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12/10/2017 | FRANCE | N°15LY02408

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 12 octobre 2017, 15LY02408


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B...A...ont demandé au tribunal administratif de Lyon de leur accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010, et des pénalités correspondantes.

Par une ordonnance n° 1404461 QPC du 4 juin 2015, la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Lyon a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés reco

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B...A...ont demandé au tribunal administratif de Lyon de leur accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010, et des pénalités correspondantes.

Par une ordonnance n° 1404461 QPC du 4 juin 2015, la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Lyon a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés reconnus par la Constitution des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1404461 du 23 juin 2015, le tribunal administratif de Lyon a accordé à M. et Mme A...la décharge des impositions établies au titre des années 2008 et 2009 et rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2015, et des mémoires, enregistrés les 20 janvier 2016, 15 février, 6 mars et 12 avril 2017, M. et MmeA..., représentés par Me Mossé, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du 23 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus des conclusions de leur demande ;

2°) de leur accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales restant à leur charge au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes, pour un montant total de 43 686 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration fiscale n'était pas fondée à rejeter la comptabilité de la société Pharmacie Caluire 2 ;

- la reconstitution des recettes de cette pharmacie est radicalement viciée et aboutit à des impositions d'un montant exagéré, le fait que le montant des recettes en espèces reconstitué soit inférieur au montant des recettes en espèces déclaré devant conduire à écarter la méthode de reconstitution utilisée par l'administration ;

- l'administration fiscale a imposé les revenus réputés distribués par la société Pharmacie Caluire 2 entre les mains de deux de ses associés, alors qu'il ne peut y avoir qu'un seul maître de l'affaire ;

- l'administration fiscale a méconnu le principe d'annualité de l'impôt en déterminant le montant des revenus réputés distribués par exercice alors qu'elle aurait dû le déterminer par année civile ;

- le coefficient de 1,25 ne saurait être appliqué aux sommes réputées distribuées en ce qui concerne l'assiette des contributions sociales ;

- l'administration fiscale n'a fait état d'aucun élément concernant M. A...afin de justifier l'application de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses ;

- la majoration pour manquements délibérés ayant été appliquée à d'autres contribuables, le principe d'égalité devant l'impôt fait obstacle à l'application de la majoration pour manoeuvres frauduleuses.

Par un mémoire distinct, enregistré le 4 août 2015, M. et Mme A...demandent à la cour, à l'appui de leur requête tendant à l'annulation du jugement n° 1404461 du tribunal administratif de Lyon du 23 juin 2015, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

Ils soutiennent que la question de la conformité aux droits et libertés reconnus par la constitution des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, présentée par un mémoire distinct devant le tribunal administratif, aurait dû être transmise au Conseil d'Etat, ces dispositions, applicables au litige et n'ayant pas été déclarées conformes à la Constitution, méconnaissant les articles 13 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée.

Il soutient que cette question prioritaire de constitutionnalité ne présente pas un caractère sérieux et qu'elle n'est pas nouvelle, le Conseil constitutionnel s'étant prononcé à de nombreuses reprises sur les principes d'égalité devant les charges publiques et d'incompétence négative du législateur.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 janvier 2016 et 5 avril 2017, le ministre chargé des comptes publics conclut au prononcé d'un non lieu à hauteur du montant de 2 682 euros admis en dégrèvement le 3 avril 2017 en ce qui concerne les contributions sociales et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- la comptabilité de la SELAS Pharmacie Caluire 2 est dépourvue de valeur probante ;

- les premiers juges ont confirmé à bon droit les bases d'imposition retenues par l'administration, après avis favorable de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

- les sommes rapportées aux bénéfices imposables de la SELAS Pharmacie Caluire 2 doivent être regardées comme des revenus distribués, M.A..., directeur général et associé de cette société, devant être regardé comme maître de l'affaire et imposé à raison de la moitié des sommes distribuées par cette société, avec application du coefficient de 1,25 prévu au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts ;

- en application de l'article 47 de l'annexe II au code général des impôts, les distributions sont réputées appréhendées à la date de clôture de l'exercice au cours duquel leur existence a été constatée ;

- il a été admis à de nombreuses reprises que la maîtrise de l'affaire puisse être partagée et, en l'espèce, la détention d'un mot de passe permettant d'accéder à la fonctionnalité de réajustement du logiciel Alliance Plus donnait accès à la disposition sans contrôle des fonds de la société Pharmacie Caluire 2 ;

- les agissements frauduleux de M. A...au sein de la SELAS Pharmacie Caluire 2 sont à l'origine des impositions en litige.

