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29/06/2017 | FRANCE | N°16LY03545

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 29 juin 2017, 16LY03545


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... se disant M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet de Puy-de-Dôme du 18 septembre 2016 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office et ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1606929 du 21 septembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions précitées.

Procédure devant la cour

Par une requête,

enregistrée le 25 octobre 2016, le préfet du Puy-de-Dôme demande à la cour :

1°) d'annuler ce j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... se disant M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet de Puy-de-Dôme du 18 septembre 2016 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office et ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1606929 du 21 septembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions précitées.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 25 octobre 2016, le préfet du Puy-de-Dôme demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 septembre 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... se disant M. B... devant le tribunal administratif de Lyon ;

Il soutient que :

- M.B..., qui dissimule volontairement son identité, est entré en France après le 18 janvier 2016 et n'a jamais obtenu le statut de réfugié au Royaume-Uni ou dans un autre pays de l'espace Schengen ;

- il soutient encore que l'intéressé n'a pas sollicité d'admission au séjour en se prévalant d'un problème de santé, qu'il n'a évoqué ses problèmes de santé que lors de l'audition du 18 septembre 2016 par les services de police ;

- il a fait l'objet d'un examen médical, lors de son placement en retenue, par un médecin qui a jugé son état compatible avec la mesure de placement ;

- il pourra être éloigné vers l'Allemagne où l'offre de soin est équivalente à celle de la France ;

- le préfet ne pouvait saisir le médecin de l'agence régionale de santé d'une demande d'avis alors qu'aucune demande de délivrance d'un titre de séjour n'avait été faite.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique du 8 juin 2017 le rapport de Mme Caraës, premier conseiller ;

1. Considérant que M. A...se disant M.B..., ressortissant algérien, né en 1978, a déclaré être entré en France en 2013 ; qu'à la suite de son interpellation par les services de police dans le cadre d'un contrôle d'identité opéré le 18 septembre 2016, le préfet du Puy-de-Dôme a, par deux arrêtés du 18 septembre 2016, d'une part obligé M. A...se disant M. B...à quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, et a fixé le pays de destination, et, d'autre part, a ordonné son placement en rétention administrative ; que, par un jugement du 21 septembre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ces deux arrêtés ; que le préfet du Puy-de-Dôme relève appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) " et qu'aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues aux trois premiers alinéas de l'article R. 313-22 " ; qu'il résulte de ces dispositions que, même si elle n'a pas été saisie d'une demande de titre de séjour fondée sur les dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative qui dispose d'éléments d'informations suffisamment précis et circonstanciés établissant qu'un étranger résidant habituellement sur le territoire français est susceptible de bénéficier des dispositions protectrices du 10° de l'article L. 511-4 du même code, avant de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire, doit saisir le médecin de l'agence régionale de santé pour avis dans les conditions prévues aux trois premiers alinéas de l'article R. 313-22 dudit code ;

3. Considérant que M. A...se disant M. B...n'établit pas, par les pièces produites, et à supposer même qu'il réside habituellement en France, que les troubles de santé qu'il invoque seraient susceptibles de lui permettre de bénéficier des dispositions protectrices du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure du fait de l'absence de l'avis du médecin inspecteur de l'agence régionale de santé préalablement à la décision portant obligation de quitter le territoire doit, dès lors, être écarté ; que, par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon s'est fondé, pour annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, les autres décisions contestées, sur le motif tiré du vice de procédure résultant de l'absence de saisine du médecin de l'agence régionale de santé ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...se disant M. B...devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Sur la légalité des arrêtés du 18 septembre 2016 du préfet du Puy-de-Dôme :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions individuelles défavorables doivent comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement ; que l'arrêté portant obligation de quitter le territoire du 18 septembre 2016 vise dans ses motifs le I et le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fait mention de ce que M. A...se disant M. B...ne peut justifier de la régularité de son entrée et de son séjour sur le territoire français ; qu'en outre, cet arrêté mentionne qu'il n'est pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et précise que l'intéressé n'établit pas être exposé en cas de retour dans son pays d'origine à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, concernant son état de santé, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de son audition par les services de police le 18 septembre 2016, qu'il aurait fait valoir que son état de santé était de nature à faire obstacle à son éloignement ; que, par suite, cet arrêté répond aux exigences de motivation posées par le code des relations entre le public et l'administration ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient M. A...se disant M.B..., il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité préfectorale ne se serait pas livrée à un examen de sa situation personnelle avant de prendre la mesure d'éloignement, alors surtout que le requérant, après son interpellation, a été entendu sur sa situation administrative ;

7. Considérant, en troisième lieu, que M. A...se disant M. B...soutient que la décision litigieuse méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il vit en France depuis trois ans, qu'il est entouré et fragile psychologiquement ; que, toutefois, M. A...se disant M.B..., qui est célibataire et sans enfant, est entré en France irrégulièrement et résidait, selon ses dires, en France depuis moins de trois ans à la date de la décision contestée ; que, dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de séjour du requérant, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a dès lors pas méconnu les stipulations précitées ;

En ce qui concerne la décision portant refus d'accorder un délai de départ volontaire :

8. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente (...) " ;

9. Considérant en premier lieu, que la décision contestée fait état de ce que M. A...se disant M. B...est démuni de toute document lui permettant de justifier de son identité et de sa nationalité ; qu'il s'est maintenu sur le territoire français sans avoir sollicité l'asile, la délivrance d'un titre de séjour et qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes ; que, dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient l'intéressé, la décision en cause satisfait à l'obligation de motivation prévue au II de l'article L. 511-1 du code précité ;

10. Considérant, en second lieu, que pour refuser un délai de départ à M. A...se disant M. B..., le préfet a notamment relevé, d'une part, que l'intéressé n'avait encore entamé aucune démarche administrative en vue de régulariser sa situation administrative depuis son entrée en France et, d'autre part, que M. A...se disant M. B...ne justifiait pas d'un lieu de résidence personnel et stable ; qu'à cet égard, il ressort des pièces du dossier que, lors de son audition par les services de police, le requérant a indiqué qu'il était sans domicile fixe à Clermont-Ferrand ; que, dans ces conditions, le préfet du Puy-de-Dôme était fondé à considérer que M. A...se disant M. B...ne présentait pas de garanties de représentation ;

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

11. Considérant que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision manque en fait ;

12. Considérant que, si M. A...se disant M. B...prétend être menacé en cas de retour en Algérie, il n'apporte au soutien de son allégation aucun élément probant ; que, par suite, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la légalité de la décision de placement en rétention administrative :

13. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision manque en fait ;

14. Considérant en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il ne se soustraie à cette obligation (...) " ; que, pour les mêmes motifs qu'au point 10 du présent arrêt, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas entaché d'erreur d'appréciation sa décision de placer M. A...se disant M. B...en rétention administrative ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Puy-de-Dôme est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses deux arrêtés du 18 septembre 2016 ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1606929 du 21 septembre 2016 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...se disant M. B...devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...se disant M. C...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2017 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

Mme D...et Mme Caraës, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 29 juin 2017.

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N° 16LY03545


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY03545
Date de la décision : 29/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-06-29;16ly03545 ?
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