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07/02/2017 | FRANCE | N°15LY01125

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 07 février 2017, 15LY01125


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de leur accorder la réduction de l'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 à hauteur de 12 014 euros.

Par un jugement n° 1202277 du 2 février 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 31 mars 2015, M. et Mme C..., représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribu

nal administratif de Grenoble, en date du 2 février 2015 ;

2°) de leur accorder la réduction de l'impo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de leur accorder la réduction de l'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 à hauteur de 12 014 euros.

Par un jugement n° 1202277 du 2 février 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 31 mars 2015, M. et Mme C..., représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble, en date du 2 février 2015 ;

2°) de leur accorder la réduction de l'imposition contestée d'un montant en droits de 12 014 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les modalités d'exercice du prélèvement forfaitaire libératoire ne respectent pas l'égalité des contribuables devant l'impôt, pour des contribuables qui ne sont concernés par la fiscalité qu'au moment de l'établissement de la déclaration de l'impôt sur le revenu, en ce que l'option pour ce prélèvement, qui vise des revenus déterminés, pratiquée à leur insu par la banque, sur un revenu négligeable, a conduit à la perte du bénéfice de l'abattement de 40 % de droit commun applicable sur les autres dividendes perçus au cours de la même année civile pour lesquels aucune option n'aurait été pratiquée ;

- ces modalités conduisent à fixer des délais incompatibles avec l'annualisation de l'impôt sur le revenu, privant le contribuable qui aurait opté à son insu pour le prélèvement forfaitaire libératoire, sur des dividendes spécifiques, des abattements prévus par le code général des impôts pour les revenus de même nature versés par d'autres établissements ;

- aucune disposition légale n'oblige les contribuables à choisir le régime pour l'année entière alors que c'est au niveau de chacune des distributions que le choix doit pouvoir être effectué ;

- s'ils ont opté pour le prélèvement forfaitaire libératoire pour un faible montant, c'est parce qu'ils ignoraient percevoir plus tard le boni de liquidation provenant de la société dans laquelle ils exerçaient leur activité professionnelle ; cette sanction est contradictoire avec le caractère irrévocable de l'option pour le prélèvement forfaitaire libératoire ;

- l'exclusion prévue par le f du 3° du 3 de l'article 158 du code général des impôts est incompréhensible, si bien que cet article ne peut avoir la portée résultant de l'interprétation faite de ces dispositions par l'administration ; ce texte ne vise forcément que les revenus visés ou concernés par l'option de l'article 117 quater du code général des impôts et ne peut écarter définitivement l'application des abattements de droit commun en fonction du titulaire des revenus, sauf à permettre à celui-ci de bénéficier du prélèvement forfaitaire libératoire sur les autres revenus quel que soit leur montant ; dans un domaine comparable, il a été jugé que les dispositions de l'article 41 duodecies E de l'annexe III du code général des impôts ajoutaient à la loi ; les conséquences de l'option ne sont pas compatibles avec la composition des foyers fiscaux ; une telle disposition est incompatible avec la Constitution ;

- à l'appui de leur requête, M. et Mme C...demandent à la cour de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 158-3 3° f du code général des impôts dans sa rédaction résultant de l'article 10 de la loi de finances n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 ; ils soutiennent que le législateur a mis en place une restriction qui rompt le principe d'égalité devant la loi et les charges publiques garanti par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

Par un mémoire distinct, enregistré les 1er et le 3 avril 2015, M. et MmeC..., représentés par MeA..., demandent à la Cour, à l'appui de leur requête tendant à l'annulation du jugement n° 1202277 du tribunal administratif de Grenoble du 2 février 2015, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 158-3 3° f du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi de finances n° 2007-1822 du 24 décembre 2007.

M. et Mme C...soutiennent que le législateur a mis en place une restriction qui rompt l'égalité devant l'impôt dont le principe est garanti par les articles 6 et 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Par un mémoire enregistré le 30 avril 2015, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour de surseoir à statuer et conclut au rejet de la question prioritaire de constitutionnalité.

