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28/09/2017 | FRANCE | N°16LY01470

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 28 septembre 2017, 16LY01470


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SA Leroy Merlin France a demandé au tribunal administratif de Grenoble la restitution de la somme de 41 083 euros correspondant à la réduction de 30 % du taux de la taxe sur les surfaces commerciales qu'elle a payée au titre des années 2010, 2011 et 2012 pour son établissement de Valence.

Par un jugement n° 1405805 du 29 février 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 avril, 9 jui

n et 26 et 27 octobre 2016, la SA Leroy Merlin France, représentée par Me A..., demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SA Leroy Merlin France a demandé au tribunal administratif de Grenoble la restitution de la somme de 41 083 euros correspondant à la réduction de 30 % du taux de la taxe sur les surfaces commerciales qu'elle a payée au titre des années 2010, 2011 et 2012 pour son établissement de Valence.

Par un jugement n° 1405805 du 29 février 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 avril, 9 juin et 26 et 27 octobre 2016, la SA Leroy Merlin France, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 février 2016 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de prononcer la restitution demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995 est venu restreindre illégalement le champ d'application de la réduction de 30 % en imposant une condition de vente exclusive ; cette position est confortée par l'intervention de la loi de finances rectificative pour 2012 qui restreint le bénéfice de cette réduction aux seules entreprises dont l'exercice d'une activité à titre principal requiert des surfaces de vente anormalement élevées ;

- elle a déjà obtenu, pour certains de ses établissements, des dégrèvements correspondant à l'application de cette réduction ;

- en tout état de cause, ses établissements vendent à titre exclusif des matériaux de construction, des meubles meublants et des marchandises accessoires à ces deux catégories de marchandises visées par le décret du 26 janvier 1995.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- en prévoyant l'application de la réduction du taux de la taxe sur les surfaces commerciales à la vente exclusive de meubles meublants, de véhicules automobiles, de machinismes agricoles et de matériaux de construction, le décret du 26 janvier 1995 n'a pas restreint la portée de la loi du 13 juillet 1972 ;

- la requérante ne peut utilement faire valoir que plusieurs de ses établissements auraient obtenu des dégrèvements correspondant à l'application de la réduction en litige ;

- la vente des marchandises correspondant à des objets de décoration, du petit outillage et de la quincaillerie ne peut être comptabilisée au titre de la vente exclusive de matériaux de construction pour l'application de la réduction de 30 %.

La clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 28 juillet 2017 par une ordonnance en date du 4 juillet 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés ;

- le décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 relatif à la taxe sur les surfaces commerciales ;

- l'avis du Conseil d'Etat (section du contentieux) n° 405295 du 2 juin 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;

1. Considérant que la SA Leroy Merlin France relève appel du jugement du 29 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la restitution de la somme de 41 083 euros correspondant à l'application de la réduction du taux de 30 % de la taxe sur les surfaces commerciales qu'elle a payée au titre des années 2010, 2011 et 2012 pour son établissement de Valence ;

Sur la compétence de la cour :

2. Considérant qu'en vertu de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, lorsqu'une cour administrative d'appel est saisie de conclusions qu'elle estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, le dossier doit être transmis au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif (...) peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. /Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 4° Sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale (...). " ; que pour l'application de ces dispositions, doit être regardé comme un impôt local tout impôt dont le produit, pour l'année d'imposition en cause, est majoritairement affecté aux collectivités territoriales, à leurs groupements ou aux établissements publics qui en dépendent ;

4. Considérant que la taxe sur les surfaces commerciales due au titre des années d'imposition 2011 et suivantes constitue, du fait de son affectation aux communes et établissements publics de coopération intercommunale, un impôt local au sens du 4° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative ; qu'il en résulte que les jugements ou ordonnances afférents aux demandes tendant à la décharge de cette taxe, rendus en premier et dernier ressort, ne peuvent faire l'objet d'un appel, mais seulement donner lieu à pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat ;

5. Considérant qu'en conséquence, les conclusions de la SA Leroy Merlin France dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 février 2016 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la restitution de cotisations de taxe sur les surfaces commerciales payées au titre des années 2011 et 2012 pour son établissement de Valence ressortissent à la compétence du Conseil d'Etat, auquel il y a lieu de les transmettre ;

