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28/09/2017 | FRANCE | N°17LY01794

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 28 septembre 2017, 17LY01794


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2016 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour si l'annulation intervient sur un motif de fond ou de réexaminer sa situation si l'annulation intervient sur

un motif de forme, dans le délai de deux mois à compter de la date de notification...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2016 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour si l'annulation intervient sur un motif de fond ou de réexaminer sa situation si l'annulation intervient sur un motif de forme, dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et dans l'attente, dans le délai d'un mois, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

Par un jugement n° 1700400 du 6 avril 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 avril 2017, Mme B..., représentée par la Selarl Deschamps et Villemagne, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 avril 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour si l'annulation est prononcée pour un motif de légalité interne dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou de réexaminer sa situation si l'annulation est prononcée pour un vice de forme, dans le délai de deux mois à compter de la date de notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et dans l'attente, dans le délai d'un mois, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

- le préfet ne pouvait refuser la délivrance d'un titre de séjour sans consultation préalable de la commission du titre de séjour dès lors qu'elle pouvait bénéficier d'un titre sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle remplissait les conditions fixées par l'article 6-7 de l'accord franco-algérien dès lors qu'elle présente un cancer de la thyroïde ; aucune guérison n'est envisagée et le traitement administré doit être prolongé; son état de santé nécessite des soins, dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité qui ne sont pas disponibles en Algérie ;

- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle est entrée en 2002 en France, qu'elle y a tissé des liens sociaux forts, que sa période de résidence en France sous couvert de titres de séjour " étudiant " doit être prise en compte ; une partie de sa famille réside en France, elle est parfaitement intégrée notamment sur le plan professionnel ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination :

- ces décisions doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation du refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- ces décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés à l'encontre du refus de titre de séjour ;

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Caraës, premier conseiller.

1. Considérant que MmeB..., ressortissante algérienne née en 1982, est entrée en France le 21 août 2002 sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention "étudiant" ; que, le 26 octobre 2012, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade ; qu'à la suite de l'annulation par un jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 26 septembre 2013 de l'arrêté du 15 avril 2013 portant refus de délivrance d'un titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, le préfet de l'Isère a délivré à l'intéressée un certificat de résidence sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, le 14 juin 2016, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour ; que, par arrêté du 19 décembre 2016, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle serait susceptible d'être éloignée d'office ; qu'elle fait appel du jugement du 6 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces stipulations qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale en Algérie ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause en Algérie ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie ;

4. Considérant que si Mme B...fait valoir qu'elle a subi deux interventions chirurgicales en 2012 et 2013 suivies d'une complémentation thérapeutique à l'iode radioactif afin de traiter un cancer de la thyroïde et soutient qu'elle ne peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et qu'il lui est nécessaire de demeurer en France compte tenu du suivi médical constant et spécifique dont elle fait l'objet et de son traitement médicamenteux, il ressort des pièces du dossier que, par un avis du 7 juillet 2016, le médecin de l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes a indiqué que l'intéressée peut bénéficier en Algérie d'un suivi et d'un traitement approprié ; qu'aucune des pièces médicales versées au dossier n'est de nature à contredire cette appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le refus du préfet de l'Isère de délivrer à Mme B...un certificat de résidence ne méconnaissait pas les stipulations précitées du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation, sont repris dans les mêmes termes et sans précision supplémentaire ; qu'ils doivent dès lors être écartés pour les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu du premier alinéa de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 312-1 du même code " est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls ressortissants algériens qui remplissent effectivement les conditions prévues, notamment, à l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé, équivalentes à celles de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité ;

7. Considérant que Mme B...ne remplissant pas les conditions posées par les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, le préfet de l'Isère n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il a entaché sa décision d'un vice de procédure en l'absence de saisine préalable de cette commission ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :

8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 7 que la décision refusant de délivrer un titre de séjour à Mme B... n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, le moyen selon lequel l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi seraient illégales par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté ;

9. Considérant, en second lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, la décision obligeant Mme B...à quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi n'ont pas été prises en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat les frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Carrier, président assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique le 28 septembre 2017.

5

N° 17LY01794


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY01794
Date de la décision : 28/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SELARL DESCHAMPS et VILLEMAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-09-28;17ly01794 ?
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