La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/10/2017 | FRANCE | N°16LY03184

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 05 octobre 2017, 16LY03184


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société des Autoroutes Rhône-Alpes (AREA) a demandé au tribunal administratif de Dijon, qui a transmis son recours au tribunal administratif de Lyon, de condamner la société Signalisation France à lui verser la somme de 439 484,54 euros, augmentée des intérêts capitalisés, en réparation du préjudice qu'elle estime lui avoir été causé par la création d'une entente anticoncurrentielle dans le domaine de la signalisation routière verticale.

Par un jugement n° 1307012 du 13 juillet 2016, le

tribunal administratif de Lyon a, avant dire droit, ordonné une expertise afin de déter...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société des Autoroutes Rhône-Alpes (AREA) a demandé au tribunal administratif de Dijon, qui a transmis son recours au tribunal administratif de Lyon, de condamner la société Signalisation France à lui verser la somme de 439 484,54 euros, augmentée des intérêts capitalisés, en réparation du préjudice qu'elle estime lui avoir été causé par la création d'une entente anticoncurrentielle dans le domaine de la signalisation routière verticale.

Par un jugement n° 1307012 du 13 juillet 2016, le tribunal administratif de Lyon a, avant dire droit, ordonné une expertise afin de déterminer le préjudice subi par la société AREA.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 septembre 2016, ainsi que par un mémoire enregistré le 13 juillet 2017 et non communiqué, la société Signalisation France, représentée par MeA..., demande à la cour d'annuler ce jugement avant dire droit du tribunal administratif de Lyon du 13 juillet 2016 et de mettre à la charge de la société AREA une somme de 5 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de vérifier si les conditions de passation du marché en cause avaient occasionné un surprix ;

- la société AREA a procédé à une rétention d'information et le tribunal a refusé de mettre en oeuvre ses pouvoirs d'instruction, ce qui constitue une violation des droits de la défense et du principe du contradictoire, le préjudice de la société AREA ayant été admis dans son principe sans la moindre preuve ;

- la motivation du jugement attaqué est erronée, dès lors qu'elle dénonce la position de l'Autorité de la concurrence sur laquelle se fonde la réclamation de la société AREA, tout en tenant pour valide l'étude financière de cette société ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu l'existence d'un préjudice certain de la société AREA du seul fait que son cocontractant faisait partie d'une entente, et ont ordonné une expertise sans vérifier l'existence du préjudice, sans demander à cette société de communiquer les pièces sur lesquelles elle se fondait ;

- il appartenait à la société requérante, eu égard aux mentions d'un avis de l'Autorité de la concurrence sur le comportement critiquable de la société AREA et sa rentabilité exceptionnelle, de démontrer qu'elle n'avait pas répercuté auprès des usagers son prétendu préjudice, faute de quoi sa demande devait être rejetée comme non fondée.

Par un mémoire enregistré le 29 novembre 2016, la société AREA, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société Signalisation France une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal s'est fondé, pour retenir l'existence d'un préjudice, sur les analyses produites par elle-même et sur la décision de l'Autorité de la concurrence, sans qu'il lui soit besoin d'ordonner à ce stade de la procédure la production des pièces évoquées par la société requérante, qui ne présentent pas d'utilité ; c'est à juste titre qu'il a ordonné une expertise ; le moyen invoquant une erreur d'appréciation sur l'existence d'un préjudice certain doit être écarté par les mêmes motifs ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense et du principe du contradictoire doit être écarté, dès lors qu'elle a expliqué devant les premiers juges de manière détaillée comment elle avait évalué le préjudice subi et que l'office du juge lui impose d'apprécier lui-même le montant du préjudice en faisant usage, le cas échéant, de ses pouvoirs d'instruction ;

- le tribunal ne retient ni n'écarte aucune analyse en l'espèce mais juge seulement que l'entente s'est traduite par un surprix qu'il ne peut quantifier précisément ;

- il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait été en mesure de répercuter le surprix pratiqué dans les tarifs de péage dont elle ne décide pas, tout surcoût demeurant à.sa charge

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Hervé, rapporteur,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

- les observations de Me D...pour la société AREA ;

