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30/03/2017 | FRANCE | N°15LY01780

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 30 mars 2017, 15LY01780


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Chabert Marillier Production a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions des 28 mars 2013 et 2 octobre 2013 par lesquelles l'inspecteur du travail de la 6ème section de l'unité territoriale de Saône-et-Loire et le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ont refusé d'autoriser le licenciement pour motif économique de M. A...B....

Par un jugement n° 1303190 du 26 mars 2015, le tribunal administratif de Dijon a rejeté

cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 22 m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Chabert Marillier Production a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions des 28 mars 2013 et 2 octobre 2013 par lesquelles l'inspecteur du travail de la 6ème section de l'unité territoriale de Saône-et-Loire et le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ont refusé d'autoriser le licenciement pour motif économique de M. A...B....

Par un jugement n° 1303190 du 26 mars 2015, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 22 mai 2015, la société Chabert Marillier Production, représentée par Me Meunier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon du 26 mars 2015 ;

2°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 28 mars 2013 et la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 2 octobre 2013 ;

3°) d'enjoindre au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social de prendre une nouvelle décision dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient :

- que la décision de l'inspectrice du travail est entachée d'une erreur de fait, dès lors que le poste occupé par M. B...a été effectivement supprimé ;

- qu'elle a satisfait à ses obligations en matière de recherche de reclassement, dès lors qu'aucune disposition légale n'oblige l'employeur à attendre la réponse du salarié sur les propositions de reclassement avant d'engager une procédure de licenciement, qu'elle a procédé à un examen individuel des possibilités de reclassement en présentant une liste de postes à M. B... dans les diverses filiales du groupe et que le comité d'établissement a pu se prononcer sur l'examen des possibilités de reclassement de M.B... ;

- que ni les conditions d'évaluation des qualités professionnelles des salariés ni la proportion de représentants du personnel parmi le personnel licencié ni l'existence d'un climat conflictuel entre les représentants du personnel et les représentants de la direction de l'entreprise ne permettent de démontrer un lien entre la procédure de licenciement engagée et le mandat de M.B....

Par un mémoire en défense enregistré le 11 juillet 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que la société Chabert Marillier Production n'a pas respecté son obligation légale de reclassement dès lors, d'une part, qu'elle n'a pas procédé à des recherches sérieuses et individualisées de reclassement et, d'autre part, qu'elle n'a pas proposé des offres de reclassement individualisées.

Un mémoire, enregistré le 13 juillet 2016, a été présenté par M.B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beytout, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me Meunier, avocat de la société Chabert Marillier Production.

1. Considérant que M. B...a été recruté le 2 juin 1997 par la société Chabert Marillier Production en qualité d'agent de chargement ; qu'il était membre titulaire du comité d'établissement et délégué du personnel sur le site de Saint-Rémy depuis le 4 juillet 2011 et également membre titulaire du comité central d'entreprise depuis le 21 septembre 2011 ; que le 1er février 2013, la société Chabert Marillier Production a sollicité l'autorisation de le licencier pour motif économique ; que par une décision du 28 mars 2013, l'inspecteur du travail de la 6ème section de l'unité territoriale de Saône-et-Loire a refusé d'accorder l'autorisation sollicitée ; que le 27 mai 2013, la société Chabert Marillier Production a formé un recours hiérarchique auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, qui a confirmé la décision de l'inspecteur du travail par une décision du 2 octobre 2013 ; que la société Chabert Marillier Production relève appel du jugement du 26 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

3. Considérant que pour refuser l'autorisation sollicitée, l'inspecteur du travail s'est fondé, en premier lieu, sur l'irrégularité de la procédure, tenant à l'engagement précipité de la procédure de licenciement et au défaut de consultation du comité d'établissement sur les offres de reclassement, en deuxième lieu, sur l'absence de matérialité de la suppression du poste de M. B..., en troisième lieu, sur le non respect par la société de ses obligations en matière de reclassement et, en quatrième lieu, sur l'existence d'un lien entre les fonctions représentatives de l'intéressé et le licenciement envisagé ; que le ministre du travail n'a, quant à lui, retenu que le non respect par la société de ses obligations en matière de reclassement ;

Sur la régularité de la procédure de licenciement :

4. Considérant, en premier lieu, qu'il incombe à l'entreprise qui envisage de licencier un salarié protégé pour un motif de caractère économique de ne solliciter l'autorisation de licenciement auprès de l'inspecteur du travail qu'après l'expiration du délai imparti au salarié pour se prononcer sur les offres de reclassement ; que toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que l'entretien préalable au licenciement se tienne avant l'expiration de ce délai ; que, par suite, c'est à tort que l'inspecteur du travail s'est fondé sur ce motif pour prendre la décision de refus en litige ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement (...) " ; que si, lors de sa consultation sur le licenciement envisagé, le comité d'entreprise doit être mis à même de discuter des possibilités de reclassement du salarié dont le licenciement est envisagé, ces dispositions n'imposent toutefois pas que le comité d'entreprise discute effectivement des possibilités de reclassement de l'intéressé ; que, par suite, en retenant une irrégularité à ce titre, alors qu'il ressort des pièces du dossier que la convocation à la réunion du comité d'établissement du 18 janvier 2013 comportait en annexe les offres de reclassement faites à M.B..., l'inspecteur du travail a commis une erreur de droit ; que ce motif doit donc être censuré ;

