Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... A...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 27 février 2015 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1500947 du 30 juin 2015, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 21 septembre 2015, Mme A..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 30 juin 2015 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le préfet devait consulter la commission du titre de séjour ; elle remplit les conditions pour bénéficier d'une carte de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet n'établit pas que l'auteur de la reconnaissance de son enfant n'en est pas le père biologique ; le refus de titre de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ; cette décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnait le 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; elle méconnait également l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle a fui le Nigéria à l'âge de douze ans pour échapper à un mariage forcé ; ainsi, la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 mars 2016, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête, qui n'est pas accompagnée de la lettre de notification du jugement contesté, n'est pas recevable ;
- le préfet ne devait pas saisir la commission du titre de séjour ;
- M. B... a reconnu l'enfant de la requérante alors qu'il résidait à Longjumeau, et elle à Dijon ; rien n'indique qu'il aurait l'intention de nouer des liens avec l'enfant afin d'assumer ses responsabilités parentales ; la fraude est établie ;
- la requérante est célibataire et n'est pas dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine ; les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ;
- l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'a pas été méconnu ;
- la requérante n'établit pas qu'elle serait menacée à titre personnel, direct et actuel en cas de retour au Nigéria ; ainsi, la décision fixant le pays de renvoi ne méconnait pas l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 septembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;
1. Considérant que Mme A..., ressortissante nigériane, née le 2 février 1989 est entrée en France le 26 juillet 2012 ; que sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 22 mai 2013, devenue définitive en l'absence de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ; qu'elle a sollicité du préfet de la Côte-d'Or la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, suite à l'obtention, pour son enfant d'une carte nationale d'identité française et d'un passeport français ; que le 27 février 2015, le préfet de la Côte-d'Or lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour en tant que réfugiée ainsi qu'en qualité de mère d'un enfant mineur français et a assorti ce refus de décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays de renvoi ; que Mme A... relève appel du jugement du 30 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du 27 février 2015 ;
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...). " ;
3. Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés ; que, par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ;
4. Considérant que le fils de Mme A... est né à Dijon le 17 août 2012, soit moins d'un mois après son entrée en France ; que si M. B..., ressortissant français, a reconnu l'enfant, le 21 septembre 2012, soit un mois après sa naissance, il résidait en France, alors que la conception a eu lieu hors de France et, lors de son arrivée en France, la mère de l'enfant ne l'a pas rejoint à Longjumeau (91) où il résidait, même après la naissance ou la reconnaissance de l'enfant, et a résidé seule à Dijon avec son fils ; qu'il n'est pas établi qu'à la date de la décision en litige, M. B... exerçait réellement l'autorité parentale, même partielle, sur l'enfant et participait effectivement à son entretien et à son éducation ; que, dès lors, le préfet apporte la preuve, qui lui incombe, de ce que la reconnaissance de l'enfant de la requérante par un Français a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de la violation du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour composée (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement toutes les conditions prévues au 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que tel n'est pas le cas de Mme A... ; que, dès lors, le préfet n'avait pas l'obligation de consulter la commission avant de refuser le renouvellement de titre de séjour sollicité ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
6. Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, Mme A... n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité du refus de titre de séjour en litige ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) " ; que, pour les motifs indiqués ci-dessus, Mme A... ne peut invoquer ces dispositions ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
9. Considérant que, compte tenu de la durée et des conditions de séjour en France de Mme A... et au jeune âge de son enfant, qui n'a pas de relations avec son père, la décision en litige ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;
11. Considérant que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas pour objet ou pour effet de séparer l'enfant de la requérante de son père dans la mesure où M. B... n'est pas son père biologique et ne l'a reconnu qu'afin de permettre à Mme A... d'obtenir un titre de séjour ; qu'il n'est d'ailleurs pas établi que cet enfant entretiendrait des liens quelconques avec M. B... ; que, dès lors, il n'apparaît pas que l'intérêt supérieur de l'enfant n'ait pas été suffisamment pris en compte par la décision en litige ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;
Sur la légalité de la décision désignant le pays de renvoi :
12. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le retour de Mme A... dans le pays dont elle possède la nationalité l'exposerait à des traitements prohibés par ces stipulations ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 8 juin 2017 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Pourny, président-assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 juin 2017.
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N° 15LY03130