Sur le bien-fondé de l'imposition en litige devant la cour :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : " La loi fixe les règles concernant : / (...) - l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures (...) " ; qu'aux termes de son article 21 : " Le Premier ministre (...) assure l'exécution des lois (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, si le pouvoir réglementaire peut prendre des mesures pour assurer l'application des lois fixant les règles d'assiette, de liquidation et de recouvrement des impôts, il ne saurait, ce faisant, ni modifier, ni étendre, ni restreindre le champ d'application de la loi fiscale ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 : " Il est institué une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors qu'elle dépasse 400 mètres carrés des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960 quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite. (...) /Pour les établissements dont le chiffre d'affaires au mètre carré est inférieur à 3 000 €, le taux de cette taxe est de 5,74 € au mètre carré de surface définie au troisième alinéa. Pour les établissements dont le chiffre d'affaires au mètre carré est supérieur à 12 000 €, le taux est fixé à 34,12 €. /A l'exclusion des établissements qui ont pour activité principale la vente ou la réparation de véhicules automobiles, les taux mentionnés à l'alinéa précédent sont respectivement portés à 8,32 € ou 35,70 € lorsque, sur un même site ou au sein d'un ensemble commercial au sens de l'article L. 752-3 du code de commerce : - l'établissement a également une activité de vente au détail de carburants ; - ou l'établissement contrôle directement ou indirectement une installation de distribution au détail de carburants ; - ou l'établissement et une installation de distribution au détail de carburants sont contrôlés directement ou indirectement par une même personne. /Lorsque le chiffre d'affaires au mètre carré est compris entre 3 000 et 12 000 euros, le taux de la taxe est déterminé par la formule suivante : 5,74 euros + [0,00315 × (CA / S-3 000)] euros, dans laquelle CA désigne le chiffre d'affaires annuel hors taxe de l'établissement assujetti, exprimé en euros, et S désigne la surface des locaux imposables, exprimée en mètres carrés. /A l'exclusion des établissements dont l'activité principale est la vente ou la réparation de véhicules automobiles, la formule mentionnée à l'alinéa précédent est remplacée par la formule suivante : 8,32 € + [0,00304 × (CAS / S - 3000)] €, lorsque, sur un même site ou au sein d'un ensemble commercial au sens de l'article L. 752-3 du code de commerce : - l'établissement a également une activité de vente au détail de carburants ; - ou l'établissement contrôle directement ou indirectement une installation de distribution au détail de carburants ; - ou l'établissement et une installation de distribution au détail de carburants sont contrôlés directement ou indirectement par une même personne. / Un décret prévoira, par rapport aux taux ci-dessus, des réductions pour les professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées (...) "

8. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995 : " A.- La réduction de taux prévue au dix-septième alinéa de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 susvisée en faveur des professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées est fixée à 30 p. 100 en ce qui concerne la vente exclusive des marchandises énumérées ci-après : - meubles meublants ; (... ) - matériaux de construction. (...) " ;

9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des termes mêmes des dispositions de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972, que le législateur a confié au pouvoir réglementaire le soin de fixer le montant des réductions de taux applicables en matière de taxe sur les surfaces commerciales ainsi que de déterminer les professions dont l'activité requiert des surfaces de vente anormalement élevées auxquelles ces réductions seront applicables ; qu'en subordonnant, par les dispositions du A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995, le bénéfice de la réduction de taux fixé à 30 %, à la condition que l'activité de vente des marchandises énumérées soit exercée à titre exclusif, le pouvoir réglementaire ne s'est pas borné, ainsi que l'y autorisait seulement le dix-septième alinéa de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972, à préciser les conditions d'application de la loi fiscale, mais en a restreint le champ d'application ; qu'il a ainsi modifié une règle relative à l'assiette de l'impôt sans y être spécialement habilité par le législateur et a, par suite, excédé sa compétence ; que, dès lors, il y a lieu d'écarter l'application des dispositions du A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995, dans leur ensemble compte tenu de leur caractère indivisible ; que, par suite, et à supposer même qu'elle puisse être regardée comme se livrant à la vente exclusive ou à titre principal des marchandises énumérées par ces dernières dispositions, la société requérante ne saurait se prévaloir du bénéfice de la réduction de 30 % qu'elles prévoient ;

10. Considérant, en second lieu, qu'eu égard à leur imprécision, les dispositions du dix-septième alinéa de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972, ne sauraient être directement invoquées par la requérante pour bénéficier d'une réduction du taux de la taxe sur les surfaces commerciales ;

En ce qui concerne l'application de la doctrine administrative :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...). " ;

12. Considérant que si la société requérante produit des avis de dégrèvements correspondant à l'application de la réduction de 30 % du taux de la taxe sur les surfaces commerciales due par plusieurs de ses établissements, ces décisions, qui ne comportent aucune motivation, ne sauraient constituer une prise de position formelle de l'administration sur l'appréciation d'une situation de fait au regard du texte fiscal ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA Leroy Merlin France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la restitution d'une somme correspondant à la réduction de 30 % du taux de la taxe sur les surfaces commerciales qu'elle a payée au titre de l'année 2010 pour son établissement de Valence ;

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme à la SA Leroy Merlin au titre des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions de la requête de la SA Leroy Merlin dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 février 2016 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la restitution de cotisations de taxe sur les surfaces commerciales payées au titre des années 2011 et 2012 pour son établissement de Valence sont transmises au Conseil d'Etat.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA Leroy Merlin est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Conseil d'Etat, à la SA Leroy Merlin et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 septembre 2017.

4

N° 16LY01470


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY01470
Date de la décision : 28/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-03-06 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances. Taxes ou redevances locales diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : CABINET ARSENE TAXAND

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-09-28;16ly01470 ?
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