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28/09/2017 | FRANCE | N°16LY00712

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 28 septembre 2017, 16LY00712


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 19 décembre 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par l'association la Pierre Angulaire à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail de la 4ème section du département du Rhône du 7 mai 2013 refusant à cette dernière l'autorisation de le licencier, a annulé cette décision et

a autorisé l'association la Pierre Angulaire à le licencier.

Par un jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 19 décembre 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par l'association la Pierre Angulaire à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail de la 4ème section du département du Rhône du 7 mai 2013 refusant à cette dernière l'autorisation de le licencier, a annulé cette décision et a autorisé l'association la Pierre Angulaire à le licencier.

Par un jugement n° 1401146 du 28 décembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 février 2016, M.C..., représenté par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 28 décembre 2015 ;

2°) d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 19 décembre 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de l'association la Pierre Angulaire une somme de 2 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient :

Sur la régularité du jugement :

- que le jugement est insuffisamment motivé, s'agissant de l'existence d'une faute grave de sa part et du lien entre son mandat et la demande d'autorisation de licenciement ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- que la procédure suivie est irrégulière dès lors que la personne qui a présenté la demande d'autorisation de licenciement et qui a formé le recours hiérarchique auprès du ministre au nom de l'association n'avait pas qualité pour ce faire, faute de délégation ;

- que la matérialité des faits n'est pas établie ;

- que les faits reprochés ne sont pas fautifs dès lors que les fiches retraçant l'historique des soins n'ont aucune valeur juridique et qu'en outre il y avait des problèmes d'organisation ;

- que l'autorisation de licenciement méconnaît la convention collective, qu'il n'a pas commis de faute grave et que les deux avertissements précédents ayant été infligés par une personne qui n'avait pas qualité pour ce faire ne pouvaient être pris en compte comme une circonstance aggravante ;

- que la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec l'exercice de son mandat.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 mai 2016, l'association la Pierre Angulaire, représentée par MeH..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 7 mai 2013 et à ce qu'il soit enjoint à l'administration d'autoriser le licenciement sollicité et demande à la cour, en toute hypothèse, à ce qu'il soit mis une somme de 3 000 euros à la charge de M. C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir :

- à titre principal, qu'aucun des moyens soulevés contre la décision du ministre du travail n'est fondé ;

- à titre subsidiaire, que la décision de l'inspecteur du travail est illégale dès lors qu'elle est insuffisamment motivée, que la matérialité des faits est établie et que ces faits sont d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beytout, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me Escat, avocat de l'association la Pierre Angulaire.

1. Considérant que M. C...a été recruté en contrat à durée indéterminée par l'association la Pierre Angulaire le 15 janvier 2007, en qualité d'aide-soignant à temps partiel (80 %), de nuit, au sein de l'établissement de Béthanie, à Villeurbanne ; que, le 10 mai 2011, il a été élu membre titulaire du comité d'entreprise et, le 19 juillet 2012, délégué du personnel suppléant de l'établissement ; que, le 12 mars 2013, l'association la Pierre Angulaire a sollicité l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire ; que, par une décision du 7 mai 2013, l'inspecteur du travail de la 4ème section du département du Rhône a refusé d'accorder l'autorisation sollicitée ; que, par courrier du 1er juillet 2013 reçu le 4 juillet 2013, l'association a formé un recours hiérarchique auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; qu'une décision implicite de rejet est née le 4 novembre 2013 ; que, par une décision du 19 décembre 2013, le ministre du travail a retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par l'association la Pierre Angulaire à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail 7 mai 2013, a annulé cette décision et a autorisé l'association la Pierre Angulaire à licencier M. C...; que M. C...relève appel du jugement du 28 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail du 19 décembre 2013 ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision en litige :

En ce qui concerne la régularité de la procédure de licenciement suivie par l'association :

2. Considérant que M. C...soutient que la procédure est irrégulière dès lors que la personne qui a présenté la demande d'autorisation de licenciement et qui a formé le recours hiérarchique auprès du ministre au nom de l'association n'avait pas qualité pour ce faire ;

3. Considérant qu'en vertu de l'article 12 des statuts de l'association la Pierre Angulaire, le président " représente l'association dans tous les actes de la vie civile ", il " peut déléguer à un membre du conseil d'administration ou à un salarié de l'association certains de ses pouvoirs, ou leur déléguer sa signature pour des objets déterminés " et enfin " sur proposition du directeur général, il valide les créations de postes et les embauches de cadres ainsi que leur licenciement " ;

4. Considérant que la demande d'autorisation de licenciement du 12 mars 2013 ainsi que le recours hiérarchique du 1er juillet 2013 ont été signés par Mme D...A..., directrice des ressources humaines de l'association la Pierre Angulaire ; que celle-ci bénéficiait d'une délégation pour engager la procédure de licenciement de M. C...et représenter l'association devant les services de l'Etat établie par M. Olivier Cerf, secrétaire général de l'association, le 6 février 2013, et d'une délégation pour former un recours hiérarchique contre la décision de l'inspectrice du travail donnée le 27 mai 2013, également établie par M. B...; qu'en vertu du contrat de travail conclu entre le président de l'association et M. B...le 1er septembre 2009, et notamment de l'avenant n° 1 audit contrat, ce dernier avait en charge la gestion du personnel et était notamment investi du pouvoir de licencier le personnel non cadre ; qu'enfin, aucune disposition légale ou réglementaire ne faisait obstacle à ce qu'il subdélègue cette mission à Mme A..., laquelle n'était pas tenue de joindre au recours hiérarchique formé au nom de l'association la délégation qui lui avait été consentie ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de licenciement suivie par l'employeur doit être écarté ;

