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08/06/2017 | FRANCE | N°15LY03775

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 08 juin 2017, 15LY03775


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de lui accorder la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2007 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1301023 du 28 septembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 novembre 2015, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 septembre 2015 ;

2°) de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de lui accorder la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2007 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1301023 du 28 septembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 novembre 2015, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 septembre 2015 ;

2°) de lui accorder la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la motivation de la proposition de rectification fondée sur la détermination d'un coefficient de minoration difficilement compréhensible est insuffisante ;

- les griefs visant la comptabilité n'étaient pas suffisants pour justifier son rejet ; la globalisation des recettes journalières ne constitue pas une anomalie s'agissant de ventes au détail ;

- la méthode de reconstitution est radicalement viciée et excessivement sommaire, tant pour la reconstitution des recettes restaurant fondée sur un coefficient de minoration injustifié que pour la reconstitution des ventes de champagne, l'administration fiscale ayant appliqué une méthode mixte ; la méthode de reconstitution mise en oeuvre pour les ventes de champagne comporte des doubles emplois, les ventes de champagne reconstituées à partir des achats revendus dont le détail ne figure pas en comptabilité alors que les omissions correspondantes sont réputées faire partie des recettes reconstituées par le service à partir des coefficients de minoration ; les ventes de champagne d'un restaurant asiatique ne peuvent représenter 10 % du chiffre d'affaires ; l'administration aurait dans ce cas dû rectifier le montant des charges ou la taxe sur la valeur ajoutée déductible ;

- il n'a pas été tenu compte des conditions réelles d'exercice de l'activité restaurant, ni de la composition du chiffre d'affaires ;

- dès lors que la comptabilité de l'entreprise a été rejetée, l'administration fiscale ne pouvait à partir d'une analyse, au surplus partielle des pièces justificatives, déterminer des insuffisances de déclarations qui ne sont corroborées par aucune reconstitution complète du chiffre d'affaires ;

- les pénalités sont injustifiées ; en procédant à une reconstitution radicalement viciée qui ne peut qu'être écartée, l'administration fiscale n'établit pas son intention d'éluder l'impôt.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2016, le ministre des finances et des comptes publics a conclu au rejet de la requête.

Le ministre expose qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public ;

1. Considérant que MmeC..., qui exploite à titre individuel un restaurant de type asiatique à Thonon-les-Bains, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 à l'issue de laquelle l'administration a rejeté sa comptabilité comme non probante, et procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires et du résultat imposable du restaurant ; qu'à l'issue de ce contrôle effectué selon la procédure de rectification contradictoire, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2007, assortis de la majoration de 40 % pour manquement délibéré, ont été notifiés à la requérante par proposition de rectification du 21 décembre 2010 ; que ces rappels de taxe, confirmés par lettre du 22 février 2011 après réception des observations du contribuable le 24 janvier 2011, ont été mis en recouvrement le 21 septembre 2011 pour un montant total de 12 970 euros ; que Mme C... a saisi le tribunal administratif de Grenoble du litige ; qu'en cours d'instance, l'administration fiscale a prononcé un dégrèvement pour un montant total de 1 305 euros en droits et pénalités, acceptant de considérer que la moitié des achats de champagne du restaurant de Mme C... n'était pas destinée à la revente ; que, par un jugement du 28 septembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement accordé et a rejeté le surplus de la demande de Mme C... tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes restant à sa charge ; que, par la présente requête, Mme C... relève appel de ce jugement ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la réclamation initiale relative à la taxe sur la valeur ajoutée de l'année 2007 ne visait que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée issus de la reconstitution des recettes et non ceux afférents à la taxe sur la valeur ajoutée déductible ; que dans ces conditions, en tenant compte du dégrèvement de 1 305 euros en première instance, le présent litige porte sur la somme de 8 904 euros dont 5 767 euros de droits et 3 137 euros de pénalités dont 2 307 euros de majoration pour manquement délibéré ; que les conclusions de la requérantes en tant qu'elles dépassent ce quantum, sont irrecevables, et doivent, par suite être rejetées ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. " ; qu'une proposition de rectification est suffisamment motivée au regard des dispositions précitées dès lors qu'elle indique la nature des redressements envisagés, le montant de ces redressements distinctement par catégories de revenus et par chefs de redressements, l'impôt et l'année d'imposition et que ces motifs sont suffisamment explicites pour permettre au contribuable d'engager une discussion contradictoire avec l'administration et de présenter utilement ses observations ; que la motivation s'apprécie chef de redressement par chef de redressement ;

4. Considérant que Mme C... soutient que la proposition de rectification qui lui a été adressée le 21 décembre 2010 était insuffisamment motivée notamment en ce qui concerne le mode de détermination du coefficient de minoration appliqué pour reconstituer les recettes du restaurant ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification explicite clairement les motifs ayant conduit à écarter la comptabilité présentée comme dépourvue de tout caractère probant ainsi que la méthode de reconstitution utilisée par le vérificateur, fondée sur des éléments propres à l'entreprise, notamment les pièces justificatives présentées, à partir desquelles un coefficient de minoration des recettes de 0,836 a pu être déterminé par le rapport entre le chiffre d'affaires TTC constaté en comptabilité et le chiffre d'affaires TTC tel qu'il ressortait des carnets à souche ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la motivation de la proposition de rectification aurait été insuffisante pour lui permettre de présenter utilement ses observations, ce qu'elle a d'ailleurs fait ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. (...) " ;