Le ministre soutient que la question de la constitutionnalité des dispositions de l'article 117 quater du code général des impôts a déjà été posée et que la question de la constitutionnalité du f du 3° du 3 de l'article 158 du code général des impôts a été renvoyée devant le Conseil constitutionnel par décision du Conseil d'Etat n° 384972 du 10 avril 2015.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 19 mai 2015, M. et Mme C...concluent aux mêmes fins que le mémoire susvisé par les mêmes moyens et soutiennent en outre que la saisine du Conseil constitutionnel ne doit faire obstacle à la transmission d'une seconde question prioritaire de constitutionnalité que si les moyens sont identiques à ceux formés à l'appui de la première question pendante devant le Conseil constitutionnel.

Par une ordonnance du 20 mai 2015, le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté la demande de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité visant les dispositions du f du 3° du 3 de l'article 158 du code général des impôts, déjà saisie de cette question qu'il a renvoyée au Conseil constitutionnel, et prononcé le sursis à statuer sur les conclusions de la requête jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel se soit prononcé sur la question de constitutionalité soulevée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre expose qu'il résulte clairement des dispositions de l'article 117 quater et de l'article 153 3 3° f du code général des impôts que le contribuable qui a opté pour le prélèvement forfaitaire libératoire de l'impôt sur le revenu pour une partie de ses revenus de capitaux mobiliers perd le bénéfice de l'abattement de 40 % pour les autres revenus qu'il a entendu soumettre à l'imposition selon le barème progressif et que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par une décision du 26 juin 2015 n°2015-473 QPC, le Conseil constitutionnel a conclu que l'article 158 3 3° f du code général des impôts n'était pas contraire au principe d'égalité devant la loi.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-3 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 ;

- la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-473 QPC du 26 juin 2015 statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et MmeB... ;

- la décision du Conseil d'Etat n° 356227 du 28 mars 2012 ;

- la décision du Conseil d'Etat n° 384972 du 10 avril 2015 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et MmeB... ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public ;

1. Considérant que, par des réclamations présentées le 8 septembre 2011 et le 7 février 2012, M. et Mme C...ont contesté auprès de l'administration fiscale le montant de l'impôt sur le revenu mis à leur charge au titre de l'année 2010, en demandant que l'abattement de 40 % prévu par les dispositions du 2° du 3 de l'article 158 du code général des impôts soit appliqué aux dividendes d'un montant de 63 957 euros qui leur ont été versés en 2010 par l'Eurl Gaidet ; que, par deux décisions du 9 septembre 2011 et du 8 mars 2012, l'administration fiscale a rejeté leur demande au motif qu'ils ne pouvaient en bénéficier ayant exercé une option pour l'application du prélèvement forfaitaire libératoire prévu par les dispositions de l'article 117 quater du code général des impôts lors de la perception de produits de placement au cours de la même année ; que, par le jugement attaqué du 2 février 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. et Mme C... tendant à la réduction de leur impôt sur le revenu au titre de l'année 2010 par l'application de l'abattement de 40 % aux dividendes perçus exclus du bénéfice de cet abattement par l'option pour le prélèvement forfaitaire libératoire exercée sur une partie d'autres revenus de capitaux mobiliers perçus la même année en application des dispositions combinées de l'article 117 quater et de l'article 158 3 3° f du code général des impôts ; que, par la présente requête, M. et Mme C... relève appel de ce jugement et ont, par mémoire distinct sollicité la transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 158-3 3° f du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi de finances n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 ; que, par une ordonnance du 20 mai 2015, le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté leur demande de transmission de cette question au Conseil d'Etat au motif que, si elle présentait un caractère sérieux, cette même question avait fait l'objet d'un renvoi au Conseil constitutionnel par une décision du Conseil d'Etat n° 384972 du 10 avril 2015 ; que le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur cette question par la décision n° 2015-473 QPC du 26 juin 2015 ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 117 quater du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " I. 1. Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B qui bénéficient de revenus éligibles à l'abattement prévu au 2° du 3 de l'article 158 peuvent opter pour leur assujettissement à un prélèvement au taux de 18 %, qui libère les revenus auxquels il s'applique de l'impôt sur le revenu. Pour le calcul de ce prélèvement, les revenus mentionnés au premier alinéa sont retenus pour leur montant brut. (...) II. (...) L'option pour le prélèvement est exercée par le contribuable au plus tard lors de l'encaissement des revenus ; elle est irrévocable pour cet encaissement (...) " ; que, selon les dispositions de l'article 158 du même code : " 1. Les revenus nets des diverses catégories entrant dans la composition du revenu net global sont évalués d'après les règles fixées aux articles 12 et 13 et dans les conditions prévues aux 2 à 6 ci-après, sans qu'il y ait lieu de distinguer suivant que ces revenus ont leur source en France ou hors de France. (...) 3. (...) 2° Les revenus mentionnés au 1° distribués par les sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés ou d'un impôt équivalent ou soumises sur option à cet impôt, ayant leur siège dans un Etat de la Communauté européenne ou dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur les revenus et résultant d'une décision régulière des organes compétents, sont réduits, pour le calcul de l'impôt sur le revenu, d'un abattement égal à 40 % de leur montant brut perçu. (...) 3° Les dispositions du 2° ne s'appliquent pas : (...) f. lorsque, au cours de la même année, le contribuable a perçu des revenus sur lesquels a été opéré le prélèvement prévu à l'article 117 quater (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions combinées, d'une part, que l'option exercée lors de l'encaissement visant à soumettre tout ou partie des revenus mobiliers au prélèvement libératoire est irrévocable et, d'autre part, que l'option pour le prélèvement libératoire exclut l'application des abattements d'assiette y compris sur les autres revenus de capitaux mobiliers perçus la même année et imposables à l'impôt sur le revenu au barème progressif ;

