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13/04/2017 | FRANCE | N°15LY02014

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 13 avril 2017, 15LY02014


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Dulevo France a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 31 janvier 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a refusé d'autoriser le licenciement de M. E...A...D..., salarié protégé.

Par un jugement n° 1400893 du 26 mars 2015, le tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 juin 2015, M.D..., représenté

par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Dulevo France a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 31 janvier 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a refusé d'autoriser le licenciement de M. E...A...D..., salarié protégé.

Par un jugement n° 1400893 du 26 mars 2015, le tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 juin 2015, M.D..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon du 26 mars 2015 ;

2°) de mettre à la charge de la société Dulevo France une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient :

- que l'insuffisance de ses résultats commerciaux n'est pas démontrée, dès lors qu'il avait des résultats se situant dans la moyenne des commerciaux de la société et que le respect d'objectifs annuels ne peut être vérifié qu'en fin d'année ;

- qu'il était en droit d'assister sa conjointe dans l'exploitation d'un magasin d'articles vestimentaires durant son temps libre ;

- qu'aucune règle n'encadrant le remboursement des frais engagés au cours des journées de travail administratif, il ne saurait lui être reproché d'avoir abusé de la confiance de son employeur à ce titre ;

- qu'il n'a utilisé son crédit d'heures de délégation à des fins personnelles qu'au cours de la journée du 30 avril 2013 ;

- qu'aucune règle n'encadrant l'utilisation des téléphones portables, aucune utilisation abusive ne saurait lui être reprochée ;

- que la réalité de l'altercation avec un collègue n'est pas établie ;

- que s'il n'a pas respecté le délai imparti pour transmettre ses rapports d'activité hebdomadaires et ses justificatifs de frais, cette faute n'est pas d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement ;

- que le licenciement sollicité est en lien avec le mandat qu'il détient.

Par un mémoire enregistré le 8 juillet 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon du 26 mars 2015.

Par un mémoire, enregistré le 13 juillet 2016, la société Dulevo France, représenté par Me Kolaï, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. D... et de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir :

- que M. D...a commis plusieurs fautes dès lors qu'il a engagé des frais mis à la charge de la société, y compris les jours où ses rapports d'activité ne font état d'aucune activité professionnelle le justifiant, qu'il a utilisé le crédit d'heures de délégation à des fins personnelles, qu'il a tardé à transmettre ses rapports d'activité et des justificatifs de frais professionnels en dépit des relances de la société et qu'il a enfin eu un comportement agressif envers un collègue ;

- que ces fautes sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

- qu'il est constant que la procédure de licenciement engagée à l'encontre de M. D... est sans rapport avec son mandat de délégué du personnel titulaire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beytout, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me Kolaï, avocat de la société Dulevo France.

1. Considérant que M. D...a été recruté par la société Dulevo France par contrat à durée indéterminée à compter du 20 mai 2008 en qualité de cadre commercial pour la région Nord-Est avec pour mission de prospecter les clients et de commercialiser ses matériels de nettoyage pour l'industrie et la voirie ; que M. D...a été élu délégué du personnel titulaire lors des élections organisées le 16 juin 2011 ; que, le 6 juin 2013, la société Dulevo France a sollicité l'autorisation de le licencier pour faute grave ; que par décision du 19 juillet 2013, l'inspecteur du travail a refusé d'accorder l'autorisation sollicitée ; que, le 17 septembre 2013, la société Dulevo France a formé un recours hiérarchique auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; que, par décision du 31 janvier 2014, le ministre a retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique, annulé la décision de l'inspecteur du travail et refusé l'autorisation de licencier M.D... ; que la société Dulevo France a demandé au tribunal administratif de Dijon l'annulation de cette dernière décision ; que M. D...relève appel du jugement du 26 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision ;

Sur la légalité de la décision ministérielle de refus d'autorisation de licenciement du 31 janvier 2014 :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

