Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Wasso services a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les contrats relatifs au lot n° 4 " plâtrerie-peinture " (secteurs nord et sud) et au lot n° 10 " sols souples " (secteurs nord et sud) du marché public de travaux de réparations courantes du parc social locatif de l'office public d'habitation de Vienne, dénommé Advivo, et de condamner Advivo à lui verser, en réparation du préjudice subi du fait de son éviction du marché, une somme de 41 000 euros, au titre de la première année, et la même somme au titre de chaque année de reconduction des contrats.
Par un jugement n° 1306872 du 10 novembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de la société Wasso services.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 6 janvier 2016, la société Wasso services, représentée Me Bracq, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 novembre 2015 ;
2°) d'annuler le marché public de travaux litigieux pour les lots nos 4 et 10 ;
3°) de condamner Advivo à lui verser la somme de 164 000 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts ;
4°) de mettre à la charge d'Advivo la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- sa demande de première instance est recevable dès lors qu'elle justifie de sa qualité de concurrent évincé, que le délai de recours n'a pas pu commencer à courir avant le 22 octobre 2013, et, qu'en tout état de cause, en l'absence de mesures de publicité appropriées, le délai de recours contentieux n'avait pas commencé à courir ; à titre subsidiaire, sa demande indemnitaire est recevable ;
- Advivo a méconnu le principe de transparence des procédures résultant de l'article 6 de l'ordonnance du 6 juin 2005 et a également méconnu les articles 24 et 46 du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 dès lors qu'elle n'a pas eu communication des motifs du rejet de son offre portant sur le lot n° 10 " sols souples " ;
- c'est à tort que son offre relative au lot n° 10 a été regardée comme irrégulière pour défaut de signature, alors qu'elle avait été signée électroniquement et transmise dans le délai imparti par dématérialisation et que son offre relative au lot plâtrerie, transmise par le même procédé, a été, pour sa part, analysée ;
- Advivo a méconnu le principe d'égalité de traitement des candidats et celui d'intangibilité des offres en l'invitant à l'occasion d'une conversation électronique à modifier son offre contre son intérêt, alors qu'aucune erreur ou imprécision n'entachait son offre initiale ; le principe d'intangibilité des offres a été méconnu ;
- le sort réservé à ses offres est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; s'agissant du lot n° 10 " sols souples ", Advivo n'a pas analysé son offre et l'a considérée à tort comme irrégulière pour défaut de signature, alors qu'Advivo avait accepté la dématérialisation de la procédure ; s'agissant du lot n° 4 " plâtrerie peinture ", Advivo a fondé sa note technique de 8 sur 40 sur une analyse partielle des moyens humains et matériels, n'a pas pris en compte ses horaires d'ouverture et a trop sévèrement noté son délai d'intervention de 48 heures ;
- ces illégalités engagent la responsabilité de l'administration, constituant des fautes qui ont conduit au rejet de ses offres ; son préjudice doit être évalué à 41 000 euros par année d'exécution du contrat, au regard de son bénéfice net moyen de 8,2 %.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2016, l'office public de l'habitat de Vienne, dénommé Advivo, représenté par MeC..., demande à la cour :
- à titre principal, de rejeter la requête ;
- à titre subsidiaire, de tenir compte de l'intérêt général tenant à la continuation des services publics, si la cour devait constater une irrégularité entachant la procédure de mise en concurrence, et de limiter sa condamnation à 2 614,89 euros ;
- de mettre à la charge de la société Wasso services une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'établissement public Advivo soutient que :
- la demande de première instance de la société Wasso services est irrecevable dès lors qu'elle n'a pas été informée par ladite société du référé précontractuel engagé contre la procédure de passation du marché litigieux, qui a été régulièrement signé le 14 octobre 2013, soit plus de deux mois avant sa contestation ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;
- les sommes réclamées sont indues et disproportionnées dès lors que la société requérante n'aurait, en tout état de cause, pu être classée qu'en quatrième position dans l'attribution des lots contestés et se voir attribuer au maximum 10 % de ces bons de commandes, qu'il ne peut être postulé que les marchés auraient nécessairement été reconduits pour quatre ans et qu'elles ne pourront dès lors pas excéder 2 614,89 euros.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics ;
- le décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Samson-Dye ;
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;
- et les observations de MeA..., représentant la société Wasso services, et de Me B..., représentant l'office public de l'habitat de Vienne Advivo.
