La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/2017 | FRANCE | N°15LY01744

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 11 avril 2017, 15LY01744


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 à 2011.

Par un jugement nos 1301762, 1301764 du 24 mars 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 mai 2015 et le 8 décembre 2016, M. et Mme B..., repr

sentés par Me A... de la société d'avocats CEFJ Labonne et associés, demandent à la cour :

1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 à 2011.

Par un jugement nos 1301762, 1301764 du 24 mars 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 mai 2015 et le 8 décembre 2016, M. et Mme B..., représentés par Me A... de la société d'avocats CEFJ Labonne et associés, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 24 mars 2015 ;

2°) de les décharger de ces impositions et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme B... soutiennent que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que l'administration n'a pas cru nécessaire de procéder à un contrôle de cohérence des données fournies par l'ancien employeur ;

Sur la régularité de la procédure :

- la proposition de rectification ne répond pas aux exigences de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales car l'administration n'est pas en mesure de justifier des modalités de détermination des bases imposées, ce qui contrevient aux principes de loyauté des débats et de la preuve tels qu'ils résultent de l'article 16 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'a procédé à aucune vérification des données mentionnées sur le tableau joint en annexe à cette proposition de rectification et n'a pas ainsi confronté les bases retenues aux bulletins de salaires de Mme B...qui indiquent ses dates de congé ; l'administration n'a pas fait connaître la méthode adoptée et les calculs effectués pour déterminer les bases d'imposition afin de leur permettre de les accepter ou de les discuter utilement ;

- il ne peut leur être reproché de ne pas avoir demandé communication des pièces ayant servi à l'étude comptable dont serait issu le tableau joint en annexe à la proposition de rectification dès lors que l'administration n'a pas utilisé ces documents et peut être même n'a pas recueilli ces documents ;

- il semble que l'administration disposait de documents ainsi que cela résulte du courrier de l'interlocuteur départemental du 11 mars 2013 qui lui auraient permis de déterminer leurs bases d'imposition avec une approximation suffisante ; l'administration n'a pas exploité l'ensemble des documents à sa disposition ;

Sur le bien-fondé des impositions :

- la méthode de l'administration ne consiste que dans la reprise d'une étude comptable de son employeur qu'elle n'a pas contrôlée ;

- les bases d'imposition sont exagérées ; le juge pénal a évalué pour l'ensemble de la période non prescrite le montant des détournements à 127 000 euros contre 230 819,61 euros retenus dans le tableau établi par la partie civile et cette dernière n'a pas fait appel de ce jugement.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 août 2015 et 12 janvier 2017, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'économie et des finances soutient que :

- les requérants ont été informés de la teneur et de l'origine des renseignements utilisés par l'administration ; ils ont eu accès dans le cadre de la procédure pénale à la totalité des pièces produites par le gérant de la société dont l'intégralité des rouleaux de caisse ; ils ont donc eu la possibilité de les contester ce qu'ils n'ont pas fait ;

- le moyen tiré de ce que la méthode contreviendrait aux principes de loyauté des débats et de preuve tels qu'ils résultent de l'article 16 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas assorti des précisions suffisantes et, en tout état de cause, est inopérant ;

- il incombe aux requérants d'établir le caractère exagéré des bases d'imposition dès lors que leurs impositions ont été évaluées d'office, en application des dispositions des articles L. 193 et R. 193 du livre des procédures fiscales ;

- les requérants n'apportent aucune preuve d'une sur-taxation ; les rehaussements effectués par l'administration fiscale n'ont pas à être limités au montant forfaitaire et global des dommages et intérêts mis à la charge de M. et Mme B...pour des faits d'abus de confiance par le tribunal correctionnel (TGI) de Clermont-Ferrand.

Par une ordonnance du 17 novembre 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 9 décembre 2016, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 9 décembre 2016 la clôture de l'instruction a été ré-ouverte.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mear, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public ;

1. Considérant que MmeB..., qui exerçait une activité de caissière dans une station service, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité dont il est résulté des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2007 à 2011 ; que ces rappels d'impôts ont été assortis, d'intérêts de retard et d'une pénalité de 40 % au titre des années 2007 à 2009 pour défaut de production de ses déclarations après mise en demeure et de 80 % pour exercice d'une activité occulte au titre des années 2010 et 2011, en application de l'article 1728 du code général des impôts ; que suite à l'exercice de son droit de communication auprès du procureur de la République du tribunal de grande-instance de Clermont-Ferrand, l'administration a imposé, selon la procédure d'évaluation d'office, M. et MmeB..., dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, sur des détournements de fonds et des vols de carburant effectués dans le cadre de l'exercice de l'activité professionnelle de MmeB... ; que M. et Mme B...relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 24 mars 2015 qui a rejeté leurs demandes tendant à la décharge de ces impositions ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que les requérants soutiennent que le tribunal a omis de statuer sur leur moyen tiré de ce que l'administration " n'a pas cru nécessaire de procéder à un simple contrôle de cohérence des données figurant dans le tableau fourni par l'ancien employeur " ; que cette argumentation invoquée à l'appui du moyen tiré de ce que l'administration aurait méconnu les exigences de motivation de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales était inopérante sur la régularité de la procédure d'imposition comme relevant d'une contestation du bien-fondé des impositions ; que, dès lors, les premiers juges n'étaient pas tenus d'y répondre et ont, au demeurant effectivement écarté cette argumentation comme inopérante ; que, par suite, le moyen tiré d'une omission à statuer doit être écarté ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. (...) " ;

