Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 30 mars 2015, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office.
Par un jugement n° 1507370 du 28 juin 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2016, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 28 juin 2016 ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement attaqué :
- il est entaché d'une omission de réponse au moyen tiré du lien entre sa pathologie et les maltraitances subies dans son pays ainsi que des risques de passage à l'acte en cas de rupture du lien thérapeutique noué en France ;
S'agissant de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2017, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- M. A...peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 décembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mear, président-rapporteur,
- et les observations de Me C...représentant M.A....
1. Considérant que M. A..., ressortissant d'Albanie, où il est né le 7 septembre 1982, est entré irrégulièrement en France le 9 octobre 2012, selon ses déclarations, accompagné de son épouse et de leurs deux enfants mineurs ; qu'il a présenté une demande d'asile rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 30 septembre 2014 ; qu'il a ensuite sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 30 mars 2015, le préfet du Rhône lui a opposé un refus, qu'il a assorti d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de renvoi ; que M. A... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que M. A...soutient que le tribunal n'a pas statué sur son argumentation tirée de ce qu'il ne peut bénéficier d'un traitement médical approprié dans son pays d'origine en raison du lien entre sa pathologie et les maltraitances subies dans son pays et des risques de passage à l'acte en cas de rupture du lien thérapeutique noué en France ; que, toutefois, les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments invoqués à l'appui du moyen tiré de la violation des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors au demeurant qu'il ressort des termes mêmes de ce jugement qu'ils ont notamment pris en compte les conséquences d'une éventuelle rupture du suivi médico-social de M. A... ; que, par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une omission à statuer ;
Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans son avis du 28 novembre 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médico-sociale à vie, dont le défaut aurait pour l'intéressé et sa famille des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'un traitement approprié n'existe pas dans son pays d'origine ; que, toutefois, le préfet du Rhône a refusé à M. A... la délivrance du titre de séjour sollicité sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, estimant au contraire que l'intéressé serait à même de trouver un traitement approprié en Albanie ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des certificats médicaux établis les 29 avril et 27 mai 2015, que M.A..., arrivé en France à l'âge de trente ans, souffre d'une légère déficience mentale associée à une possible psychose hébéphrénique qui nécessitent un traitement neuroleptique sur le long terme mais surtout un suivi et un accompagnement réguliers ainsi qu'une écoute bienveillante, son état psychique étant peu sensible à un traitement médicamenteux et l'évolution la plus probable étant une stabilisation de son handicap mental et de ses difficultés psychiques ; que si M. A...soutient n'avoir jamais bénéficié d'une prise en charge en Albanie, il ressort notamment d'un courriel du médecin conseil de l'ambassade de France à Tirana, produit par le préfet, qu'il existe, dans cette ville, un hôpital psychiatrique apte à prendre en charge les maladies psychiatriques ; qu'il ressort également des pièces du dossier que le traitement médicamenteux prescrit en France à M. A...est disponible en Albanie ; que s'il est fait état de l'importance des liens thérapeutiques noués pour les personnes souffrant de cette pathologie, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé maîtrise la langue française ni qu'il ait noué des liens thérapeutiques solides à la date de l'arrêté en litige ; qu'enfin, s'il est invoqué des maltraitances subies par l'intéressé de la part de ses frères du fait de son handicap, l'intéressé, son épouse et leurs enfants ne sont pas tenus de se réinstaller auprès d'eux en Albanie ; que, par suite, et alors qu'il n'est pas établi que M. A... aurait vécu en Albanie des événements traumatisants tels qu'ils s'opposeraient à ce qu'il puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans ce pays, le préfet du Rhône n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant à M. A...la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... est arrivé en France deux ans et demi seulement avant l'arrêté en litige, après avoir vécu jusqu'à l'âge de trente ans dans son pays d'origine ; qu'il ne dispose en France d'aucun lien familial autre que son épouse, laquelle fait également l'objet d'un refus de titre de séjour et d'une obligation de quitter le territoire, et leurs deux enfants mineurs ; que M. A..., qui ne maîtrise pas la langue française et connaît des conditions d'existence très précaires, ne justifie pas d'une insertion sociale ou professionnelle particulière ; que ses enfants, qui suivent une scolarité normale en classes de maternelle pourront poursuivre leur scolarité en Albanie, pays où ils sont nés et ont vécu et dont tous les membres du foyer ont la nationalité ; que si M. A...fait valoir qu'il a été maltraité par sa famille du fait de son handicap, rien ne fait obligation aux époux de se réinstaller auprès d'elle, alors que Mme A...dispose également d'attaches en Albanie, en la personne notamment de membres de sa fratrie ; qu'enfin, si tous les membres du foyer étaient suivis psychologiquement, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé d'un membre de la cellule familiale exigeait qu'il demeurât en France pour raisons de soins à la date de l'arrêté en litige ; qu'il n'est pas établi que l'enfant Senad A...ne pourrait poursuivre ses soins d'orthophonie dans son pays d'origine ; que, par suite, la décision refusant de délivrer à M. A... un titre de séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs de refus et ne méconnaît donc pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en refusant de régulariser la situation administrative de M. A..., le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;
9. Considérant que, comme il a déjà été dit au point 4, M. A... n'était pas en droit de prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, il a pu faire l'objet d'une mesure d'éloignement sans que les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aient été méconnues ;
10. Considérant que, pour les mêmes motifs qu'énoncés au point 6 et eu égard aux effets d'une mesure d'éloignement, la décision d'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision désignant le pays de destination :
11. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
12. Considérant que M.A..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, se borne à évoquer les maltraitances familiales dont il aurait été victime en Albanie, alors que son foyer n'est pas tenu de se réinstaller à proximité de sa famille et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait exposé, du fait de son handicap, à un risque de discrimination de la part des institutions ou de la société albanaises susceptibles de s'apparenter à un traitement inhumain et dégradant ni au demeurant qu'il pourrait être placé dans une institution spécialisée privative de liberté ; que, dès lors, en désignant l'Albanie comme pays de renvoi, le préfet du Rhône n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat au profit de son avocat des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Mear, président,
Mme Terrade, premier conseiller,
Mme Vinet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juillet 2017
1
2
N° 16LY03832