Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A...D..., épouseC..., a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du préfet de l'Allier du 21 mai 2015 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 1501400 du 4 novembre 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 24 novembre 2015, MmeC..., représentée par Me Arsac, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1501400 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 1er octobre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Allier du 21 mai 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Allier de délivrer le titre de séjour sollicité ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les décisions contestées ont été prises par une autorité incompétente ;
- le préfet de l'Allier ne pouvait retenir que M. C...ne disposait pas de ressources suffisantes au sens du 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il exerçait une activité professionnelle au sens du 1° de l'article L. 121-1 du même code ;
- son époux dispose de ressources suffisantes pour ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'Etat membre d'accueil, au sens des dispositions de l'article 7 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres et au sens des dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en tant qu'ascendant d'un citoyen de l'Union Européenne, les dispositions de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de l'article 7 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, lui confèrent un droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil ;
- ces décisions méconnaissent les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 février 2016, le préfet de l'Allier conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme C...n'est fondé.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 30 mars 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne ;
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les arrêts de la Cour de justice de l'Union Européenne C-413/99 du 17 septembre 2002, C- 200/02 du 19 octobre 2004, C-34/09 du 8 mars 2011, C-86/12 du 10 octobre 2013 ;
- la loi du n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu le rapport de M. Samuel Deliancourt, premier conseiller, au cours de l'audience publique ;
1. Considérant que MmeC..., ressortissante marocaine née le 23 mars 1972, qui déclare être entrée en France le 17 août 2013 avec ses deux enfants mineurs, munie d'un passeport marocain et d'une carte de ressortissant longue durée-CE italienne, a sollicité auprès des services de la préfecture de l'Allier la régularisation de sa situation administrative le 31 mars 2014 et la délivrance d'un titre de séjour en sa qualité de "membre de famille d'un citoyen européen", son époux, M.C..., entré en France le 8 juin 2013, ayant la nationalité italienne ; que Mme C...relève appel du jugement du 1er octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 1386/2015 du 21 mai 2015 par lequel le préfet de l'Allier a refusé de faire droit à sa demande et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;
Sur les conclusions à fins d'annulation :
2. Considérant que Mme C...qui a contracté mariage au Maroc le 4 juillet 2003 avec M. B...C..., ressortissant italien, soutient que son conjoint remplissait, à la date de cet arrêté, les conditions prévues au 1° et 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour bénéficier d'un droit de séjour ;
3. Considérant qu'en vertu de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. " ; qu'en vertu de l'article L. 121-4 de ce code, les membres de la famille d'un ressortissant de l'Union européenne qui ne peuvent justifier d'un droit au séjour en application l'article L. 121-3 ou dont la présence constitue une menace à l'ordre public peuvent faire l'objet d'un refus de délivrance d'une carte de séjour ainsi que d'une mesure d'éloignement ;
4. Considérant que le ressortissant d'un Etat tiers ne dispose d'un droit au séjour en France en qualité de conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne en application des dispositions combinées des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que dans la mesure où son conjoint remplit lui-même les conditions fixées au 1° ou au 2° de l'article L. 121-1 du même code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont alternatives et non cumulatives ; que s'agissant du 1°, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, doit être regardé comme travailleur, au sens du droit communautaire, toute personne qui exerce une activité réelle et effective, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'époux de M.C..., entré en France le 8 juin 2013, a travaillé en qualité d'intérimaire pour la société Acto Intérim du 1er décembre 2013 au 31 mars 2014, soit 127 heures en décembre 2013, puis 90 heures en janvier 2014, puis 111 heures en février 2014, puis 152 heures en mars 2014, avant d'être recruté sous contrat à durée déterminée du 10 mars 2014 au 30 septembre 2014 pour l'entreprise Bourrat Distribution SAS et encore pendant 10 jours au cours du début de l'année 2015, du 13 au 18 avril 2015 puis du 20 au 25 avril 2015, pour la société d'intérim CRIT au bénéfice de la société Keolis ; que s'il n'exerçait plus en effet d'activité professionnelle à la date de l'arrêté contesté du 21 mai 2015, M. C...doit cependant être regardé, en raison notamment du nombre d'heures mensuelles effectuées depuis son arrivée en France, et ce, indépendamment du niveau de rémunération, comme exerçant en France une activité professionnelle réelle et effective et, par suite, comme remplissant la condition prévue au 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que Mme C...est ainsi fondée à soutenir qu'elle remplissait les conditions prévues au 4° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour bénéficier d'un droit à séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois et qu'en lui opposant un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, le préfet de l'Allier a fait une inexacte application des dispositions précitées des articles L. 121-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Allier du 21 mai 2015 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant que le présent arrêt implique nécessairement, ainsi que le sollicite MmeC..., que le préfet de l'Allier réexamine sa situation personnelle ; qu'il y a lieu de lui enjoindre de statuer à nouveau sur la demande de titre de séjour de Mme C...dans un délai qu'il y a lieu de fixer à deux mois, et, dans l'attente, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que Mme C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Arsac de la somme de 1 000 euros, sous réserve celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 4 novembre 2015 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de l'Allier du 21 mai 2015 portant refus de délivrer un titre de séjour à Mme C...et l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Allier d'instruire à nouveau la demande d'admission au séjour de Mme C...dans un délai de deux mois et, dans l'attente de sa décision, de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera à Me Arsac la somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation de sa part à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C...est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., à Me Arsac et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Allier.
Délibéré après audience du 14 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Hervé Drouet, président de la formation de jugement,
- Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller,
- M. Samuel Deliancourt, premier conseiller.
Lu en audience publique le 4 avril 2017.
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N° 15LY03706
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