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12/10/2017 | FRANCE | N°15LY02582

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 12 octobre 2017, 15LY02582


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...F...et Mme G...F..., néeC..., ont demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier universitaire de Dijon à verser, d'une part, une somme de 65 614,55 euros à M. F... au titre des préjudices subis en raison de l'infection nosocomiale contractée lors d'une intervention chirurgicale consistant en la pose d'une prothèse totale du genou droit réalisée le 17 septembre 2008 et, d'autre part, une somme de 10 000 euros à Mme F... au titre de son préjudice par ricochet.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...F...et Mme G...F..., néeC..., ont demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier universitaire de Dijon à verser, d'une part, une somme de 65 614,55 euros à M. F... au titre des préjudices subis en raison de l'infection nosocomiale contractée lors d'une intervention chirurgicale consistant en la pose d'une prothèse totale du genou droit réalisée le 17 septembre 2008 et, d'autre part, une somme de 10 000 euros à Mme F... au titre de son préjudice par ricochet.

La caisse primaire d'assurance maladie de Saône-et-Loire a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier universitaire de Dijon à lui verser 45 778,42 euros au titre de ses débours.

Par un jugement n° 1401681 du 21 mai 2015, le tribunal administratif de Dijon a condamné le centre hospitalier universitaire de Dijon à verser, d'une part, une somme de 21 763 euros à M. et Mme F...et, d'autre part, une somme de 30 641,32 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 juillet 2015, M. et MmeF..., représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 mai 2015 en tant qu'il a limité la condamnation du centre hospitalier universitaire de Dijon à 21 763 euros ;

2°) de désigner un expert pour évaluer les aménagements de domicile ainsi que le matériel paramédical rendus nécessaires du fait de l'infection et du retard fautif de prise en charge ;

3°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Dijon à verser, d'une part, une somme de 65 614,55 euros à M. F... au titre des préjudices subis en raison de l'infection nosocomiale contractée lors de la pose d'une prothèse totale du genou droit réalisée le 17 septembre 2008 et, d'autre part, une somme de 10 000 euros à Mme F... au titre de son préjudice par ricochet ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Dijon une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les frais de déplacement s'élèvent à 6 170,20 euros ;

- l'aménagement du domicile et le matériel médical nécessaire compte tenu de son état de santé doivent faire l'objet d'une expertise complémentaire ou à défaut être indemnisés à hauteur respectivement de 30 743,61 euros et 17 052,02 euros ;

- son déficit fonctionnel temporaire, total pendant 216 jours et partiel à 50 % pendant 864 jours, doit être indemnisé à hauteur de 14 256 euros ;

-les souffrances endurées, évaluées à 5 sur une échelle de 7, doivent être indemnisées à hauteur de 20 000 euros ;

- son déficit fonctionnel permanent, de 8 %, doit être indemnisé à hauteur de 8 000 euros ;

- son préjudice esthétique, de 1,5 sur une échelle de 7, doit être indemnisé à hauteur de 2 200 euros ;

- le préjudice subi par MmeF..., par ricochet, doit être indemnisé à hauteur de 10 000 euros.

Par un mémoire enregistré le 6 octobre 2015, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Saône-et-Loire, représentée par la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or, par Me D...H..., demande à la cour :

1°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Dijon en tant qu'il condamne le centre hospitalier universitaire de Dijon à lui verser une somme de 30 641,32 euros au titre de ses débours et 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Dijon une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 juin 2017, le centre hospitalier universitaire de Dijon, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- M. F...n'établit pas la réalité de ses frais de transport ;

- la nécessité d'aménager son logement ou d'acquérir du matériel médical n'est pas liée à l'infection nosocomiale contractée mais à son état de santé initial ;

- les sommes de 14 256 euros et 8 000 euros allouées par les premiers juges à M. F... au titre de son déficit fonctionnel temporaire, d'une part, et au titre de son déficit fonctionnel permanent, d'autre part, sont suffisantes ;

- la somme de 10 300 euros allouée par les premiers juges à M. F...au titre des souffrances endurées est suffisante ;

- la somme de 1 147 euros allouée à M. F...au titre du préjudice esthétique est suffisante ;

- Mme F...ne justifie d'aucun préjudice par ricochet.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beytout, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.