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Autoroutes Rhône-Alpes (AREA) a conclu entre l'année 2000 et l'année 2005 cinq marchés avec la société Signature SA, devenue depuis lors Signalisation France, portant sur la fourniture de signalisations verticales routières ; que la société Signature a été sanctionnée, avec sept autres sociétés, pour avoir constitué une entente anticoncurrentielle illicite mise en place entre 1997 et 2006, dans le but de fausser le fonctionnement du marché des équipements de signalisation et de sécurité, par une décision du 22 décembre 2010 de l'Autorité de la Concurrence, qui n'a été réformée qu'en ce qui concerne le montant de la sanction par un arrêt du 29 mars 2012 de la cour d'appel de Paris ; que la société AREA a sollicité la condamnation de la société Signalisation à l'indemniser du préjudice subi, en raison de ses agissements dolosifs ; que, par jugement avant dire droit, dont la société Signalisation France relève appel, le tribunal administratif de Lyon a ordonné une expertise, afin de déterminer le montant du préjudice subi par la société AREA ;

Sur le jugement avant dire droit attaqué :

2. Considérant, tout d'abord, que le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé en ce qui concerne l'existence d'un préjudice subi par la société AREA en lien avec des pratiques anticoncurrentielles établies auxquelles a participé la société requérante, n'est pas entaché de contradiction de motifs pour la seule raison qu'il a considéré par ailleurs que l'ampleur du surcoût subi par la société AREA n'est pas établie avec une précision suffisante ;

3. Considérant, ensuite, que la société requérante soutient que le préjudice de la société AREA ne pouvait être tenu pour suffisamment établi et certain par les premiers juges, en l'état du dossier, ce qui ne permettait pas d'ordonner une expertise destinée à déterminer le montant du préjudice ; qu'elle invoque, à cet égard, le fait que l'existence d'une entente ne suffisait pas à établir l'existence d'un surprix dans les marchés en cause en l'espèce, et qu'il appartenait à la société AREA de prouver qu'elle n'avait pas déjà répercuté le préjudice dont elle se prévaut sur les usagers, faute de quoi, sa demande aurait dû être rejetée comme non fondée ;

4. Considérant toutefois que les premiers juges ont relevé l'existence de manoeuvres dolosives imputables à la société Signature SA, devenue Signalisation France ; que l'existence de telles fautes était de nature à engager la responsabilité de cette société à l'encontre de la société AREA, qui avait contracté avec elle à plusieurs reprises dans le domaine en cause et pendant la période durant laquelle elle avait participé à une entente concurrentielle ; que, dans ces conditions, et alors qu'il ne résultait pas de l'instruction que le préjudice invoqué par la société AREA aurait été inexistant ou incertain, dans son principe comme dans son quantum, ou qu'il ne présentait pas de lien de causalité avec cette faute, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges ne pouvaient mettre en oeuvre leurs pouvoirs d'instruction et avoir recours à l'expertise ;

5. Considérant, enfin, que la société requérante soutient que les droits de la défense et le principe du contradictoire ont été méconnus, car elle n'a pas été en mesure de se défendre correctement, en raison de l'abstention des premiers juges de solliciter la production de certains documents par la société AREA ;

6. Considérant cependant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le caractère contradictoire de la procédure devant le tribunal, qui a conduit à la reconnaissance d'une faute de nature à engager la responsabilité de la société Signalisation France, aurait été méconnu ; qu'il appartiendra à cette dernière, au cours de l'expertise et de la procédure contentieuse devant le tribunal, de faire valoir tout moyen de défense qu'elle estimera utile ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure et, en tout état de cause, de l'atteinte portée aux droits de la défense, manque en fait ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Signalisation France n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement avant dire droit attaqué ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société AREA, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la société Signalisation France et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Signalisation France, partie perdante, une somme de 1 000 euros à verser à la société AREA ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Signalisation France est rejetée.

Article 2 : La société Signalisation France versera une somme de 1 000 euros à la société AREA en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Signalisation France et à la société AREA.

Copie en sera adressée à M. C...B..., expert.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Gondouin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 octobre 2017.

2

N° 16LY03184


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY03184
Date de la décision : 05/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-04-02-02-01 Procédure. Instruction. Moyens d'investigation. Expertise. Recours à l'expertise.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Jean-Louis d'HERVE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : BUES et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-10-05;16ly03184 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award