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

6. Considérant qu'aux termes du 3° du I de l'article 286 du code général des impôts applicable en matière de taxe sur la valeur ajoutée : " Chaque inscription doit indiquer la date, la désignation sommaire des objets vendus, du service rendu ou de l'opération imposable, ainsi que le prix de la vente ou de l'achat, ou le montant des courtages, commissions, remises, salaires, prix de location, intérêts, escomptes, agios ou autres profits. Toutefois, les opérations au comptant peuvent être inscrites globalement en comptabilité à la fin de chaque journée lorsqu'elles sont inférieures à 76 € pour les ventes au détail et les services rendus à des particuliers. Le montant des opérations inscrites sur le livre est totalisé à la fin du mois. " ; que ces dispositions n'ont ni pour objet, ni pour effet de dispenser les commerces au détail de produire à l'appui de leur livre spécial tous documents propres à justifier du détail de leurs recettes ;

7. Considérant que pour écarter la comptabilité présentée comme non probante, le vérificateur s'est fondé sur la constatation de nombreuses et graves anomalies tenant au défaut de présentation exhaustive des pièces justificatives, au défaut de comptabilisation d'une partie des recettes figurant sur les carnets à souche présentés, à la circonstance que le total des recettes figurant sur les carnets à souche ne corroborait pas le chiffre d'affaires porté en comptabilité lequel était minoré, et aux motifs que le restaurant fonctionnait sans caisse et qu'une très faible part des recettes étaient encaissées par chèques ou cartes bancaires, indices confortant l'existence d'une minoration de chiffre d'affaires ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, en relevant de telles anomalies l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe de l'existence de graves irrégularités de nature à justifier que la comptabilité du restaurant fût écartée comme étant dépourvue de tout caractère probant ;

En ce qui concerne la charge de la preuve :

8. Considérant qu'en l'espèce, en l'absence de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, et nonobstant la circonstance que cette commission saisie par Mme C... du litige concernant la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 s'est également prononcée sur les opérations de contrôle réalisées sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2007 sans y avoir été invitée, la charge de la preuve incombe à l'administration fiscale ;

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :

9. Considérant qu'aucun principe ne s'oppose à ce que l'administration fiscale combine plusieurs méthodes de reconstitution du chiffre d'affaires fondées alternativement sur les recettes et sur les achats en fonction des éléments dont dispose le vérificateur lors du contrôle ; qu'en l'espèce, après analyse des carnets à souche présentés par la requérante comme pièces justificatives et de nature à rendre compte de l'activité du restaurant avec une certaine fiabilité, et avoir constaté que le chiffre d'affaires résultant du dépouillement de ces carnets à souche était supérieur au chiffre d'affaires comptabilisé, d'une part, et que, d'autre part, plusieurs carnets à souche étaient manquants, l'administration a procédé à la détermination d'un coefficient de minoration des recettes sur les périodes pour lesquelles les pièces justificatives avaient été présentées, qu'elle a ensuite appliqué au chiffre d'affaires comptabilisé sur les périodes pour lesquelles Mme C... n'a pu présenté aucune pièce justificative ; que la requérante se borne à soutenir que la détermination du coefficient de minoration serait ésotérique et ne permettrait pas de fonder les redressements ; que si elle soutient que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires utilisée par le vérificateur est radicalement viciée et excessivement sommaire, elle n'assortit toutefois son moyen d'aucune précision utile de nature à permettre au juge de l'impôt d'en apprécier le bien-fondé ; que, dans ces conditions, l'administration fiscale, qui n'était pas tenue de procéder à une reconstitution par les achats, apporte la preuve qui lui incombe de l'existence de minorations du chiffre d'affaires du restaurant sur la période vérifiée ;

10. Considérant que s'agissant des ventes de champagne, lequel figure sur la carte du restaurant, le service a procédé différemment pour tenir compte des achats importants de bouteilles de champagne (414 bouteilles) en comparaison des faibles ventes (16 bouteilles et 21 coupes) enregistrées sur les carnets à souche présentés ; qu'en tenant compte de la variation des stocks, des ventes facturées, des offerts et de la consommation personnelle initialement évaluée à 5 %, les omissions de recettes s'élevaient à plus de 300 bouteilles, alors qu'en appliquant le coefficient de minoration précité l'omission totale ne dépasserait pas dix bouteilles, cette méthode ne faisant ainsi pas double emploi avec la reconstitution opérée à partir des coefficients de minoration ; que les recettes facturées apparaissaient d'autant plus minimes au regard des achats très importants pour un établissement de ce type que le taux de marge ressortant des déclarations de la requérante était particulièrement faible, largement inférieur au chiffre généralement constaté de 3 ; que, toutefois, en cours de première instance, l'administration fiscale a admis de considérer que les pertes et offerts ainsi que la consommation personnelle s'élevaient à 50 % des achats sur la période vérifiée, aboutissant à un coefficient de marge de 2,86 ; qu'ainsi l'administration qui a procédé à la reconstitution extracomptable du chiffre d'affaires à partir des données propres de l'entreprise et était fondée à s'appuyer sur tous éléments utiles de la comptabilité du restaurant pour ce faire, apporte la preuve de l'existence de minorations de recettes de nature à justifier la notification des rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux sur la période vérifiée ;

Sur les pénalités :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) " ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. " ;

13. Considérant que l'administration qui démontre les graves irrégularités comptables, répétées tout au long de la période vérifiée, ainsi que l'importance des minorations de recettes constatées, représentant près de 20 % du chiffre d'affaires, apporte la preuve qui lui incombe de l'intention délibérée de Mme C... d'éluder l'impôt ; que, par suite, c'est à bon droit que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux ont été assortis de la pénalité pour manquement délibéré prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...'guyen n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...'guyen est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2017, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Terrade, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 juin 2017.

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N° 15LY03775


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