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26/01/2017 | FRANCE | N°15LY02402

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 26 janvier 2017, 15LY02402


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 17 février 2015 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Mme D...A..., épouseC..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 17 février 2015 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour,

l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 17 février 2015 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Mme D...A..., épouseC..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 17 février 2015 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1502207-1502208 du 2 juillet 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2015, M. C...et Mme A... épouseC..., représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 2 juillet 2015 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du préfet de la Drôme du 17 février 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de leur délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation, dans le même délai, et de leur délivrer, durant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux jours, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au profit de leur conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer et d'un défaut de motivation ;

- le préfet a insuffisamment motivé ses décisions de refus de titre de séjour, s'agissant notamment de l'examen des demandes au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- leur sécurité étant menacée en Albanie, ils ne peuvent mener une vie privée et familiale normale dans ce pays, alors qu'ils ont commencé à reconstruire leur vie en France ; les refus de titre de séjour méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- compte tenu des risques encourus dans leur pays d'origine, ils justifient de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les obligations de quitter le territoire français sont illégales du fait de l'illégalité des refus de titre de séjour ;

- les décisions accordant un délai volontaire de trente jours sont illégales du fait de l'illégalité des obligations de quitter le territoire français ;

- les décisions fixant le pays de renvoi sont illégales du fait de l'illégalité des obligations de quitter le territoire français ;

- ces décisions sont insuffisamment motivées ;

- ils risquent leurs vies en cas de retour en Albanie et le démontrent par les pièces produites ; les décisions fixant le pays de renvoi méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 novembre 2015, le préfet de la Drôme, après avoir indiqué qu'il n'avait aucune observation particulière à formuler par rapport à ses écritures de première instance conclut au rejet de la requête.

M. C... et Mme A..., épouseC..., ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 7 septembre 2015 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

1. Considérant que M. C..., né le 8 avril 1985, et son épouse, née le 26 juin 1987, de nationalité albanaise, déclarent être entrés en France le 27 juin 2012 et ont sollicité l'asile ; que leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 23 mai 2013 confirmées par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile du 23 décembre 2014 ; que, par des décisions du 17 février 2015, le préfet de la Drôme a refusé à M. C... et à son épouse, la délivrance de titres de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que M. et Mme C... font appel du jugement du 2 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que devant le tribunal administratif de Grenoble, M. C... et Mme A..., épouseC..., ont invoqué un moyen tiré de ce que les décisions fixant le pays de renvoi méconnaissent les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le tribunal administratif, qui a suffisamment motivé son jugement sur les autres moyens présentés pour M. et MmeC..., a omis de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant ; que, dès lors, en tant qu'il statue sur les conclusions de M. et Mme C... dirigées contre les décisions du préfet de la Drôme fixant le pays de renvoi, le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de M. et Mme C... dirigées contre les décisions du préfet de la Drôme fixant le pays de renvoi et de statuer dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus de leurs conclusions ;

Sur la légalité des refus de titre de séjour :

4. Considérant, en premier lieu, que les décisions portant refus de titre de séjour comportent l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elles se fondent ; qu'ainsi, elles sont suffisamment motivées ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " :

6. Considérant que les requérants soutiennent qu'ils ne peuvent pas repartir dans leur pays d'origine compte tenu des risques qu'ils y encourent, qu'ils ont recommencé leur vie en France et qu'ils ont appris la langue française ; que, toutefois, l'entrée en France de M. C... et de son épouse est récente ; qu'ils n'établissent pas être dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine ; que, par ailleurs, ils n'apportent pas d'éléments probants de nature à établir qu'ils encourent un risque en cas de retour en Albanie de nature à faire obstacle à la possibilité pour la cellule familiale de se reconstituer dans ce pays ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les refus de titre de séjour en litige auraient porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale et auraient ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ; que les circonstances ci-dessus énoncées, relatives à la situation de M. C... et de Mme A... épouse C..., ne révèlent ni considérations humanitaires, ni motifs exceptionnels au sens de ces dispositions ;

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, M. C... et Mme A..., épouseC..., ne sont pas fondés à se prévaloir de l'illégalité des refus de titre de séjour qui leur ont été opposés ; que, par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ces refus, doit être écarté ;

Sur la légalité des décisions fixant le délai de départ volontaire :

9. Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, les décisions portant obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité ; que, par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ces décisions, doit être écarté ;

Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :

10. Considérant, en premier lieu, que les décisions par lesquelles le préfet de la Drôme a désigné le pays à destination duquel M. C... et Mme A..., épouseC..., pourront être éloignés d'office comportent le visa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elles mentionnent notamment que les intéressés, dont elles rappellent la situation, sont de nationalité albanaise et qu'ils pourront être reconduits d'office dans le pays dont ils possèdent la nationalité ; qu'ainsi, ces décisions sont suffisamment motivées ;

11. Considérant, en deuxième lieu que, compte tenu de ce qui précède, M. et Mme C... ne sont pas fondés à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité des décisions les obligeant à quitter le territoire français à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions fixant le pays de destination ;

12. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ;

13. Considérant que M. et Mme C... soutiennent qu'un retour dans leur pays d'origine risquerait de les exposer à des traitements inhumains et dégradants compte tenu de leur origine rom ; que, toutefois, les documents produits par les requérants ne permettent pas d'établir le caractère réel et actuel de risques concernant leur vie ou leur liberté ainsi que de traitements inhumains ou dégradants ; que, par ailleurs, leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, puis par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'en conséquence, le moyen tiré de la violation par les décisions attaquées des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... et Mme A..., épouseC..., ne sont pas fondés à demander l'annulation des décisions leur fixant un pays de renvoi et à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes ; que leurs conclusions à fin d'injonction et celles de leur conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 2 juillet 2015 est annulé en tant qu'il se prononce sur les conclusions de M. C... et Mme A..., épouseC..., tendant à l'annulation des décisions du 17 février 2015 par lesquelles le préfet de la Drôme a fixé le pays de renvoi.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. C... et Mme A..., épouseC..., tendant à l'annulation des décisions du 17 février 2015 fixant le pays de renvoi et le surplus des conclusions de leur requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Mme D... A...épouse C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2017 à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 janvier 2017.

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N° 15LY02402


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY02402
Date de la décision : 26/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : LANTHEAUME

Origine de la décision
Date de l'import : 07/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-01-26;15ly02402 ?
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