La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/04/2017 | FRANCE | N°15LY03690

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 20 avril 2017, 15LY03690


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme D...ont saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant : - à la condamnation du syndicat mixte d'aménagement de l'Arve et de ses abords (SM3A) à leur verser la somme de 727 636,17 euros en réparation du préjudice résultant de ses agissements fautifs, somme augmentée des intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ; - à ce qu'il lui soit enjoint de remettre le site en l'état antérieur aux travaux réalisés sur le fondement de la déclaration d'utilité publique i

rrégulière, de retirer tous les instruments de publicité utilisés pour diriger le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme D...ont saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant : - à la condamnation du syndicat mixte d'aménagement de l'Arve et de ses abords (SM3A) à leur verser la somme de 727 636,17 euros en réparation du préjudice résultant de ses agissements fautifs, somme augmentée des intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ; - à ce qu'il lui soit enjoint de remettre le site en l'état antérieur aux travaux réalisés sur le fondement de la déclaration d'utilité publique irrégulière, de retirer tous les instruments de publicité utilisés pour diriger le public à proximité de leur propriété, de mettre en place une information publique en vue d'en restreindre l'accès et de condamner l'accès des berges de l'Arve entre la confluence de la Ménoge et le chemin des Îles.

Par le jugement n° 1301769 du 15 septembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. et MmeD....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 novembre 2015, M. et Mme D..., représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler la décision du 29 janvier 2013 refusant de faire droit à leur demande d'indemnisation ;

3°) de condamner le syndicat mixte d'aménagement de l'Arve et de ses abords à remettre le site en l'état antérieur aux travaux réalisés sur le fondement de la déclaration d'utilité publique irrégulière, à retirer tous les instruments de publicité utilisés pour diriger le public à proximité de leur propriété, à mettre en place une information publique en vue d'en restreindre l'accès et à condamner l'accès des berges de l'Arve entre la confluence de la Ménoge et le chemin des Îles " au titre de l'article L. 911-1 du code de justice administrative " ;

4°) de le condamner également à leur verser la somme de 802 636,17 euros en réparation du préjudice résultant de ses agissements, augmentée des intérêts de droit et la capitalisation de ces intérêts ;

5°) de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme D..., tout en renvoyant à leurs écritures de première instance, soutiennent que :

- l'annulation de la déclaration d'utilité publique est devenue définitive depuis la décision du Conseil d'État du 7 février 2013 ; il appartient au maître de l'ouvrage d'en tirer toutes les conséquences ;

- le tribunal administratif a rejeté les conclusions à fin d'injonction sans aucune motivation ;

- les fautes du SM3A ne tiennent pas uniquement à l'irrégularité de la déclaration d'utilité publique mais aussi à la réalisation, sur leur propriété, de travaux sans la moindre autorisation et sans régularisation, au maintien des aménagements en ayant résulté, aux menaces et pressions, à l'absence de tout versement de l'indemnité d'expropriation entre le 2 avril 2009 (fixation de l'indemnité par le juge de l'expropriation) et le 15 juin 2011 (décision du juge ordonnant la restitution de leurs biens indûment expropriés), aux manoeuvres du SM3A à leur égard pour les dissuader d'engager une action en justice, au comportement inapproprié du SM3A envers eux ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a exonéré le SM3A de toute faute s'agissant de la question spécifique de la faute résultant de la pénétration dans leur propriété privée et de l'occupation de celle-ci en 2002.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2016, le syndicat mixte d'aménagement de l'Arve et de ses abords, représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête comme irrecevable ou, à tout le moins, mal fondée ;

2°) de mettre à la charge de M. et Mme D... la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le SM3A fait valoir que :

- la demande tendant à la condamnation à des dommages et intérêts est irrecevable, en outre les fautes sont prescrites, les requérants ne prenant même pas la peine d'indiquer quels faits seraient constitutifs d'une faute ; il n'appartient qu'à l'État de répondre des conséquences dommageables de l'irrégularité affectant la déclaration d'utilité publique ;

- s'agissant de la demande d'exécution de mesures coercitives et d'annulation du rejet de leur recours gracieux, elle ne peut qu'être rejetée dès lors que les requérants n'ont pas qualité pour formuler une telle demande puisqu'ils n'étaient pas parties dans la procédure ayant abouti à l'annulation de la déclaration d'utilité publique ;

- le recours gracieux introduit par les requérants ne saurait faire échec aux dispositions de l'article L. 911-4 du code de justice administrative ;

- en tout état de cause, la requête ne comporte aucun élément permettant à la cour d'apprécier le bien-fondé d'une demande d'exécution de la décision de justice qui a annulé la déclaration d'utilité publique ;

- la passerelle sur la Ménoge a été régulièrement édifiée, aucune illégalité n'affecte sa réalisation ; en outre la propriété des requérants est affectée d'une servitude de marche-pied du domaine public fluvial de l'Arve ; les mesures d'exécution sollicitées ne résultent en aucun cas de l'exécution de la décision de la cour mais de mesures de police sans lien avec leur demande.