4. Considérant que la proposition de rectification adressée à Mme B...le 26 septembre 2012 mentionne que M. et Mme B...sont imposables au titre des années 2007 à 2011 dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, en application de l'article 92 du code général des impôts, sur les produits résultant d'une activité illicite de détournement de fonds et de vol de carburant ; qu'elle indique que Mme B...n'ayant pu fixer l'importance de ces revenus, l'administration a évalué d'office ces revenus sur la base du chiffrage, établi par son employeur, des montants et litres de carburant détournés, obtenu dans le cadre de l'exercice du droit de communication diligenté le 25 février 2012 auprès du procureur de la République du tribunal de grande-instance de Clermont-Ferrand ; que cette proposition de rectification comporte ainsi en annexes, notamment, le tableau produit par l'employeur de Mme B...dans le cadre de l'instance pénale dont elle a fait l'objet, lequel mentionne les litres de carburant détournés et le montant correspondant au titre des mois d'octobre 2006 à mai 2012, un procès verbal " de renseignement judiciaire " du gérant du magasin de la grande surface dont dépend la station service, du 27 juin 2012, dont il résulte que ce tableau a été établi à partir de la comptabilité de la station service sur une durée de 67 mois et un tableau établi par l'administration récapitulant ces mêmes données au titre de la période litigieuse, soit au titre des années 2007 à 2011, pour fixer les montants imposables ; que, dans ces conditions, les requérants ont été suffisamment mis à même de discuter les montants imposés ; qu'ils ne peuvent utilement faire valoir que l'administration n'aurait pas vérifié et justifié les montants imposés en méconnaissance des principes de loyauté et de preuve, de tels moyens étant inopérants pour contester la régularité de la procédure d'imposition ; que, par suite, M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que la proposition de rectification du 26 septembre 2012 ne répond pas aux exigences de motivation fixées par l'article L. 76 du livre des procédures fiscales ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ;

6. Considérant que si les requérants font valoir que l'administration a eu " accès à l'ensemble des pièces de la procédure pénale " il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait fondé ses rectifications sur des pièces qu'elle n'aurait pas porté à la connaissance de M. et MmeB... ; que, par ailleurs, il n'est ni établi ni même allégué que ces derniers auraient sollicité en vain la communication de pièces qui auraient été retenues par le vérificateur pour l'établissement des impositions litigieuses ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. " ; qu'aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré " ;

8. Considérant que pour reconstituer les bénéfices non commerciaux générés par l'activité occulte de Mme B...pour les années en litige, l'administration fiscale, en l'absence de tout document ou pièce justificative relative à l'exercice de ladite activité, s'est fondée sur le tableau, établi par son employeur, chiffrant les montants et litres de carburant détournés à partir de la comptabilité de la station service, que l'administration a obtenu dans le cadre de l'exercice du droit de communication exercé le 25 février 2012 auprès du procureur de la République du tribunal de grande-instance de Clermont-Ferrand ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du courrier de l'interlocuteur départemental du 11 mars 2013, que, selon les pièces versées au dossier pénal, l'évaluation du préjudice a été opérée par l'ancien employeur de l'intéressée à partir du dépouillement des rouleaux de caisse et de la ligne " mouvements de stocks libre-service " lorsque cette ligne a été servie, alors que Mme B...se trouvait en caisse et qu'aucun technicien de maintenance ou de réparation n'était intervenu ; que, sous chaque ligne apparaissait sur les rouleaux de caisse édités quotidiennement l'heure de la transaction, la nature du carburant prélevé, son volume et son prix ; que, dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la méthode d'évaluation retenue par l'administration serait radicalement viciée ou présenterait un caractère excessivement sommaire ;

9. Considérant que si les requérants, à qui incombent d'établir le caractère exagéré du montant des impositions litigieuses, font valoir que les fiches de salaires de MmeB..., qui mentionnent ses dates de congés et de maladie, n'ont pas été confrontées aux bases d'imposition retenues, ils n'apportent aucune précision ni aucun commencement de preuve sur une éventuelle sur-taxation alors qu'ils étaient en mesure de le faire même si ces bases étaient fixées mensuellement dans la proposition de rectification ; que, par ailleurs, si les requérants font valoir qu'il y a lieu de faire application du jugement correctionnel du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand du 3 septembre 2012 en ce qu'il serait revêtu de l'autorité de la chose jugée, leur moyen doit être écarté dès lors que la somme à laquelle Mme B...est condamnée à verser pour faits d'abus de confiance et de vol correspond à des dommages et intérêts et ne porte pas sur la même période ; que les requérants, qui n'apportent aucune autre pièce que les fiches de paye de Mme B...et le jugement du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, n'établissent pas, par suite, que les impositions qu'ils contestent sont d'un montant exagéré ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme B... la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. et Mme B... et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2017 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Terrade, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 avril 2017.

2

N° 15LY01744

gt


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01744
Date de la décision : 11/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Établissement de l'impôt - Taxation d'office.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Josiane MEAR
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : CABINET CEJF- R. LABONNE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-04-11;15ly01744 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award