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour les travaux de réparations courantes de son parc social locatif, l'office public de l'habitat de Vienne, dénommé Advivo, a lancé, en application de l'article 10 du décret n° 2005-1472 du 30 décembre 2005, un marché à bons de commande suivant une procédure librement choisie ; que les offres de la société Wasso services pour le lot n° 4 " plâtrerie peinture " (secteurs nord et sud) et pour le lot n° 10 " sols souples " (secteurs nord et sud) ont été rejetées par le pouvoir adjudicateur ; que les contrats correspondant à ces deux lots ont été signés le 14 octobre 2013 ; que la société Wasso services relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de ces marchés, et, d'autre part, à la condamnation d'Advivo à l'indemniser du préjudice résultant de son éviction illégale ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance ;
Sur la validité du contrat :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics : " Les marchés et les accords-cadres soumis à la présente ordonnance respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. "
3. Considérant qu'aux termes du III de l'article 46 du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 : " Le pouvoir adjudicateur communique à tout candidat écarté qui n'a pas été destinataire de la notification prévue au 1° du I du présent article les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre, dans les quinze jours de la réception d'une demande écrite. Si l'offre du candidat a été rejetée pour un motif autre que ceux mentionnés au I de l'article 24, le pouvoir adjudicateur lui communique en outre les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue ainsi que le nom du ou des attributaires du marché ou de l'accord-cadre. " et qu'aux termes du I de l'article 24 du même décret : " Pour l'application des dispositions du présent chapitre, sont qualifiées : / - d'irrégulière une offre incomplète ou non conforme aux exigences formulées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou les documents de la consultation (...) " ;
4. Considérant que la société Wasso services a été informée des motifs du rejet de son offre portant sur le lot n° 4 " plâtrerie peintures " par une lettre en date du 26 novembre 2013, mentionnant les caractéristiques et avantages des offres retenues et le nom des attributaires, et dont la requérante n'allègue pas qu'elle serait irrégulière ;
5. Considérant que, s'agissant du lot n° 10 " sols souples ", la société requérante avait omis d'apposer sa signature sur les actes d'engagement relatifs aux secteurs nord et sud, contrairement à ce qu'exigeait le règlement de la consultation, qui ne prévoyait pas la possibilité de remettre les offres par voie dématérialisée mais mentionnait seulement un dépôt sous " pli papier " ; que, dans ces conditions, la société ne peut utilement se prévaloir de ce qu'elle avait signé les actes d'engagement par le biais d'une plateforme de dématérialisation ; qu'en raison de cette absence de signature, l'offre de la société requérante était irrégulière ;
6. Considérant qu'il suit de là, d'une part, que c'est à juste titre que le pouvoir adjudicateur a rejeté son offre pour le lot n° 10 pour ce motif, ainsi que le mentionne un courrier du 31 mars 2014 ; que, d'autre part, dès lors que cette offre a été valablement rejetée pour un motif mentionné au I de l'article 24 du décret du 30 décembre 2005, Advivo n'a méconnu ni les dispositions précitées, ni le principe de transparence des procédures en limitant l'information donnée à la requérante au motif du rejet de son offre ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'en réponse à un appel téléphonique d'Advivo, la société Wasso services lui a adressé un courriel pour confirmer " les moyens humains et matériels mis à la disposition du marché " ; que la requérante soutient que cet appel téléphonique, au cours duquel il lui aurait été indiqué que son offre contenait " trop de moyens ", a porté atteinte à l'égalité de traitement entre les candidats et qu'en se fondant sur ce courriel pour lui attribuer une partie de sa note technique, Advivo n'a que partiellement analysé son offre ;
8. Considérant cependant que les allégations de la société Wasso services sur la teneur de cet appel téléphonique ne sont corroborées par aucun élément de l'instruction, Advivo soutenant au contraire avoir contacté les candidats pour leur faire clarifier leurs offres au regard des ambiguïtés qu'elles présentaient quant aux moyens effectivement dévolus au marché en cause, qui avaient été parfois confondus avec les capacités générales de l'entreprise ; qu'en particulier, il ressort de l'analyse du dossier de candidature et des actes d'engagement initiaux que la société Wasso service envisageait d'affecter l'ensemble de ses moyens humains concernant les activités peinture et sols, et 7 véhicules, alors qu'elle n'en avait mentionné que 6 dans le dossier