- les demandes indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées dès lors qu'elles ont déjà été présentées devant une autre juridiction, le juge de l'expropriation, sont pour la plupart prescrites et non fondées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gondouin,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

- et les observations de Me C... représentant de M. et Mme D... et de Me B..., représentant le syndicat mixte d'aménagement de l'Arve et de ses abords.

1. Considérant que, par un arrêté du 12 juillet 2006, le préfet de la Haute-Savoie a déclaré d'utilité publique l'aménagement de l'Arve sur la section comprise entre la confluence de la Ménoge et la frontière suisse et autorisé le syndicat mixte d'aménagement de l'Arve et de ses abords (SM3A), maître d'ouvrage, à poursuivre par voie d'expropriation les acquisitions foncières nécessaires à la réalisation des travaux ; que cet arrêté a été annulé par la cour administrative d'appel de Lyon le 22 mars 2012 ; que le Conseil d'État, par une décision du 7 février 2013, n'a pas admis le pourvoi en cassation présenté par le ministre de l'intérieur ; que M. et Mme D..., propriétaires de terrains situés le long de l'Arve et de la Ménoge, ont également obtenu du tribunal administratif de Grenoble, le 19 octobre 2010, l'annulation de l'arrêté de cessibilité de leurs parcelles visées par la procédure d'expropriation ; qu'après avoir, sans succès, sollicité une indemnisation auprès du SM3A, ils ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner ce dernier au paiement de la somme de 727 636,17 euros en réparation du préjudice résultant d'agissements fautifs du syndicat, somme augmentée des intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ; qu'ils ont également demandé au tribunal d'enjoindre au SM3A la remise du site en l'état antérieur aux travaux réalisés sur le fondement de la déclaration d'utilité publique irrégulière, le retrait de tous les dispositifs de publicité installés pour diriger le public à proximité de leur propriété, la mise en place d'une information publique en vue d'en restreindre l'accès, la condamnation de l'accès des berges de l'Arve entre la confluence de la Ménoge et le chemin des Îles ; que M. et Mme D... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 septembre 2015 qui a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

2. Considérant, en premier lieu, que, comme il a été précédemment rappelé, l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie portant déclaration d'utilité publique du 12 juillet 2006 a été annulé au motif, retenu par la cour administrative d'appel de Lyon dans son arrêt du 22 mars 2012, que : " le contenu de l'étude d'impact ne correspond pas à l'importance des travaux projetés par la déclaration d'utilité publique et ne justifie pas de leurs effets sur la sécurité publique au sens des dispositions précitées aujourd'hui codifiées à l'article R. 122-3 du code de l'environnement " ; que, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, l'irrégularité dont est entaché cet arrêté constitue une illégalité fautive ouvrant droit à réparation ; que toutefois, comme l'ont également relevé à bon droit les premiers juges, il n'appartient qu'à l'État de répondre de l'ensemble des conséquences dommageables de cette irrégularité ; que, dès lors, les conclusions à fin d'indemnisation présentées sur ce fondement par M. et Mme D... à l'encontre du SM3A ne peuvent qu'être rejetées comme mal dirigées ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que les requérants demandent également réparation d'un ensemble de préjudices qui, selon eux, ne tiennent pas uniquement à l'illégalité de la déclaration d'utilité publique ;

4. Considérant, qu'en particulier, ils soutiennent qu'ils ont subi " une nouvelle atteinte au droit de propriété résultant de l'absence de versement du moindre euro d'indemnité d'expropriation entre le 2 avril 2009 (date de la décision du juge de l'expropriation fixant l'indemnité) et le 15 juin 2011 (date de la décision du juge de l'expropriation ordonnant la restitution de leurs biens indûment expropriés) " ; que, toutefois, les préjudices que les requérants auraient subis à ce titre sont, contrairement à ce qu'ils soutiennent, également liés à l'annulation de la déclaration d'utilité publique ; que leurs conclusions présentées à ce titre sont en tout état de cause mal dirigées dès lors, comme il vient d'être dit, qu'il n'appartient qu'à l'État de répondre de l'ensemble des conséquences dommageables de l'irrégularité de la déclaration d'utilité publique ;

