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15/06/2017 | FRANCE | N°16LY03803

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 15 juin 2017, 16LY03803


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'EURL Joseph a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 ainsi que des intérêts et majorations correspondants.

Par un jugement n° 1302800-1302803-1401206 du 13 septembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a

rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'EURL Joseph a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 ainsi que des intérêts et majorations correspondants.

Par un jugement n° 1302800-1302803-1401206 du 13 septembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 novembre 2016, l'EURL Joseph, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 septembre 2016 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- en ignorant délibérément les erreurs bénéficiant au contribuable et en ne tenant pas compte des écarts négatifs, l'administration a eu un recours à une méthode de reconstitution des recettes radicalement viciée ;

- subsidiairement, la correction d'erreurs matérielles au titre des années 2009, 2010 et 2011, ainsi que le regroupement de certains produits, le calcul des pertes et offerts sur la base des achats et la prise en compte d'une perte supplémentaire de 17 % sur les bières vendues en fût ainsi que de vols commis par des salariés, permet de retenir un chiffre d'affaires différent au titre de ces années.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 avril 2014, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la proposition de rectification est suffisamment motivée ;

- la requérante ne produit pas d'éléments probants de nature à démontrer que la méthode mise en oeuvre pour reconstituer le chiffre d'affaires serait radicalement viciée ou excessivement sommaire ;

- la méthode de reconstitution proposée n'est pas susceptible de remettre en cause celle qui a été retenue.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;

1. Considérant que l'EURL Joseph, qui exploite un commerce de bar-brasserie à Lyon, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos en 2009 et 2010 et, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 ; que le vérificateur a rejeté sa comptabilité comme irrégulière et non probante et procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires ; que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ont été mises à sa charge au titre des exercices clos en 2009 et 2010 ; que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 ; que l'EURL Joseph relève appel du jugement du 13 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) " ; qu'aux termes de l'article R.57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une notification de redressement doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, afin de permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs ;

4. Considérant, que la proposition de rectification du 30 juillet 2012 comporte l'indication des impôts concernés, des années et périodes d'imposition, de la base d'imposition retenue et des motifs de droit et de fait sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées ; qu'elle précise les raisons pour lesquelles la comptabilité de l'EURL Joseph a été écartée et expose, de façon détaillée, la méthode de reconstitution mise en oeuvre ; qu'en particulier, elle mentionne les taux de perte et d'offerts retenus ; que, dans ces conditions, et alors même que les tableaux présentés en annexe comporteraient des imprécisions et des erreurs, cette proposition de rectification est suffisamment motivée au regard des exigences des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...) " ;

6. Considérant qu'il est constant que l'EURL Joseph n'a pas répondu dans le délai légal à la proposition de rectification qui lui a été régulièrement notifiée, le 30 juillet 2012 ; que, dans ces conditions, elle est réputée avoir acquiescé tacitement aux redressements ainsi notifiés et supporte, en application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'exagération des impositions litigieuses ;

7. Considérant que l'administration a reconstitué le montant des ventes à consommer sur place de boissons alcoolisées et non alcoolisées réalisées par la requérante au titre de la période vérifiée en déterminant préalablement les stocks de boissons à la clôture de chaque exercice, puis la nature et le montant des achats de boissons effectués au cours de chaque exercice à partir des informations fournies par la société et par ses fournisseurs ; qu'ensuite, le vérificateur a dépouillé les tickets Z édités par la machine enregistreuse et a réparti les volumes ou les quantités dont la vente a ainsi été comptabilisée pour chaque nature de boissons ; qu'enfin, après avoir confronté les achats et les stocks, il a déterminé le détail des achats de boissons revendues par nature, volume ou quantité en mentionnant un taux de perte et d'offerts variant de 5 à 10 %, ainsi qu'une réduction de 10 % au titre de la pratique du " Happy Hours " signalée par le gérant ; que la comparaison entre les volumes et quantités revendus et ceux qui ont été comptabilisés a révélé l'existence, dans certains cas, de ventes supérieures aux achats consommés pour lesquels le montant des ventes a été retenu ; que dans le cas inverse, où les ventes comptabilisées étaient inférieures aux achats consommés, le chiffre d'affaires manquant a été déterminé par produit, en fixant un prix unitaire propre à chaque exercice à partir de l'examen des tickets Z annuels ;