1. Considérant que M.F..., atteint de gonarthrose bilatérale, a été opéré le 17 septembre 2008 pour la pose d'une prothèse totale du genou droit au centre hospitalier universitaire (CHU) de Dijon ; qu'il a contracté lors de cette intervention une infection qui n'a été diagnostiquée et prise en charge qu'à compter du 21 mars 2011 ; que, le 14 octobre 2011, M. F... a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales de Bourgogne, qui a ordonné une expertise ; que les experts ont déposé leur rapport le 2 avril 2012 ; que, dans un avis du 4 juin 2012, la CRCI de Bourgogne a estimé que l'infection contractée était une infection nosocomiale, que le retard de prise en charge de cette infection était fautif de la part du CHU de Dijon et qu'il incombait à ce dernier d'assumer la réparation des préjudices subis par M. F... et son épouse à hauteur d'un tiers au titre de l'infection nosocomiale et d'un tiers au titre du retard de prise en charge ; que la SHAM, assureur du CHU de Dijon, a présenté deux offres de 20 000 euros puis 25 714,14 euros qui ont été refusées par M. et MmeF... ; que, par courrier du 16 décembre 2013 reçu le 23 décembre 2013, M. et Mme F...ont demandé au CHU de Dijon de leur verser respectivement 65 614,55 euros et 10 000 euros au titre des préjudices subis ; que cette demande a été implicitement rejetée par l'hôpital ; que M. et Mme F...ont alors saisi le tribunal administratif de Dijon ; que, par un jugement du 21 mai 2015, le tribunal administratif de Dijon a estimé que l'origine des préjudices de M. et Mme F...étaient imputables pour les deux tiers à l'infection nosocomiale contractée lors de l'intervention du 17 septembre 2008 d'une part et au retard de prise en charge fautif de cette infection d'autre part, a retenu en conséquence la responsabilité du CHU de Dijon, et l'a condamné à verser une somme de 21 763 euros à M.F... ; que M. et Mme F...relèvent appel du jugement en tant qu'il limite la condamnation du CHU de Dijon à cette somme et demandent que celui-ci soit condamné à leur verser respectivement 65 614,55 euros et 10 000 euros ;

Sur les conclusions de M. et MmeF... :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux de M. F...:

2. Considérant, en premier lieu, que M. F...conteste la somme de 1 000 euros qui a été retenue par les premiers juges en remboursement de ses frais de déplacement ; que, toutefois, il demande à être indemnisé de frais de déplacement dont certains sont uniquement liés à l'intervention initiale et non à l'infection nosocomiale qui s'est développée ensuite ; qu'en outre, il se borne à produire un tableau déjà produit en première instance dans lequel figurent de nombreux déplacements au cours de périodes pendant lesquelles il était en hospitalisation complète ; que, dans ces conditions, la réalité de l'ensemble des déplacements allégués n'est pas établie et M. F...n'est pas fondé à demander une indemnisation supplémentaire à ce titre ;

3. Considérant, en second lieu, que M. F...demande à être indemnisé, d'une part, pour l'aménagement de son domicile, à hauteur de 30 743,61 euros, et d'autre part, pour l'acquisition et le renouvellement de matériel médical tel qu'un lit médicalisé et un fauteuil électrique, à hauteur de 17 052,02 euros ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'avant son intervention, M.F..., qui était obèse et souffrait de problèmes vertébraux, présentait déjà une mobilité très réduite, avec un périmètre de marche limité à 100 m ; qu'ainsi, il n'existe pas de lien direct et certain entre les séquelles de l'infection nosocomiale et les équipements médicaux dont il est demandé le remboursement ; que M. F..., qui se borne à produire une étude technique réalisée par une ergothérapeute, ne conteste pas sérieusement les constatations faites par les experts ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de prescrire une expertise complémentaire, ces demandes doivent être rejetées ;

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux de M. F...:

