Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la ville de Lyon à lui verser une indemnité de 146 171,87 euros, augmentée des intérêts au taux légal, eux-mêmes capitalisés par année, à compter de la demande préalable et de mettre à la charge de ladite ville la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1300096 du 4 novembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a condamné la ville de Lyon à lui payer une indemnité de 6 000 euros en réparation de son préjudice moral et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 8 janvier 2016 et un mémoire enregistré le 30 novembre 2016, la ville de Lyon, représentée par la SELARL Itinéraires Droit public, avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1300096 du tribunal administratif de Lyon du 4 novembre 2015 en tant qu'il l'a condamné à verser à M. A...une indemnité de 6 000 euros ;
2°) de mettre à la charge de M. A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité en confiant l'intérim des fonctions de directeur général des services (DGS) à M. A...pendant trois ans car cette durée n'a pas été excessive ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant cette durée excessive dès lors que la question de la durée ne peut être prise en compte que lorsque l'agent nommé ne remplit pas les conditions statutaires pour occuper un poste vacant, ce qui n'était pas le cas de M.A... ;
- le tribunal a également commis une erreur de droit en jugeant que le maire pouvait nommer un candidat indépendamment de la proposition faite par le maire d'arrondissement en méconnaissance de l'article 36 de la loi du 31 décembre 1982 ;
- le jugement est entaché de dénaturation dans la mesure où la ville a organisé des procédures de recrutement de DGS et que la durée de l'intérim n'est pas liée à son inertie ;
- le préjudice indemnisé par le tribunal n'est pas justifié car il ne présente pas un caractère réel et certain ;
- M. A...n'a pas cumulé les missions afférentes aux deux emplois, mais seulement certaines des missions afférentes à chacun des deux postes, et non l'intégralité de celles-ci ;
- il a perçu une compensation financière de 74,36 euros brut mensuel du 1er janvier au 30 avril 2010, puis de 116,78 euros brut mensuel du 1er mai 2010 au 31 octobre 2012, et non 42 euros comme il le prétend ;
- le déménagement de M. A...est un choix de ce dernier alors que sa situation de DGS avait vocation à être temporaire ;
- l'agent ne justifie d'aucun préjudice moral en raison de l'incertitude sur le devenir de sa situation professionnelle ;
- le préjudice retenu a, en tout état de cause, été surévalué, la différence globale entre les deux salaires étaient de 27 097 euros et non de 43 800 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 octobre 2016 et un mémoire enregistré le 2 janvier 2017, M.A..., représenté par Me Haziza, avocat, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de rejeter la requête de la ville de Lyon ;
2°) par la voie de l'appel incident, de condamner la ville de Lyon à lui verser la somme de 52 221,87 euros en réparation de son préjudice matériel, ainsi qu'une somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral, outre les intérêts aux taux légal à compter de la demande préalable, avec capitalisation ;
3°) de condamner la ville de Lyon à lui verser une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient :
- qu'aucun des moyens de la requête de la ville de Lyon n'est fondé ;
- la ville de Lyon a commis une faute en raison de la durée anormale de l'intérim assuré par M.A... dès lors que la situation de vacance du poste n'était pas justifiée ;
- la ville de Lyon devait nommer un DGS sur les propositions faites par le maire d'arrondissement, plutôt que refuser sa nomination et le laisser occuper deux postes ;
- les appels à candidatures opérés par la ville de Lyon sont des simulacres ;
- il a subi un préjudice professionnel car il a dû quitter sa maison à Domarin en Isère pour habiter avec sa famille à partir du mois d'août 2010 sur Lyon ;
- ce déménagement n'a pas été sans incidence sur la scolarité de ses trois enfants ;
- son préjudice matériel est évalué à la somme de 43 800 euros correspondant à la différence entre les salaires perçus et ceux payés à un DGS, ainsi que 8 421,87 euros correspondant à une indemnité de logement correspondant à 25 % du loyer net d'août 2010 à septembre 2012 ;
- il a supporté une double charge de travail en qualité de DGS et de DGA, et même celui de responsable du service à la population ;
- son préjudice moral est justifié et doit être indemnisé à hauteur de 10 000 euros ;
- ces préjudices sont en lien direct avec la faute de la commune.
