Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 4 août 2014 par laquelle le directeur général de Nièvre Habitat - Office public de l'habitat de la Nièvre l'a radié des cadres de la fonction publique territoriale à compter de cette même date pour abandon de poste, d'enjoindre sous astreinte au même directeur général de le réintégrer, de condamner sous astreinte cet office public de l'habitat à lui payer ses traitements et primes à compter du 4 août 2014 et de mettre à la charge de Nièvre Habitat - Office public de l'habitat de la Nièvre une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1402979 du 10 décembre 2015, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 février 2016 et le 12 octobre 2016, M. A... B..., représenté par la société d'avocats Elexia Associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1402979 du tribunal administratif de Dijon du 10 décembre 2015 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 4 août 2014 par laquelle le directeur général de Nièvre Habitat - Office public de l'habitat de la Nièvre l'a radié des cadres de la fonction publique territoriale à compter de cette même date pour abandon de poste ;
3°) d'enjoindre au même directeur général de le réintégrer à la date du 4 août 2014, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de condamner Nièvre Habitat - Office public de l'habitat de la Nièvre à lui payer ses traitements et primes à compter du 4 août 2014, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de Nièvre Habitat - Office public de l'habitat de la Nièvre une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable, dès lors qu'elle comporte des critiques du jugement attaqué ;
- la décision en litige est entachée de vice de procédure, dès lors que le courrier recommandé du 21 juillet 2014, le mettant en demeure de reprendre ses fonctions le 4 août 2014, ne prenait pas en compte le délai de garde par le service postal en cas d'absence du destinataire lors de la présentation à son domicile ;
- il n'a pas reçu, préalablement à la mise en demeure, un courrier l'informant de l'irrégularité de sa situation et l'invitant à reprendre ses fonctions ;
- l'administration n'a pas observé un délai suffisant et raisonnable entre la mise en demeure qui lui a été faite de reprendre ses fonctions et la décision de radiation des cadres ;
- il a été convoqué pour la visite médicale en même temps que pour la reprise du travail, en deux lieux différents ;
- il ne se trouvait pas en situation d'abandon de poste au 4 août 2014, dès lors qu'il a produit un avis d'arrêt de travail jusqu'au 7 octobre 2014 daté du 1er août 2014 et notifié le 4 août 2014 à son administration ;
- la décision en litige est entachée de détournement de pouvoir et de procédure, dès lors que l'administration a eu pour but de le radier des cadres le plus rapidement possible sans le faire bénéficier des garanties de la procédure disciplinaire ;
- il a droit à être indemnisé de la perte de ses traitements et primes à compter du 4 août 2014, date d'effet de la décision litigieuse de radiation des cadres, alors qu'il n'a perçu aucune ressource ni rémunération à partir de cette date.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2016, Nièvre Habitat - Office public de l'habitat de la Nièvre, représenté Me Poujade, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable, dès lors qu'elle ne comporte aucune critique du jugement attaqué ;
- les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.
Un mémoire, enregistré le 8 novembre 2016 et présenté pour Nièvre Habitat, n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hervé Drouet, président-assesseur,
- les conclusions de M. Marc Clément, rapporteur public,
- et les observations de Me Poujade, avocat, pour Nièvre Habitat - Office public de l'habitat de la Nièvre ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 mars 2017, présentée pour Nièvre Habitat - Office public de l'habitat de la Nièvre ;
Sur la recevabilité de la requête :
1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. " ;
2. Considérant que le mémoire introductif d'appel de M. B... ne constitue pas la reproduction littérale de sa demande de première instance, mais énonce à nouveau, de manière précise, les moyens dirigés contre la décision administrative en litige ; qu'une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir opposée par l'intimé et tirée du défaut de motivation de la requête doit être écartée ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué et la légalité de la décision en litige :
3. Considérant qu'une radiation des cadres pour abandon de poste ne peut légalement intervenir que si l'agent concerné, ayant cessé sans justification d'exercer ses fonctions, n'a pas obtempéré à une mise en demeure de reprendre son travail ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 15 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Pour bénéficier d'un congé de maladie ainsi que de son renouvellement, le fonctionnaire doit obligatoirement et au plus tard dans un délai de quarante-huit heures adresser à l'autorité dont il relève un certificat d'un médecin ou d'un chirurgien-dentiste. / L'autorité territoriale peut faire procéder à tout moment à la contre-visite du demandeur par un médecin agréé ; le fonctionnaire doit se soumettre, sous peine d'interruption du versement de sa rémunération, à cette contre-visite. / Le comité médical compétent peut être saisi, soit par l'autorité territoriale, soit par l'intéressé, des conclusions du médecin agréé. " ; que l'agent, placé de plein droit en congé de maladie dès la demande qu'il a formulée sur le fondement d'un certificat médical, demeure en situation régulière tant que l'administration n'a pas contesté le bien-fondé de ce congé ;