4. Considérant, en premier lieu, que M. F...a subi un déficit fonctionnel temporaire total pendant les journées d'hospitalisation du 23 février 2010 au 23 avril 2010, du 26 au 29 juin 2010, du 15 mars 2011 au 1er avril 2011, du 9 mai 2011 au 10 août 2011 et du 13 octobre 2011 au 21 novembre 2011, soit pendant un peu plus de sept mois ; qu'il a subi un déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 50 % du 8 octobre 2008 au 22 février 2010, du 24 avril 2010 au 25 juin 2010, du 30 juin 2010 au 14 mars 2011, du 2 avril 2011 au 8 mai 2011, du 11 août 2011 au 12 octobre 2011 et du 22 novembre 2011 au 20 mars 2012, soit pendant 35 mois environ, dont il faut néanmoins retirer quatre mois correspondant au déficit temporaire partiel habituel après la pose d'une prothèse totale du genou ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 12 000 euros ; que, compte tenu de la part de responsabilité de deux tiers retenue par les premiers juges, une somme de 8 000 euros doit être mise à la charge du CHU de Dijon à ce titre ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que les souffrances endurées par M. F...ont été estimées à 5 sur une échelle de 7 ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en le fixant à 13 500 euros ; que, compte tenu de la part de responsabilité de deux tiers retenue par les premiers juges, il y a lieu de condamner le CHU de Dijon à verser une somme de 9 000 euros à M.F... à ce titre ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. F...demeure atteint d'un déficit fonctionnel permanent de 18 % ; que l'infection nosocomiale à elle seule est à l'origine d'un déficit fonctionnel permanent de 8 % ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en le fixant à 12 000 euros ; que, compte tenu de la part de responsabilité de deux tiers retenue par les premiers juges, une somme de 8 000 euros doit être allouée à M. F...à ce titre ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le préjudice esthétique temporaire de M. F...a été estimé à 1,5 sur une échelle de 7 ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en le fixant à 1 200 euros ; qu'eu égard à la part de responsabilité susmentionnée, le CHU de Dijon doit prendre en charge un montant de 800 euros à ce titre ;

En ce qui concerne le préjudice subi par Mme F...par ricochet :

8. Considérant que Mme F...soutient qu'alors qu'elle souffre de sclérose en plaques, maladie qui nécessite une vie calme sans surmenage ni contrariété, elle a été très ébranlée par l'infection nosocomiale contractée par son époux ; qu'elle a dû en effet assumer la gestion des hospitalisations, assurer les visites quotidiennes à son chevet et les portages de repas ; qu'elle soutient également que, depuis l'intervention, son mari se trouve très diminué et ne participe plus aux tâches ménagères, qu'elle assume seule la gestion de la maison et que son mari est dans l'incapacité de monter un escalier pour se rendre à sa chambre ; qu'elle évalue son préjudice à la somme de 10 000 euros ;

9. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, M.F..., qui était atteint d'obésité et souffrait de problèmes vertébraux, présentait déjà, avant son intervention, une mobilité très réduite, avec un périmètre de marche limité à 100 m ; que, par suite, et comme l'ont estimé les premiers juges, le lien direct et certain entre l'infection nosocomiale et les contraintes actuelles alléguées par Mme F...n'est pas établi ; que, cependant, il résulte de l'instruction que Mme F...a subi des troubles dans ses conditions d'existence pendant la période de trois ans environ qu'il a fallu pour diagnostiquer et traiter l'infection nosocomiale contractée par son époux, dont l'état de santé était alors considérablement altéré ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice d'accompagnement en le fixant à 2 000 euros ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité de 21 763 euros que le CHU de Dijon a été condamné à verser à M. F...en première instance doit être portée à 26 800 euros et que le CHU de Dijon doit également être condamné à verser 2 000 euros à Mme F... ;

Sur les conclusions de M. et Mme F...et de la CPAM de Saône-et-Loire tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Dijon une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme F...et non compris dans les dépens.

12. Considérant en revanche que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHU de Dijon, qui n'est pas la partie perdante dans le litige l'opposant à la CPAM de Saône-et-Loire, la somme que demande cette dernière au même titre ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 21 763 euros mise à la charge du CHU de Dijon par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Dijon est portée à la somme de 26 800 euros et le CHU de Dijon est condamné à verser à Mme F...une somme de 2 000 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 21 mai 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le CHU de Dijon versera à M. et Mme F...une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la CPAM de Saône-et-Loire tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...F..., à Mme G...F..., néeC..., au centre hospitalier universitaire de Dijon et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or. Copie en sera adressée au Pr. Carret et au Dr. Cètre.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Carrier, président-assesseur,

Mme Beytout, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 octobre 2017.

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