8. Considérant, en premier lieu, que la requérante n'apporte aucun élément permettant d'expliquer l'existence d'écarts négatifs entre les ventes comptabilisées et les achats revendus ; qu'elle n'explique pas plus en quoi la prise en compte de ces écarts négatifs aurait pu lui être favorable ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que l'absence de prise en compte de ces écarts ainsi que des pertes et offerts relatifs aux produits concernés par ces écarts révèlerait le caractère radicalement vicié ou incohérent de la méthode de reconstitution des recettes mise en oeuvre ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que la requérante fait état de plusieurs erreurs figurant dans les annexes à la proposition de rectification du 30 juillet 2012 concernant le volume de certaines bouteilles, l'absence de prise en compte de bouteilles de Gini pourtant comptabilisées ainsi que celles de pertes et offerts de produits relatifs à l'exercice 2010 et, enfin, le chiffre d'affaires provenant de la vente de Beaujolais ; que, s'il est constant que les tableaux annexés à la proposition de rectification du 30 juillet 2012 comportent plusieurs erreurs, certaines présentent un caractère purement matériel et d'autres ont pu, ainsi que la requérante l'admet dans ses écritures, présenter pour elle un caractère favorable ; que si la requérante fait état de l'omission de pertes et offerts sur certaines boissons, ou de la prise en compte d'un chiffre d'affaires relatif à la vente de verres de Beaujolais, qu'elle offrirait à ses clients, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir que ces erreurs devraient faire l'objet de corrections ;

10. Considérant, en dernier lieu, que la requérante présente une reconstitution alternative de son chiffre d'affaires tenant compte de la correction des erreurs matérielles relevées dans les annexes à la proposition de rectification, des observations formulées concernant notamment l'absence de prise en compte des écarts négatifs, ainsi que de vols de recettes et de marchandises par des salariés et de taux de perte spécifiques pour les bières vendues en fût ; que toutefois, et ainsi qu'il a été dit précédemment, la nécessité de prendre en compte les écarts négatifs et celle de corriger les erreurs figurant dans les tableaux annexés à la proposition de rectification ne sont justifiées par aucun élément produit par la requérante ; qu'il n'est pas établi que le regroupement des ventes de boissons anisées et des ventes de bières en fût conduirait à une reconstitution de recettes plus pertinente que celle qui a été retenue par l'administration ; qu'en ce qui concerne les taux de pertes et d'offerts, il résulte de l'examen de l'annexe 5 à la proposition de rectification du 30 juillet 2012 que le vérificateur, compte tenu des informations communiquées par le gérant de l'EURL Joseph, a retenu un taux de pertes et offerts de 5 % des ventes comptabilisées pour les alcools et les bières vendues en bouteilles et un abattement spécifique de 10 % pour les bières servies à la pression et vins vendus au verres, à la carafe ou au pot ; qu'également le vérificateur a retenu un taux de 10 % supplémentaire pour les sessions " d'Happy Hours " ; que si la requérante demande qu'un taux de perte supplémentaire de 17 % soit retenu sur les bières vendues en fût, elle n'apporte, en l'absence de pièces justificatives, comptables ou autres, aucun élément à l'appui de ses prétentions ; qu'enfin, si la requérante produit des dépôts de plainte concernant des vols commis par des salariés, ces documents ne suffisent pas à justifier que la reconstitution alternative de recettes qu'elle propose puisse être admise ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EURL Joseph n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'EURL Joseph est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Joseph et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2017 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 juin 2017.

5

N° 16LY03803


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY03803
Date de la décision : 15/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Proposition de rectification (ou notification de redressement) - Motivation.

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Questions communes - Divers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : DELAMBRE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-06-15;16ly03803 ?
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