La clôture de l'instruction a été fixée, par une ordonnance du 18 janvier 2016, au 4 mars 2016, et reportée, par une ordonnance du 6 mars 2017, au 7 avril 2017 puis, par une ordonnance du 10 avril 2017, au 5 mai 2017.

Un mémoire, présenté pour M. et MmeA..., a été enregistré le 31 août 2017, après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux n° 400882 du 14 septembre 2016 de ne pas renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public,

- les observations de Me Mossé, avocat de M. et MmeA....

1. Considérant que l'administration fiscale a procédé à la vérification de comptabilité de la SELAS Pharmacie Caluire 2 ; qu'après avoir écarté la comptabilité de cette société, elle a procédé à la rectification de ses bénéfices déclarés au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 ; que l'administration fiscale a alors regardé la moitié de ces rehaussements comme correspondant à des revenus réputés distribués à M. A..., associé et, à compter du 1er février 2010, directeur général de cette société ; qu'elle a imposé ces revenus réputés distribués entre les mains de M. et Mme A...sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ; que M. et Mme A...ont, en conséquence, été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, au titre des années 2008, 2009 et 2010 ; que M. et MmeA..., qui n'ont pas accepté ces rectifications, opérées selon la procédure contradictoire, ont demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ; qu'ayant obtenu la décharge des impositions établies au titre des années 2008 et 2009 par l'article 1er d'un jugement du 23 juin 2015, M. et Mme A... relèvent appel de l'article 2 de ce jugement rejetant le surplus de leurs conclusions présentées au tribunal administratif de Lyon ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que, par une décision, en date du 3 avril 2017, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement, à concurrence d'une somme de 2 682 euros, de la cotisation supplémentaire de contributions sociales et des pénalités correspondantes à laquelle M. et Mme A...avaient été assujettis au titre de l'année 2010 ; que les conclusions de la requête de M. et Mme A...sont, dans la mesure de ce montant, devenues sans objet ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) " ; qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. " et qu'aux termes de l'article 14 de la même déclaration : " Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. " ;

4. Considérant que, si M. et Mme A...contestent le refus de la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Lyon de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts aux droits et libertés garantis par la Constitution, aux motifs que les dispositions de cet alinéa méconnaîtraient les principes d'égalité devant l'impôt, garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et de consentement à l'impôt, garanti par l'article 14 de la même déclaration, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux par sa décision n° 400882 du 14 septembre 2016, a indiqué que cette question, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

5. Considérant qu'en cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable que l'administration fiscale entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées en application des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé ; que, toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle ;

6. Considérant que, si l'administration fiscale soutient qu'au cours de l'année 2010, restant seule en litige, M.A..., directeur général et détenteur d'un tiers du capital de la SELAS Pharmacie Caluire 2, était maître de l'affaire, dès lors qu'il disposait d'une autorisation de signature bancaire et qu'il était détenteur d'un mot de passe lui permettant de soustraire sans contrôle des recettes des caisses de cette société, elle ne conteste pas qu'elle a regardé un autre des associés de cette société, M. François Khouri, président de ladite société, comme étant également maître de l'affaire ; que, dès lors, il n'est pas établi que M. A...était seul maître de l'affaire ; que, par suite, l'administration fiscale n'apporte pas la preuve dont elle a la charge de l'appréhension par M. A... de tout ou partie des bénéfices réputés distribués par la SELAS Pharmacie Caluire 2 ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. et Mme A...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la décharge des droits et pénalités restant en litige au titre de l'année 2010 ;

8. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de M. et Mme A...les frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée pour M. et MmeA....

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme A..., en ce qui concerne la cotisation supplémentaire de contributions sociales à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et les pénalités correspondantes, à concurrence de la somme de 2 682 euros.

Article 3 : M. et Mme A...sont déchargés du surplus des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 juin 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Les conclusions de M. et Mme A...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 octobre 2017.

6

N° 15LY02408


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY02408
Date de la décision : 12/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : CABINET RATHEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-10-12;15ly02408 ?
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