5. Considérant, en troisième lieu, que M. et Mme D... soutiennent qu'ils ont subi des préjudices du fait de travaux exécutés en 2002 sur leur propriété sans la moindre autorisation et sans aucune régularisation et du fait du maintien de ces aménagements qui ont pour effet qu'ils subissent à présent " quotidiennement le passage répété des promeneurs, cyclistes ou motocyclistes rendus possibles par ces aménagements et encouragés par les brochures distribuées par le SM3A " ;

6. Considérant que, d'une part, aux termes de l'article 1er de la loi ci-dessus visée du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public " ; qu'aux termes des quatre premiers alinéas de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence ou au paiement de la créance alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance " ;

7. Considérant que des travaux, nécessaires à la construction d'une passerelle sur la Ménoge à son confluent avec l'Arve, devaient assurer la continuité du sentier préexistant en rive droite de l'Arve et l'élargissement de la servitude de marchepied le long de cette rivière au droit notamment de la propriété des requérants ; que des matériaux ont été entreposés à cette occasion sur leurs parcelles ; que M. et Mme D... demandent réparation pour le comportement fautif qu'aurait eu le SM3A en entreprenant, en 2002, ces travaux qui ont occasionné le passage d'engins sur leur propriété et l'occupation temporaire, sans autorisation, de parcelles leur appartenant ; qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme D... ont présenté une demande d'indemnisation à ce titre au SM3A, pour la première fois en décembre 2012 ; que les nombreux courriers qu'ils ont adressés soit au président du SM3A soit au maire de Vetraz-Monthoux n'ont pu interrompre la prescription de leur créance sur ce fondement dès lors que ces courriers ne comportaient ni demande de paiement ni réclamation pour les nuisances ainsi causées mais concernaient essentiellement la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique ; que n'ont pas pu davantage interrompre le cours de la prescription les courriers rédigés en termes très généraux adressés aux mêmes autorités par l'association pour la préservation du site de Creuze ou l'association les Amis du Bassin de l'Arve, ni ceux adressés par ces associations et les requérants à diverses personnalités politiques ou autorités administratives de la Haute-Savoie ; qu'il ne résulte pas non plus de l'instruction que les recours exercés devant le tribunal administratif de Grenoble à l'encontre de l'arrêté du 12 juillet 2006 et de l'arrêté de cessibilité du 19 février 2008 étaient relatifs au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance dont ils se prévalent ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que la procédure devant le juge de l'expropriation était de nature à interrompre le cours de la prescription quadriennale pour la créance dont se prévalent les requérants dont le fait générateur a été constitué en 2002 ; que, dès lors, le SM3A est fondé à opposer l'exception de prescription quadriennale à cette demande des requérants ;

8. Considérant que, d'autre part, les conclusions présentées par M. et Mme D... tendant à la réparation des préjudices résultant du maintien des aménagements du site doivent être également rejetées dès lors que les requérants n'établissent pas que ces aménagements ont été irrégulièrement effectués ;

9. Considérant, en dernier lieu, que si les requérants demandent également réparation pour les préjudices résultant de toutes les procédures qu'ils ont dû engager de façon isolée ou avec les associations de protection du site dont ils sont membres et du fait des pressions et menaces qu'ils ont subies à ces occasions, ils n'établissent toutefois pas l'existence d'un préjudice direct, matériel et certain ; que leurs conclusions présentées à ce titre doivent donc également rejetées ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que M. et Mme D...demandent à la cour de condamner le syndicat mixte d'aménagement de l'Arve et de ses abords à remettre le site en l'état antérieur aux travaux réalisés sur le fondement de la déclaration d'utilité publique irrégulière, à retirer tous les dispositifs de publicité installés pour diriger le public à proximité de leur propriété, à mettre en place une information publique en vue d'en restreindre l'accès et à condamner l'accès des berges de l'Arve entre la confluence de la Ménoge et le chemin des Îles " au titre de l'article L. 911-1 du code de justice administrative " ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; que la présente décision n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions à fin d'injonction présentées par les requérants ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que le SM3A n'étant pas en l'espèce partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à sa charge quelle que somme que ce soit à verser à M. et Mme D... ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, de mettre à leur charge une somme à verser au SM3A sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du syndicat mixte d'aménagement de l'Arve et de ses abords présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... et au syndicat mixte d'aménagement de l'Arve et de ses abords.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2017 où siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Gondouin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 avril 2017.

4

N° 15LY03690


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award