3. Considérant que la société Dulevo France a invoqué trois séries de griefs dans sa demande d'autorisation de licenciement ; qu'elle reproche, en premier lieu, à M. D...un abus de confiance, se traduisant par la facturation indue de frais professionnels, un usage abusif de son téléphone et l'utilisation de son crédit d'heures de délégation syndicale à des fins personnelles ; qu'elle lui reproche, en deuxième lieu, des faits d'insubordination tenant à son refus de transmettre ses rapports d'activité et ses justificatifs de frais ; qu'elle lui reproche, en troisième lieu, son agressivité vis-à-vis d'un collègue ; que, pour refuser l'autorisation de licenciement sollicitée, le ministre du travail a estimé que les faits qualifiés d'abus de confiance par la société n'étaient pas fautifs, que l'agressivité de M. D... à l'égard d'un collègue n'était pas établie et enfin que l'insubordination de M. D..., pour fautive qu'elle soit, n'était pas de nature à justifier à elle seule son licenciement ;

4. Considérant, en premier lieu, que l'article 4 du contrat de travail de M. D...stipule : " Les frais professionnels que Monsieur A...D...devra engager dans le cadre de son activité au profit de la société Dulevo France devront rester raisonnables et seront remboursés, sur présentation de justificatifs, dans les conditions définies par note de service " ; que, s'agissant d'un cadre commercial itinérant, et alors même que celui-ci disposerait d'une certaine liberté d'organisation de son temps de travail, fixé à 214 jours par année civile, et qu'aucune note de service n'aurait défini les conditions de remboursement des frais professionnels, ces derniers doivent s'entendre comme des frais exposés à l'occasion de déplacements professionnels ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...a demandé à la société Dulevo France de prendre en charge des frais professionnels, de repas ou de parking, exposés entre mars et mai 2013 dans un rayon proche du magasin de sa compagne situé au centre-ville de Nancy ou de son lieu de résidence à Liverdun en particulier au cours de journées consacrées aux travaux administratifs ne supposant aucun déplacement professionnel ; qu'il ressort également des pièces du dossier que M. D...a utilisé son crédit d'heures accordé au titre de son mandat syndical à des fins personnelles, pour aller assister sa compagne au tribunal de commerce de Nancy lors d'une audience relative à la liquidation du magasin de celle-ci le 30 avril 2013 ; qu'en agissant ainsi, M. D...a abusé de la confiance de son employeur et a manqué de loyauté à son égard ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que, si aucune stipulation du contrat de travail de M. D... ne prévoit le délai de transmission des rapports d'activité, une note interne à l'entreprise datant de 2010 fixe à quinze jours ce délai ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. D... n'a pas communiqué ses rapports d'activités et ses justificatifs de frais professionnels à son employeur, qui l'avait pourtant relancé à de multiples reprises ; que ce faisant, et alors même que d'autres salariés auraient été dans la même situation que lui, M. D... a manqué à son devoir d'obéissance envers son employeur ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. D... a tenté d'intimider un collègue pour le forcer à signer les comptes-rendus de réunion du personnel ; qu'il a ainsi fait preuve d'un comportement agressif pour lequel il avait déjà fait l'objet de deux avertissements auparavant ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ensemble des fautes reprochées à M.D..., sans lien avec l'exercice normal de son mandat de délégué du personnel, étaient d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de ce dernier ; qu'ainsi le ministre a commis une erreur d'appréciation en refusant d'autoriser son licenciement ; que, par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Dulevo France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. D...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

9. Considérant en revanche qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et de M. D...une somme de 1 000 euros chacun au titre des frais exposés par la société Dulevo France et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : L'Etat et M. D...verseront à la société Dulevo France une somme de 1 000 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A...D..., au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la société Dulevo France.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2017 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

Mme C...et Mme Beytout, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 avril 2017.

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N° 15LY02014


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY02014
Date de la décision : 13/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: Mme Emilie BEYTOUT
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : GOSSIN HORBER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-04-13;15ly02014 ?
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