3. Considérant qu'il est constant que M. et Mme C... ont opté pour le prélèvement forfaitaire libératoire égal à 18 % prévu par l'article 117 quater du code général des impôts lors de l'encaissement de produits de placement d'un montant de 401 euros versés par la banque de Savoie au cours de l'année 2010 ; que, sur le fondement du f du 3° du 3 de l'article 158 du code général des impôts, l'exercice de cette option a conduit à exclure l'application, sur les autres revenus distribués encaissés la même année, de l'abattement de 40 % prévu par le 2° du 3 de l'article 158 du code général des impôts alors qu'ils ont, par ailleurs, bénéficiés de revenus d'actions et de parts sociales ouvrant théoriquement droit à cet abattement ; que l'administration fiscale en application des dispositions précitées leur a refusé l'application de l'abattement de 40 % sur ces derniers revenus de capitaux mobiliers au motif qu'ils avaient opté pour le prélèvement forfaitaire libératoire sur d'autres revenus distribués ; que les requérants soutiennent que les dispositions du f de l'article 158-3 3° du code général des impôts ne peuvent avoir pour effet de priver les contribuables ayant opté pour le prélèvement prévu à l'article 117 quater du code général des impôts, du bénéfice, sur les autres revenus de capitaux mobiliers encaissés, de l'abattement de 40 % prévu au 2° du 3 de l'article 158 du code général des impôts sans porter atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques ; qu'ils soulèvent ainsi un unique moyen tiré de l'inconstitutionnalité des dispositions du f du 3° du 3 de l'article 158 du code général des impôts issues de la loi de finances pour l'année 2009 ;

4. Considérant, toutefois, que dans sa décision n° 2015-473 QPC du 26 juin 2015, le Conseil constitutionnel a jugé ces dispositions conformes à la Constitution, sous réserve qu'elles ne fassent pas obstacle à l'application de l'abattement prévu par le 2° du 3 de l'article 158 du code général des impôts à ceux des revenus de capitaux mobiliers soumis au barème de l'impôt sur le revenu dû en 2013 au titre de l'année 2012 nonobstant la perception d'autres revenus sur lesquels a été opéré en 2012 le prélèvement prévu à l'article 117 quater du même code ;

5. Considérant que les revenus concernés au cas d'espèce sont intervenus en 2010, soit antérieurement à l'année 2012 ; qu'ils ne relèvent donc pas de la réserve d'interprétation du Conseil Constitutionnel qui concerne l'année 2012 ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... C...et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2017, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Terrade, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 février 2017.

2

N° 15LY01125


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01125
Date de la décision : 07/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Détermination du revenu imposable.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Établissement de l'impôt - Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TERRADE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : SOCIETE FISCALYS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-02-07;15ly01125 ?
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