Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Acquadro Favier Construction a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Fontaine à lui verser les sommes de 135 544 euros et 48 419,55 euros au titre du règlement des marchés de travaux du lot n° 4 " terrassement gros oeuvre " de l'opération de réalisation d'un équipement culturel.
Par un jugement n° 1005800 du 25 mars 2015, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de Fontaine à verser à la société Acquadro Favier Construction la somme de 57 963,55 euros, a mis les frais d'expertise à la charge définitive de la commune de Fontaine, ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour
Par des mémoires enregistrés les 22 mai et 8 septembre 2015, la société Acquadro Favier Construction, Me G...A...B..., administrateur judiciaire, et Me F...C..., mandataire judiciaire, ayant pour avocat la SELARL Pragma Juris, demandent à la cour :
1°) de confirmer ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 25 mars 2015 en tant qu'il condamne la commune de Fontaine à verser les sommes de 48 419,55 euros et 9 544 euros ;
2°) d'annuler le surplus du jugement ;
3°) de condamner la commune de Fontaine à leur verser les sommes de 22 000 euros, correspondant au coût du raccordement électrique du chantier, de 38 532 euros, en indemnisation du préjudice résultant de l'interruption des travaux pendant le mois de juillet 2007, et de 256 743,18 euros, au titre du préjudice lié à l'allongement du chantier ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Fontaine une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de condamner la commune de Fontaine aux dépens, incluant les frais d'expertise.
Ils soutiennent que :
- la demande de première instance n'est pas tardive ;
- la requête n'est pas irrecevable, elle est suffisamment motivée ;
- c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que les retenues opérées par les décomptes généraux définitifs n'étaient pas justifiées et que les travaux de remise en état du hérisson sous dallage constituaient des travaux supplémentaires indispensables, et lui ont accordé une indemnité à ces deux titres ;
- l'entreprise a droit à une somme au titre des travaux de raccordement électrique qu'elle a dû réaliser, alors que le maître d'ouvrage a méconnu son obligation à cet égard et qu'elle a été contrainte d'utiliser un groupe électrogène pendant quatre mois, pour se conformer à l'ordre de service du maître d'oeuvre du 21 juin 2007, ce qui ne constituait pas une sujétion normalement prévisible, cette difficulté n'étant pas signalée dans les documents du marché, et ayant d'ailleurs fait l'objet d'un ordre de service ; elle a entrepris des travaux à hauteur de 17 005 euros hors taxe et les frais induits pour les trois mois de fonctionnement non pris en charge par le maître d'ouvrage représentent 12 880,79 euros hors taxe ; elle demande à ce titre 22 000 euros, montant retenu par le comité consultatif interrégional de règlement amiable (CCIRA) ;
- elle a droit à une somme au titre de l'interruption du chantier en juillet 2007, dès lors que le retard du chantier à ce stade découle de modifications du projet, du fait des carences du maître d'oeuvre, dont l'absence de réaction rapide et efficace l'a amenée à dissoudre son équipe de chantier, sans pouvoir réaffecter certains de ses personnels sur d'autres chantiers, et alors qu'elle avait veillé à se doter de l'ensemble de ses moyens humains et matériels, conformément aux critères de sélection des offres ; contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le planning pour l'exécution du nouveau marché n'a pas modifié le planning du marché initial ;
- le retard du chantier, consécutif à l'impéritie du maître d'oeuvre, lui a occasionné un préjudice, dont elle doit être indemnisée car elle n'est pas responsable des modifications survenues, le CCIRA avait proposé de lui accorder une somme à ce titre ; la signature d'un marché complémentaire n'a pas pour effet d'annuler le retard dans l'exécution du premier contrat ; le planning mentionné par les premiers juges a été établi le 20 septembre 2007, avant la conclusion du nouveau marché, à un moment où le retard était largement concrétisé ; son préjudice, causé par un allongement du chantier de neuf mois et demi, doit être évalué à 75 377,18 euros au titre de l'immobilisation des matériels de chantier, 121 943 euros pour la désorganisation de ses moyens de production, et 59 423 euros du fait des variations des conditions économiques du marché.