5. Considérant que si, par lettre du 21 juillet 2014, le directeur général de Nièvre Habitat - Office public de l'habitat de la Nièvre a mis en demeure M. B..., adjoint administratif territorial de deuxième classe au sein de cet établissement public, de reprendre ses fonctions le 4 août 2014, il ressort des pièces du dossier de première instance qu'à compter du vendredi 1er août 2014, cet agent bénéficiait d'un certificat médical d'arrêt de travail délivré pour la période du 1er août 2014 au 7 octobre 2014 et notifié à l'administration le lundi 4 août 2014 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cet arrêt de travail aurait été contesté par l'administration selon la procédure de contre-visite prévue par les dispositions précitées de l'article 15 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; que M. B..., placé de plein droit en congé de maladie en vertu de ce certificat médical d'arrêt de travail, ne pouvait, dès lors, en l'absence de contestation du bien-fondé de ce certificat selon la procédure requise, être regardé comme se trouvant en situation d'absence irrégulière à la date à laquelle il a été radié des cadres ; que, dans ces conditions, le directeur général de Nièvre Habitat - Office public de l'habitat de la Nièvre ne pouvait, par sa décision contestée du 4 août 2014, radier légalement des cadres l'intéressé pour abandon de poste ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de légalité de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;
8. Considérant que l'annulation de la décision du 4 août 2014 par laquelle le directeur général de Nièvre Habitat - Office public de l'habitat de la Nièvre a radié M. B... des cadres de la fonction publique territoriale à compter de cette même date pour abandon de poste implique nécessairement que l'intéressé soit réintégré juridiquement dans les effectifs de cet office public de l'habitat avec effet au 4 août 2014 ; qu'il y a lieu pour la cour d'ordonner au directeur général de Nièvre Habitat - Office public de l'habitat de la Nièvre de procéder à cette réintégration dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par M. B... ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation sous astreinte :
9. Considérant qu'en radiant des cadres M. B... alors qu'il ne se trouvait pas en situation d'abandon de poste, Nièvre Habitat - Office public de l'habitat de la Nièvre a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
10. Considérant qu'en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ; que sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité ; que, pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions ; qu'enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction ;
11. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des bulletins de rémunération de juin et de juillet 2014 produits en appel par M. B..., que, du fait de son éviction illégale par décision du 4 août 2014 avec effet à la même date, l'intéressé a subi à partir de cette date une perte mensuelle de rémunération nette de 639,56 euros comprenant son demi-traitement et l'indemnité d'exercice des missions d'adjoint administratif de deuxième classe, alors qu'il résulte de l'instruction, qu'en l'absence d'éviction illégale, il aurait eu une chance sérieuse de bénéficier de cette indemnité ; qu'ainsi, n'ayant pas été réintégré, il a subi une perte de rémunération d'un montant total de 20 465,92 euros pour la période de trente-deux mois, d'août 2014 à mars 2017 ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des bulletins de rémunération de décembre 2012, de décembre 2013 et d'août 2014 produits en appel par M. B..., qu'il a perçu une prime de rendement, d'un montant de 984,71 euros en 2012 et en 2013 et d'un montant de 298,61 euros seulement en août 2014 du fait de sa radiation des cadres intervenue le 4 août 2014 ; qu'il résulte de l'instruction, qu'en l'absence d'éviction illégale, il aurait eu une chance sérieuse de bénéficier en 2014, en 2015 et en 2016 d'un montant de 984,71 euros de cette prime de rendement qui n'est pas destinée à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions ; qu'ainsi, l'intéressé a été illégalement privé de la somme de 1 969,42 euros correspondant à la prime de rendement cumulée au titre de 2015 et de 2016 et de la somme de 686,10 euros correspondant, au titre de la prime de rendement de 2014, à la différence entre la somme de 984,71 euros et celle de 298,61 euros effectivement perçue ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il ait perçu un quelconque revenu lié au travail postérieurement à son éviction ; que, dans ces conditions, M. B... a droit à une indemnité de 23 121,44 euros en réparation de la perte totale de rémunération subie d'août 2014 à mars 2017 ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette condamnation du délai et de l'astreinte demandés par M. B... ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que Nièvre Habitat - Office public de l'habitat de la Nièvre demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Nièvre Habitat - Office public de l'habitat de la Nièvre une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1402979 du 10 décembre 2015 du tribunal administratif de Dijon et la décision du 4 août 2014 du directeur général de Nièvre Habitat - Office public de l'habitat de la Nièvre radiant M. B... des cadres de la fonction publique territoriale sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au directeur général de Nièvre Habitat - Office public de l'habitat de la Nièvre de réintégrer juridiquement M. B... dans les effectifs de cet office public de l'habitat à compter du 4 août 2014 dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Nièvre Habitat - Office public de l'habitat de la Nièvre est condamné à payer à M. B... une indemnité de 23 121,44 euros (vingt-trois mille cent vingt-et-un euros et quarante-quatre centimes).
Article 4 : Nièvre Habitat - Office public de l'habitat de la Nièvre versera à M. B... une somme de 1 500 (mille cinq cent) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Sont rejetés le surplus des conclusions de la requête de M. B... et les conclusions de Nièvre Habitat - Office public de l'habitat de la Nièvre présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et à Nièvre Habitat - Office public de l'habitat de la Nièvre.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Hervé Drouet, président de la formation de jugement,
- Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller,
- M. Samuel Deliancourt, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 mars 2017.
7
N° 16LY00507