En ce qui concerne la matérialité et le caractère fautif des faits reprochés :

5. Considérant que pour solliciter l'autorisation de licencier M.C..., l'association la Pierre Angulaire s'est fondée sur deux manquements de l'intéressé à ses obligations professionnelles dans l'accomplissement de ses services de nuit et sur des faits de négligence et de brutalité envers une résidente ; que si le ministre chargé du travail a écarté le grief relatif aux faits de négligence et de brutalité, il a retenu le défaut d'accomplissement par l'intéressé de trois rondes dans la nuit du 13 au 14 janvier 2013 et dans la nuit du 18 au 19 janvier suivant ;

6. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment d'une attestation sur l'honneur établie le 25 janvier 2013 par une infirmière de l'association, qu'une résidente a été trouvée le 14 janvier 2013 au matin assise dans son fauteuil de repos sans que son lit n'ait été défait, alors que le plan de soins individualisé de cette résidente mentionnait qu'elle avait besoin d'une aide au coucher et préconisait une surveillance nocturne autour de 21 heures, 3 heures et 6 heures ; que si M.C..., étant de service dans la nuit du 13 au 14 janvier, pensait que cette résidente avait été couchée par sa fille alors présente qui est partie vers 23 heures, il ne s'en est toutefois nullement assuré au cours de la nuit, ainsi que cela ressort d'une seconde attestation établie le 28 janvier 2013 par la directrice de la structure d'accueil où travaille le requérant ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier qu'une résidente atteinte de diarrhée a été retrouvée souillée dans son lit à 8 heures 30 au moment de la relève, alors que l'attention de l'équipe avait été attirée sur la nécessité de changer régulièrement cette personne et que le plan de soins individualisé de cette résidente préconisait une surveillance nocturne autour de 21 heures, 3 heures et 6 heures ; que si M.C..., étant de service dans la nuit du 18 au 19 janvier, prétend qu'à 8 heures lorsqu'il est passé la voir, elle était propre, il ne conteste pas ne pas avoir effectué les trois rondes nocturnes préconisées pour cette résidente ; qu'ainsi les faits retenus par le ministre dans la décision en litige sont établis ;

7. Considérant que si le requérant soutient qu'aucune obligation légale ne lui impose de réaliser trois rondes nocturnes dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, les plans de soins individualisés préconisant lesdites surveillances nocturnes constituent des consignes de l'employeur que les aides-soignants sont tenus de suivre ; que, dans ces conditions, et alors au demeurant qu'il n'est pas démontré par les documents produits par le requérant que le défaut d'accomplissement des rondes nocturnes serait imputable à une surcharge d'activité, de tels faits sont fautifs et de nature à justifier une sanction disciplinaire ;

En ce qui concerne la régularité des sanctions antérieures :

8. Considérant que M. C...soutient qu'en l'absence de faute grave de sa part, le ministre du travail ne pouvait légalement prononcer son licenciement au regard de la convention collective des établissements d'hospitalisation et de soins à but non lucratif dès lors qu'il n'a pas fait l'objet de deux avertissements réguliers au préalable ;

9. Considérant qu'il incombe à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, d'apprécier, sous le contrôle du juge administratif, si les règles d'origine conventionnelle préalables à sa saisine ont été observées ;

10. Considérant que les stipulations de l'alinéa 4 de l'article 05.03.02 de cette convention prévoient que : " Sauf faute grave, il ne pourra y avoir de mesure de licenciement à l'égard d'un salarié, si ce dernier n'a pas fait l'objet précédemment d'au moins 2 sanctions (...) " ;

11. Considérant, d'une part, que M. C...a fait l'objet d'un premier avertissement le 7 décembre 2011 ; que, contrairement à ce qu'il soutient, le courrier du 17 février 2012, qui fait suite à une convocation, retient l'existence d'un comportement fautif et énonce des menaces de sanction, constitue un avertissement ; qu'ainsi M. C...avait fait l'objet de deux avertissements avant que ne soit engagée la procédure de licenciement en litige ;

12. Considérant, d'autre part, que ces deux avertissements émanent de Mme G...I..., responsable des soins et de l'administration de l'établissement de Béthanie à la date du premier avertissement puis directrice de l'établissement à compter du 1er janvier 2012 ; que M. C...ne peut utilement invoquer les règles applicables en matière d'introduction des recours contentieux, lesquelles n'ont pas vocation à s'appliquer à la procédure de sanction d'un salarié protégé ; qu'en l'absence de toute disposition légale ou réglementaire y faisant obstacle, MmeI..., en sa seule qualité de directrice de l'établissement, disposait d'un pouvoir de gestion du personnel lui permettant notamment de prendre des sanctions disciplinaires ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir qu'il ne pouvait faire l'objet d'une mesure de licenciement dès lors qu'il n'a pas fait l'objet de deux sanctions régulièrement émises ;

En ce qui concerne l'existence d'un lien avec le mandat :

14. Considérant, en quatrième lieu, que le moyen tiré de ce qu'existerait un lien entre la procédure de licenciement mise en oeuvre et l'exercice de son mandat ne diffère pas de celui soulevé en première instance et n'est assorti d'aucune précision ou justification supplémentaire ; que, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, il doit dès lors être écarté ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat et de l'association la Pierre Angulaire, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes que demande M. C...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

17. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C...une quelconque somme au titre des frais exposés par l'association la Pierre Angulaire et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'association la Pierre Angulaire tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., au ministre du travail et à l'association la Pierre Angulaire.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Carrier, président-assesseur,

Mme Beytout, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 septembre 2017.

1

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N° 16LY00712


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY00712
Date de la décision : 28/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Emilie BEYTOUT
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : BAKAYA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-09-28;16ly00712 ?
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