de candidature, pour chacun des lots auxquels elle candidatait ; que le pouvoir adjudicateur peut demander à un candidat des précisions sur son offre si celle-ci lui paraît ambiguë ou incertaine, ou l'inviter à rectifier ou à compléter cette offre ; qu'en l'espèce, la confusion, qui pouvait exister entre le dossier de candidature et les actes d'engagements qui devaient spécifier précisément quels moyens seraient affectés à chaque lot, a été levée par message du 26 septembre 2013 envoyé par la société Wasso services, qui a précisé la teneur de ses offres ; que, dans ces conditions, c'est à juste titre que le pouvoir adjudicateur s'est fondé sur ce document pour examiner l'offre de la société requérante s'agissant du lot n° 4 ; qu'au demeurant, il résulte de l'instruction qu'Advivo a contacté plusieurs autres candidats dont les offres semblaient également incohérentes afin qu'ils puissent, le cas échéant, préciser les moyens humains et matériels mis à disposition du marché mentionnés dans l'annexe III de leurs actes d'engagement ; que, dès lors, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la société Advivo aurait porté atteinte à l'égalité de traitement entre les candidats ;
9. Considérant, en troisième et dernier lieu, que la société Wasso services soutient qu'Advivo a commis une erreur manifeste s'agissant de l'appréciation de ses capacités techniques et opérationnelles en effectuant une analyse partielle de son offre portant sur le lot n° 4 " plâtrerie peinture ", menant à une notation injuste ayant conduit à son rejet ;
10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Wasso services a obtenu la note maximale pour le critère de prix, sur 60 ; qu'en revanche, elle a été classée dernière sur la note technique, qui comportait deux sous-critères tenant aux moyens humains et matériels ainsi qu'aux délais d'intervention pour lesquels les notes de 5/30 et 3/10l lui ont été respectivement attribuées ;
11. Considérant, d'une part, que la société Wasso services a précisé dans son courriel du 26 septembre 2013, dont il a été tenu compte à bon droit par le pouvoir adjudicateur, qu'elle entendait mettre à disposition du " marché " une équipe de 2 peintres avec un chef d'équipe et 2 véhicules pour les deux lots et qu'elle n'évoquait, outre la possibilité de moyens futurs non quantifiés, la possibilité de bénéficier d'une équipe supplémentaire qu'au titre d'un " recrutement en cours " et " en cas d'attribution du marché ", ce qui ne garantissait pas le caractère effectif de ces moyens humains à la date d'attribution du marché ; que, compte tenu de cette ambiguïté, en retenant à juste titre que la société Wasso services ne comptait affecter que 3 personnes et un véhicule au lot n° 4, Advivo n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en lui attribuant la note de 5/30 ;
12. Considérant, d'autre part, que la société Wasso services indique pouvoir intervenir dans un délai de 48 heures ; que l'annexe III mentionnant les informations complémentaires obligatoires pour le jugement des offres avait également prévu la possibilité pour les sociétés candidates de s'engager à réaliser les travaux dans la journée ; qu'ainsi, en lui attribuant une note de 3/10, Advivo n'a pas entaché son analyse des délais d'intervention d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dans la notation du lot n°4 plâtrerie peinture doit être écarté ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions contestant la validité du marché de travaux à bons de commande portant sur les réparations courantes de parc social locatif d'Advivo doivent être rejetées ;
Sur la demande indemnitaire :
14. Considérant que lorsqu'une entreprise se porte candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Wasso Services n'établit pas le caractère irrégulier de son éviction ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à demander l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de son éviction, du fait du manque à gagner qui aurait pu être le sien suite au rejet de son offre ; qu'ainsi, ses conclusions à fin d'indemnisation doivent être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
17. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'Advivo, qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, soit condamnée à verser la somme que la société Wasso services demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société requérante une somme au titre des frais exposés par Advivo et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Wasso services est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'office public de l'habitat de Vienne Advivo tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Wasso service et à l'office public de l'habitat de Vienne Advivo.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2017 à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 février 2017.
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N° 16LY00066 7