012 ; la société Energia ne justifie d'aucune recherche dans les sociétés du groupe pour la seconde procédure de licenciement ; le ministre aurait dû à raison de cette carence refuser l'autorisation de licenciement ; lors de la première procédure de licenciement, il avait été fait état de 713 postes disponibles hors de France dont 36 postes dans la catégorie " commercial " et étant donné qu'il avait accepté des postes nécessitant une formation, le champ des postes disponibles était bien plus large ; s'il a mentionné dans une réponse de janvier 2013 avant le démarrage de la seconde procédure de licenciement qu'il n'envisageait pas de déménager pour le moment, ceci était limité dans le temps et ne pouvait pas permettre de limiter définitivement le périmètre de reclassement ; l'employeur ne saurait utiliser une autre procédure que celle prévue à l'article L. 1233-4-1 du code du travail pour limiter la recherche de reclassements à l'étranger et aurait dû adresser ce questionnaire au salarié ; la société Energia n'a fait aucune proposition de reclassement entre février 2013 et le 25 février 2014 et ne justifie pas de démarche depuis le mois d'avril 2013 ; l'employeur ne peut pas limiter ses offres et recherches en fonction de la volonté présumée du salarié de les refuser ; l'attitude de l'entreprise est déloyale et peu sérieuse ; le simple envoi de courriels aux sociétés du groupe et la production de quelques réponses est insuffisant pour satisfaire à l'obligation de recherche de reclassement ; le contenu des courriels évoque seulement le profil de responsable d'agence et ne demande pas l'ensemble des postes disponibles y compris inférieurs ; l'employeur a une obligation de rechercher tous les postes disponibles ; la mention dans les courriels de sa qualité de salarié protégé est déloyale ; la transmission du CV peut aussi dissuader la transmission de certains postes disponibles ;

Par un mémoire enregistré le 7 juin 2017, le ministre du travail conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Dijon.

Il soutient que :

- suite à une première décision de refus d'autorisation de licenciement du 5 novembre 2012, l'employeur a poursuivi la recherche de reclassement le 8 février 2013 en lui proposant un poste de responsable d'agence à Grenoble et cette proposition a été refusée ; cette recherche était suffisamment personnalisée et satisfaisait aux obligations de l'employeur en matière de reclassement ;

- il s'associe aux moyens et aux conclusions de la société Energia ;

Par un mémoire enregistré le 22 juin 2017, la société Energia conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

Elle ajoute que :

- elle connaît toujours des difficultés économiques : en 2014, les pertes financières atteignaient 9,1 millions d'euros et en 2015, elles devraient être de 7 millions d'euros et en 2016 elles devraient être de 7,7 millions d'euros ; au niveau du secteur Eco confort, la situation est difficile, deux sociétés Clipsol et Panosol ont diminué leurs effectifs en 2015 et mis en place un plan de sauvegarde de l'emploi et font l'objet d'une liquidation amiable, la société Energia a saisi en 2016 la Directte d'une demande d'homologation d'un projet de cessation de ses activités et la suppression de l'ensemble des postes de l'entreprise ; l'homologation est intervenue le 22 avril 2016 et l'essentiel des salariés s'est vu actuellement notifier son licenciement pour motif économique ;

- elle a adressé le 26 février 2014 une proposition de reclassement sur un poste à l'agence de Nancy ;

Par un mémoire enregistré le 26 juin 2017 M. B...conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens. Il ajoute que le mécanisme des critères d'ordre des licenciements a été modifié par la société Energia ; l'entreprise l'a privé de trois possibilités de reclassement et ce constat contribue également à faire le lien entre son licenciement et son mandat ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Palin, avocat de la société Energia et de Me Abdelaziz, avocat de M.B....