Un mémoire enregistré le 26 janvier 2017, pour la ville de Lyon, n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
La clôture de l'instruction a été fixée au 27 janvier 2017 à 16 h 30 par ordonnance du 4 janvier 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 82-1169 du 31 décembre 1982 ;
- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;
- le décret n° 87-1099 du 30 décembre 1987 modifié ;
- le décret n° 87-1101 du 30 décembre 1987 ;
- le décret n° 2009-1411 du 17 novembre 2009 ;
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Samuel Deliancourt, premier conseiller,
- les conclusions de M. Marc Clément, rapporteur public,
- et les observations de Me Verne, avocat, pour la ville de Lyon, ainsi que celles de Me Haziza, avocat, pour M.A... ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 mars 2017, présentée pour la ville de Lyon ;
1. Considérant que la ville de Lyon relève appel du jugement du 4 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon l'a condamnée à payer à M.A..., directeur général adjoint des services de la mairie du 9ème arrondissement, une indemnité de 6 000 euros en réparation du préjudice moral subi par ce dernier à raison de son maintien en intérim dans les fonctions de directeur général des services de cette mairie pendant une durée de trois ans et quatorze jours ; que par la voie de l'appel incident, M. A...demande, d'une part, que l'indemnisation de son préjudice moral soit portée à la somme de 10 000 euros et, d'autre part, que la ville de Lyon soit condamnée à réparer l'ensemble des préjudices financiers et matériels qu'il estime avoir subis du fait de la situation dans laquelle il a été maintenu, qu'il évalue, dans le dernier état de ses écritures, à la somme de 52 221,87 euros ;
2. Considérant qu'en raison de la vacance du poste de directeur général des services de la mairie du 9ème arrondissement de la ville de Lyon, M.A..., attaché principal exerçant alors les fonctions de directeur général adjoint des services de cette mairie, a été chargé, en sus de ces fonctions, d'exercer à titre intérimaire celles de directeur général des services pendant une période de trois ans et quatorze jours, à l'issue de laquelle un accord est intervenu entre le maire de Lyon et le maire du 9ème arrondissement de cette ville pour nommer le titulaire de cet emploi ;
3. Considérant que si la ville de Lyon soutient qu'elle a accompli les diligences nécessaires, notamment en publiant des avis de vacance de poste et en procédant à l'audition des candidats qui se sont manifestés, il ne résulte pas de l'instruction que la vacance du poste de directeur général des services de la mairie du 9ème arrondissement ait dû se prolonger au-delà du délai raisonnablement nécessaire pour pourvoir un tel emploi qui, eu égard notamment aux exigences statutaires et au niveau de compétences requis, ne saurait en l'espèce excéder dix-huit mois ;
4. Considérant qu'un fonctionnaire chargé de l'intérim d'un emploi vacant ne peut prétendre bénéficier des avantages, notamment de rémunération, primes et indemnités attachées à des fonctions qu'il n'exerce que temporairement en vue d'assurer la continuité du service public ; que toutefois, son maintien par l'autorité investie du pouvoir de nomination dans de telles fonctions, exercées en sus des activités correspondant à celles de l'emploi dont il est titulaire, au delà de la durée raisonnablement nécessaire pour pourvoir l'emploi vacant, constitue une faute de nature à engager à son égard la responsabilité de la collectivité publique qui l'emploie ;
5. Considérant que, eu égard à ce qui a été dit au point 3, le maintien de M. A...dans les fonctions intérimaires de directeur général des services de la mairie du 9ème arrondissement au delà de dix-huit mois a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de la ville de Lyon ;
6. Considérant que du fait de son maintien pendant une durée excessive dans les fonctions intérimaires de directeur général des services de la mairie du 9ème arrondissement de Lyon en sus de ses fonctions de directeur général adjoint, M. A...a subi un préjudice qui, eu égard au niveau des fonctions exercées, doit être évalué à la somme de 14 000 euros ;
7. Considérant, en revanche, que l'obligation dans laquelle M. A...affirme s'être trouvé de déménager pour se loger à Lyon, alors qu'il était déjà directeur général adjoint des services de la mairie du 9ème arrondissement de cette ville, ne peut être regardée comme résultant nécessairement de son maintien pendant une durée excessive dans les fonctions intérimaires de directeur général des services ; que les conclusions de l'intéressé tendant à l'indemnisation de l'ensemble des préjudices qui ont résulté, selon lui, d'une telle obligation, en ce compris les préjudices liés au changement d'établissement scolaire de ses enfants, doivent, dès lors, être rejetées, de même que doivent en tout état de cause être rejetées ses conclusions tendant à l'attribution d'une indemnité de logement dès lors qu'il ne résulte d'aucune aucune disposition législative ou réglementaire que les directeurs généraux des services des mairies d'arrondissement de la ville de Lyon devraient bénéficier d'une concession de logement par nécessité de service ou d'une indemnité destinée à couvrir, en tout ou partie, leurs frais de logement ;
8. Considérant, enfin, qu'en lui allouant une indemnité de 6 000 euros, le tribunal administratif de Lyon a justement évalué le préjudice moral de M. A...qui, remplissant les conditions statutaires requises, avait postulé pour être nommé dans l'emploi qu'il exerçait à titre intérimaire, et a été maintenu dans l'incertitude quant à son éventuelle nomination dans cet emploi pendant plus de trois années ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter la requête susvisée de la ville de Lyon, de porter à la somme de 20 000 euros le montant de l'indemnité qu'elle doit être condamnée à payer à M.A..., et de rejeter le surplus de ses conclusions d'appel incident ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
10. Considérant que M. A...a adressé une demande d'indemnisation à la ville de Lyon, qui en a accusé réception le 1er octobre 2012 ; qu'en application de l'article 1231-6 du code civil, M. A...a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 20 000 euros ci-dessus à compter de cette dernière date ; que les intérêts échus le 1er octobre 2013 seront capitalisés à cette date, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, pour produire eux-mêmes intérêts ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M.A..., qui n'est pas partie perdante, soit condamné à rembourser à la ville de Lyon les frais, non compris dans les dépens, qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance ; qu'il y a lieu, en revanche, de condamner la ville de Lyon à payer à M. A...une somme de 2 000 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la ville de Lyon est rejetée.
Article 2 : La somme que la ville de Lyon a été condamnée à verser à M. A...par le jugement n° 1300096 du 4 novembre 2015 du tribunal administratif de Lyon est portée à 20 000 euros. Ladite somme portera intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2012. Les intérêts échus le 1er octobre 2013 seront capitalisés à cette date, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel incident de M. A...est rejeté.
Article 4 : Le jugement n° 1300096 du 4 novembre 2015 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : La ville de Lyon paiera à M. A...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et à la ville de Lyon.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Jean-François Alfonsi, président de la chambre,
- M. Hervé Drouet, président-assesseur,
- M. Samuel Deliancourt, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 avril 2017.
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N° 16LY00073