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26/01/2017 | FRANCE | N°15LY02778

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 26 janvier 2017, 15LY02778


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler l'arrêté du préfet de la Savoie du 7 octobre 2013 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

- d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour pour soins d'une durée de six mois.

Par un jugement n° 1305526 du 9 juillet 2015, le tribunal administratif de Grenoble a ann

ulé cette décision et enjoint au préfet de la Savoie de réexaminer la demande de M. A... dans ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler l'arrêté du préfet de la Savoie du 7 octobre 2013 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

- d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour pour soins d'une durée de six mois.

Par un jugement n° 1305526 du 9 juillet 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision et enjoint au préfet de la Savoie de réexaminer la demande de M. A... dans un délai de deux mois.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 août 2015, le préfet de la Savoie demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 juillet 2015 ;

2°) de rejeter la demande de M. A...devant le tribunal administratif.

Il soutient que compte tenu des éléments qu'il a fournis, c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'il avait méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 décembre 2015.

Une mise en demeure a été adressée au conseil de M. A...par lettre du 13 décembre 2016, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

Le préfet de la Savoie a présenté un mémoire, enregistré le 3 janvier 2017, après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Clot, président ;

1. Considérant que M.A..., ressortissant arménien, né le 22 septembre 1978, est entré en France le 28 février 2011, accompagné de son épouse et de leurs trois enfants ; que l'asile lui a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 16 décembre 2011, par la Cour nationale du droit d'asile le 13 décembre 2012 et à nouveau par l'OFPRA le 19 avril 2013 ; qu'il a sollicité le 7 mars 2013 un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'un refus lui a été opposé le 5 juin 2013, assorti de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ; que le 3 septembre 2013, il a demandé un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 7 octobre 2013, le préfet de la Savoie lui a opposé un refus ; que le préfet relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette dernière décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (...) " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11º de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé et, à Paris, par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police de Paris. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " ;

4. Considérant que le 26 septembre 2013, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. A...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que le traitement approprié n'existe pas dans son pays d'origine et que les soins doivent être poursuivis durant six mois ; qu'au soutien de sa demande devant le tribunal administratif, M. A...a produit des certificats médicaux décrivant les troubles psychiatriques dont il est affecté ; que le préfet s'est borné à produire un document, mis à jour le 25 octobre 2006, faisant état, pour l'Arménie, d'une offre de soins en matière de troubles du comportement qualifiée, selon les pathologies, d'insuffisante ou très insuffisante ; qu'il produit pour la première fois en appel une attestation du 12 avril 2013 relative à l'existence d'un centre de santé mentale et psychique à Nork et d'un centre des services psychologiques à Erevan et un message du 10 avril 2012 du médecin conseil de l'ambassade de France en Arménie faisant état de structures permettant la prise en charge hospitalière des malades psychiatriques et de ce que les médicaments nécessaires pour le traitement des maladies psychiatriques sont disponibles ; que, compte tenu de ces données, c'est à tort que, pour annuler la décision en litige, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce que le préfet, qui n'apportait pas d'éléments probants lui ayant permis de s'écarter de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, avait commis une erreur d'appréciation dans l'application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ;

5. Considérant toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M.A... ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation de M.A... ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que la décision en litige, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

9. Considérant que M. A... et sa famille se trouvent en France en situation irrégulière ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la durée et aux conditions de séjour en France de M. A..., le refus de titre de séjour en litige ne porte pas, au regard des buts poursuivis, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; que, compte tenu notamment de la possibilité pour la famille de M. A... de s'établir en Arménie, pays dont tous les membres de cette famille possèdent la nationalité, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ait méconnu l'intérêt supérieur des enfants de l'intéressé ;

11. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences que sa décision est susceptible de comporter pour la situation personnelle de M. A... ;

12. Considérant, en sixième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que M. A... ne peut pas utilement se prévaloir de la violation de ces stipulations par le refus de titre de séjour qui lui a été opposé, qui ne lui fait pas obligation, par lui-même, de retourner dans son pays d'origine ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 7 octobre 2013 et lui a enjoint de réexaminer la demande de titre de séjour de M. A... ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 juillet 2015 est annulé.

Article 2 : La demande de M. A...devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A.... Copie en sera adressée au préfet de la Savoie et au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Albertville.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2017 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 janvier 2017.

5

N° 15LY02778


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY02778
Date de la décision : 26/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : LE GRONTEC

Origine de la décision
Date de l'import : 07/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-01-26;15ly02778 ?
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