Sur la réalité de la suppression du poste :

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que plusieurs postes d'agents de production, catégorie dont fait partie M.B..., ont été supprimés ; que si M. B...était le seul salarié à exercer des fonctions de cariste, un autre salarié de l'établissement de Saint-Rémy était titulaire du certificat d'aptitude à la conduite en sécurité et deux formations de caristes étaient prévues en 2013 ; que dans ces conditions, et dès lors que les tâches correspondantes au poste de M. B...pouvaient être effectivement confiées à d'autres salariés, c'est à tort que l'inspecteur du travail a retenu le motif tiré de l'absence de suppression effective du poste de M. B...pour refuser l'autorisation sollicitée ;

Sur l'existence d'un lien avec le mandat :

7. Considérant que l'inspecteur du travail, pour identifier l'existence d'un lien entre le mandat de M. B...et le licenciement envisagé, a retenu l'existence d'une situation conflictuelle entre les représentant de la direction et les représentants du personnel, une application peu transparente des critères d'ordre des licenciements et une proportion anormale de représentants du personnel parmi les salariés licenciés au sein du secteur "cellule" ;

8. Considérant, en premier lieu, que la circonstance que le comité central d'entreprise dont fait partie M. B...a introduit une demande en référé devant le tribunal de grande instance de Chalon-sur-Saône, tendant à faire suspendre la procédure de licenciement collectif pour motif économique, ne démontre pas l'existence d'une situation conflictuelle préexistante entre la direction de l'entreprise et les représentants du personnel ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'en cas de licenciement collectif, la proportion de représentants du personnel par rapport à l'ensemble des salariés licenciés doit s'apprécier à l'échelle de l'entreprise et non par secteur ; qu'en l'espèce, il ressort des statistiques fournies par l'entreprise et non contestées en défense qu'alors que les suppressions de poste concernaient 42 postes, soit 28 % des effectifs de l'entreprise, seuls quatre salariés protégés étaient concernés, parmi les 25 que compte l'entreprise, soit 16 % des salariés protégés de l'entreprise ; que, par suite, les salariés protégés ne représentaient pas une proportion anormale des personnels visés par les suppressions de postes ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la place de M. B...dans l'ordre des licenciements établi par la société Chabert Marillier ou l'application qui lui a été faite des critères en fonction desquels cet ordre a été défini, et sur la validité desquels il n'appartient pas à l'autorité administrative de se prononcer, ait été en rapport avec l'exercice du mandat dont l'intéressé était investi ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le motif retenu par l'inspecteur du travail et tiré de l'existence d'un lien entre le mandat détenu par M. B...et le licenciement envisagé doit être censuré ;

Sur le respect des obligations en matière de reclassement :

12. Considérant qu'au titre de son obligation de reclassement, l'employeur doit, d'une part, procéder à une recherche individualisée des possibilités de reclassement au sein de l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière et, d'autre part, s'efforcer de proposer au salarié des offres de reclassement écrites, précises et personnalisées, portant, si possible, sur un emploi équivalent ;

13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Chabert Marillier Production s'est bornée à adresser des courriers types identiques aux entreprises du groupe, afin de recenser les postes vacants dans ces entreprises ; que ces courriers, dont seule une partie mentionnait les postes devant être supprimés, n'indiquaient ni l'identité ni les qualifications professionnelles des salariés concernés par les licenciements envisagés ; qu'en outre, elle a communiqué à M. B...une liste d'emplois vacants dans le groupe, dont certains ne correspondaient manifestement pas à ses compétences puisqu'il s'agissait de postes de commerciaux pour lesquels une expérience préalable était requise ; que, par suite, la société Chabert Marillier Production ne peut être regardée comme ayant satisfait à l'obligation qui lui incombait de procéder à un examen particulier des possibilités de reclassement de M. B... ;

14. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'inspecteur du travail aurait pris la même décision en retenant ce seul motif, qui est d'ailleurs l'unique motif retenu par le ministre du travail pour confirmer sa décision ; que, par suite, la société Chabert Marillier Production n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail, ni celle de la décision du ministre du travail ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Chabert Marillier Production n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions accessoires à fin d'injonction et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Chabert Marillier Production est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Chabert Marillier Production, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 9 mars 2017 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

Mme C...et Mme Beytout, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 30 mars 2017.

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N° 15LY01780


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01780
Date de la décision : 30/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: Mme Emilie BEYTOUT
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : ADIDA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-03-30;15ly01780 ?
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