Par des mémoires enregistrés les 6 août et 2 octobre 2015, la commune de Fontaine, ayant pour avocat la SELARL D4 Avocats Associés, conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement, et demande à la cour de mettre à la charge de la société requérante, de son administrateur et de son mandataire judiciaires, une somme de 3 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Elle soutient que :
- elle renvoie à ses écritures de première instance ;
- la requête est irrecevable pour insuffisance de motivation, en l'absence de moyens d'appel ;
- l'entreprise ne saurait se présenter comme une victime, alors que son comportement fautif a préjudicié au maître d'ouvrage ;
- c'est à juste titre que le tribunal a refusé d'indemniser la société au titre du raccordement électrique du chantier, eu égard à ses obligations en tant que professionnel qualifié, réputé avoir pris connaissance du contexte et de l'environnement ; il ne s'agit pas d'une sujétion technique imprévisible ; l'entreprise ne peut revendiquer le montant proposé dans l'avis du CCIRA, alors qu'elle a refusé de conclure un protocole transactionnel ;
- les prétentions au titre de l'interruption du chantier en juillet 2007 sont infondées dans leur principe, les salariés ayant travaillé à d'autres tâches, comme dans leur montant ; c'est à juste titre que les premiers juges ont relevé que le marché complémentaire signé le 31 octobre 2007 avait modifié le calendrier initial, ce calendrier ayant nécessairement été amendé de ce fait ; il appartenait à l'entreprise de demander des explications supplémentaires au maître d'oeuvre, ou de l'appeler à la cause ;
- l'allongement du chantier ne saurait ouvrir droit à indemnisation, dès lors qu'un marché complémentaire a été conclu, en vue de pallier les difficultés subies ; le préjudice est injustifié dans son montant en absence de pièce probante ; l'entreprise ne peut se prévaloir de l'avis rendu, en équité, par le CCIRA ; l'intervention de l'entreprise s'est terminée en juillet 2008, conformément aux calendriers établis et acceptés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics, alors applicable ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;
- le rapport de Mme Samson-Dye ;
- les observations de MeE..., substituant MeD..., représentant la société Acquadro Favier Construction, Me A...B...et MeC... ;
1. Considérant que la commune de Fontaine a confié le lot n° 4 " terrassement gros oeuvre " de l'opération de construction d'un équipement culturel à la société Acquadro Favier Construction, par acte d'engagement signé le 3 janvier 2007, complété par un marché complémentaire conclu le 31 octobre 2007 ; que cette société, qui doit être regardée comme assistée de son administrateur et de son mandataire judiciaires, relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il rejette une partie de ses conclusions tendant à la condamnation de la commune de Fontaine à lui verser des sommes au titre du règlement de ces marchés ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Fontaine ;
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le raccordement électrique du chantier :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le raccordement électrique du chantier, qui débutait en avril 2007, n'a été effectif qu'en août 2007, compte tenu des démarches entreprises envers EDF et une copropriété afin de réaliser une ligne temporaire aérienne depuis un transformateur situé à plus de trois cents mètres et traversant cette copropriété ; que dans l'attente de ce raccordement, la société requérante, chargée de l'alimentation électrique du chantier, a dû louer un groupe électrogène pendant quatre mois et assumer les coûts d'installation de cette ligne temporaire ; que la commune ayant seulement accepté de prendre en charge un mois de location, l'entreprise a demandé à être indemnisée du surplus et conteste le jugement, en tant qu'il a refusé de faire droit à ses prétentions à ce titre ;
3. Considérant, d'une part, qu'il est constant que le raccordement du chantier en électricité était l'une des missions du titulaire du lot n° 4, aux termes des contrats conclus, à prix global et forfaitaire ; que le titulaire de ce lot ne se prévaut d'aucun document de nature contractuelle définissant les modalités que devait prendre ce raccordement ; qu'ainsi, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'il s'agit de travaux " hors marché " et à revendiquer une indemnisation au titre de travaux supplémentaires ;
4. Considérant, d'autre part, que même si un marché public a été conclu à prix forfaitaire, son titulaire a droit à être indemnisé pour les dépenses exposées en raison de sujétions imprévues, c'est-à-dire de sujétions présentant un caractère exceptionnel et imprévisible et dont la cause est extérieure aux parties, si ces sujétions ont eu pour effet de bouleverser l'économie générale du marché ;
5. Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction qu'en l'espèce, les travaux en cause sont évalués, pour la partie non prise en charge par la collectivité, à moins de 30 000 euros hors taxe ; que, dans ces conditions, ils ne sauraient être regardés comme ayant bouleversé l'économie générale du contrat, le prix hors taxe du marché initial étant de 1 229 520,64 euros ;
En ce qui concerne l'interruption des travaux en juillet 2007 :
6. Considérant que la société fait valoir que son personnel n'a pu intervenir sur le chantier en juillet 2007, en raison de carences du maître d'oeuvre, et qu'elle n'a pu réaffecter une partie des agents concernés ; qu'elle a sollicité, sur ce fondement, une indemnité au titre des salaires et charges sociales de ces personnels ;
7. Considérant cependant que la société requérante, qui demande par ailleurs une indemnisation au titre de l'allongement de la durée du chantier, et qui avait conclu en janvier 2007 un marché à prix global et forfaitaire, ne se prévaut ni d'une modification du contrat, ni de sujétions imprévues, ni d'aucun autre fondement juridique susceptible de justifier qu'une somme soit mise à la charge du maître de l'ouvrage ; qu'elle se borne à invoquer des fautes du maître d'oeuvre, qui ne sauraient, par elles-mêmes, ouvrir droit à indemnité de la part du maître de l'ouvrage ;
En ce qui concerne l'allongement de la durée du chantier :
8. Considérant que les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics ;
9. Considérant qu'en l'espèce, si la société requérante fait état de l'impéritie du maître d'oeuvre, elle ne se prévaut ni de sujétions imprévues, ni de fautes commises par le maître d'ouvrage ; qu'elle ne fait ainsi état d'aucun fait générateur de nature à justifier une indemnisation du retard litigieux par la commune de Fontaine ;
10. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Acquadro Favier Construction n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont refusé de lui accorder une somme au titre du raccordement électrique du chantier, de son interruption et de l'allongement de sa durée d'exécution ;
Sur les frais d'expertise de première instance :
11. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de réformer le jugement en tant qu'il met les frais de l'expertise au regard de laquelle s'étaient prononcés les premiers juges à la charge définitive de la commune de Fontaine ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la société Acquadro Favier Construction doivent être rejetées ;
13. Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Fontaine, sur le même fondement ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Acquadro Favier Construction est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Fontaine tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Acquadro Favier Construction, à Me G...A...-B..., à Me F...C...et à la commune de Fontaine.
Délibéré après l'audience du 29 juin 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Michel, président,
Mme Gondouin, premier conseiller,
Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 juillet 2017.
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N° 15LY01748