1. Considérant que, le 1er avril 2007, M. B...a été embauché par la société Energia comme visiteur-représentant-placier ; qu'à compter du 1er novembre 2008, il a été nommé animateur des ventes ; qu'il a ensuite été nommé le 1er septembre 2009 directeur/responsable d'agence à Roanne ; que, le 26 juillet 2012, M. B... a été élu membre du comité d'entreprise sur une liste CGT ; qu'il a également présenté sa candidature aux élections partielles du 10 octobre 2013 ; qu'à la suite de difficultés économiques, le juge commissaire près le tribunal de commerce de Nevers a, par une ordonnance du 14 mars 2012, autorisé la société Énergia à procéder à des licenciements pour motif économique ; qu'il a ainsi autorisé la suppression de 7 postes de responsable d'agence ; que, par décision du 5 novembre 2012 corrigée le 8 novembre 2012 pour une erreur de plume, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. B...au motif de l'absence " d'offres de reclassement suffisamment précises de la part d'Energia " ; que M. B...ayant refusé le 20 mars 2013 un poste de directeur/responsable d'agence à Grenoble, la société Energia a demandé à l'inspecteur du travail d'autoriser son licenciement ; qu'une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'inspecteur du travail ; qu'une décision explicite de refus a été prise le 12 septembre 2013 par l'inspecteur du travail pour les motifs tirés du manque de précision et d'actualisation des éléments relatifs à la cause économique et de ses effets sur l'emploi et d'un lien avec le mandat de M.B... ; que la société Energia ayant formé un recours hiérarchique, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, par décision du 25 février 2014, a annulé la décision implicite de refus née le 24 juillet 2013 et la décision explicite du 12 septembre 2013 de l'inspecteur du travail et a autorisé le licenciement pour motif économique de M. B... ; que la société Energia interjette appel du jugement du 7 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision ministérielle autorisant le licenciement de M.B... ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que les premiers juges ont indiqué au point 4 de leur jugement que la société Energia n'alléguait pas avoir recherché des postes en reclassement à l'étranger et notamment en Suisse et en Espagne malgré les souhaits exprimés par M.B... ; qu'ils ont également indiqué que M. B...ayant manifesté un intérêt de principe pour un reclassement en Suisse et en Espagne, il n'y avait pas lieu pour la société Energia de restreindre les recherches au seul périmètre national sur la seule indication faite à un moment donné de l'absence de souhait de déménagement de M. B...à Grenoble ; que, dès lors, les premiers juges ont suffisamment motivé leur analyse sur l'insuffisance des recherches de reclassement menées par la société Energia pour M.B... ; que, par suite, le moyen tiré d'une irrégularité du jugement en raison d'une insuffisance de motivation doit être écarté ;

Sur le bien fondé du jugement :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1233-4-1 du même code : " Lorsque l'entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national, l'employeur demande au salarié, préalablement au licenciement, s'il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire, dans chacune des implantations en cause, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation. (... ) "; qu'il résulte de ces dispositions que, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à la recherche des possibilités de reclassement du salarié dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en février 2012 puis en avril 2012 M. B...a fait part par écrit de son souhait de se voir proposer des postes à l'étranger et dans les DOM-TOM ; qu'il a notamment précisé en avril 2012, y compris lors de sa rencontre avec la société BPI, société en charge d'opérations de reclassement pour la société Energia, être désireux d'occuper des postes en Espagne et en Suisse ; que, lors de la seconde procédure de licenciement engagée à l'encontre de M.B..., la société Energia ne lui a pas demandé s'il confirmait ses souhaits de postes à l'étranger ; qu'il ne ressort pas des termes des lettres adressées par M. B...à son employeur les 26 février 2013 et 20 mars 2013 concernant la proposition de poste de directeur d'agence à Grenoble qu'il ait entendu renoncer à des postes à l'étranger ; que s'il a mentionné dans sa lettre du 26 février 2013 qu'un schéma organisationnel et de formation sur le site de Limonest au lieu de Grenoble lui semblait plus pertinent et qu'il n'envisageait donc pas pour le moment un déménagement à Grenoble, cette circonstance ne pouvait permettre à la société Energia, sans vérification auprès de M.B..., d'en déduire qu'il avait renoncé à postuler à des postes à l'étranger ; que la société Energia n'allègue pas avoir effectué une quelconque démarche de recherche de reclassement pour M. B...en dehors du territoire national ; que, dès lors, en restreignant les recherches de reclassement au territoire national et en ne menant pas de recherches de reclassement à l'étranger et notamment dans les sociétés et filiales du groupe GDF-Suez situées en Espagne et en Suisse dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation pouvaient permettre, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel, la société Energia, comme l'ont estimé les premiers juges, a méconnu ses obligations de recherches en matière de reclassement ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Energia n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 7 janvier 2016, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 25 février 2014 du ministre du travail autorisant le licenciement économique de M.B... ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Energia la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la société Energia à l'encontre de l'Etat ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Energia est rejetée.

Article 2 : La société Energia versera à M. B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Energia, à M. A...B...et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Carrier, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 octobre 2017.

1

8

N° 16LY00928


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY00928
Date de la décision : 12/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07-01-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Modalités de délivrance ou de refus de l'autorisation.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : FLICHY GRANGÉ AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-10-12;16ly00928 ?
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