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27/12/2016 | FRANCE | N°16LY02286

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 27 décembre 2016, 16LY02286


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 3 février 2016 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination.

Par un jugement n° 1601249 du 2 juin 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 juillet 201

6, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 3 février 2016 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination.

Par un jugement n° 1601249 du 2 juin 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 juillet 2016, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 2 juin 2016 ;

2°) de rejeter la demande de M. A...devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- ni les pièces versées à son dossier de demande de titre de séjour, ni celles produites devant le tribunal administratif ne permettent de justifier de la présence effective et continue de l'intéressé en France depuis 2004, nonobstant les attestations de tiers, dépourvues de force probante ; à cet égard, il existe un doute sur l'authenticité de la pièce n° 30 produite par l'intéressé, ce compte-rendu d'analyse médicale, daté du 15 décembre 2004, ayant été établi par le Laboratoire Mérieux, RCS 421 282 419, alors que ce numéro correspond à la société Biomnis, qui a été immatriculée au RCS le 16 avril 2008 ; les pièces n° 33, 34 et 36, qui émaneraient de la société Laboratoire de Rillieux-la-Pape, mentionnent le RCS 301 162 035 qui n'existe pas, le RCS réel de cette société étant le 779 803 089 ; la pièce n° 33, postérieure à la pièce n° 34, ne mentionne pas de valeur d'antériorité pour les mêmes analyses ; il existe des différences de présentation de ces trois pièces qui auraient été établies entre janvier et avril 2005 ;

- les éléments produits sont insuffisants pour établir la qualité de la relation que le requérant entretient avec sa fille, qu'il n'a reconnue qu'à l'âge de dix-sept ans ; les attestations de tiers, peu circonstanciées, sont insuffisamment probantes alors que cette dernière a bénéficié d'une mesure d'assistance éducative jusqu'à sa majorité ; sa fille ne réside pas dans le département de l'Isère où il est domicilié... ; M. A...n'apporte pas non plus la preuve des problèmes sociaux et psychologiques rencontrés par sa fille et du soutien qu'il lui prodiguerait dans ce cadre ;

- si l'intéressé allègue s'être marié avec une compatriote en situation régulière le 27 janvier 2016, il n'apporte ni la preuve de son union, ni la preuve de la régularité du séjour de son épouse ; au demeurant, son épouse pourra solliciter à son profit le bénéfice de la procédure de regroupement familial ; de plus, rien ne fait obstacle à ce que le couple, s'il le souhaite, puisse reconstituer sa cellule familiale au Cameroun, pays dont tous les membres de la famille ont la nationalité ; enfin, la vie familiale a débuté alors que l'intéressé en situation irrégulière n'était pas sans savoir la précarité de ses perspectives d'installation.

Par un mémoire enregistré le 8 septembre 2016, M.A..., représenté par Me Borges de Deus Correia, avocat, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le préfet de l'Isère n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Clot, président.

1. Considérant que M.A..., de nationalité camerounaise, né le 8 juin 1975, est entré en France le 3 novembre 1996 ; qu'il a été titulaire d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étudiant du 4 décembre 1996 au 31 octobre 2001 ; que le 24 octobre 2013, il a sollicité un titre de séjour et que le 3 février 2016, le préfet de l'Isère lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que le préfet de l'Isère relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions ;

2. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant que pour justifier de la durée de sa présence en France, M. A...a produit notamment des comptes-rendus d'analyse médicale des 15 décembre 2004, 15 janvier 2005, 15 février 2005 et 18 avril 2005 ; que le préfet de l'Isère conteste l'authenticité du premier de ces documents, établi sous l'en-tête du Laboratoire Mérieux, en faisant valoir que le numéro de RCS qui y est porté serait, en réalité, celui de la société Biomnis, immatriculée seulement en 2008 ; que toutefois, il ressort des pièces produites que la société Biomnis a été immatriculée pour la première fois au RCS, sous la forme d'une société d'exercice libéral à forme anonyme, le 23 décembre 1998, et qu'à la suite d'une opération de fusion, le Laboratoire Mérieux est devenu Biomnis ; que le préfet de l'Isère conteste également l'authenticité des trois comptes-rendus d'analyse de l'année 2005, au motif que le numéro de RCS de la société GLBR SARL qui y est mentionné n'existe pas ; que, toutefois, les éléments de l'application Infogreffe produits par le préfet ne concernent pas cette société, mais l'un des biologistes mentionnés sur les comptes-rendus dont il s'agit ; que, dès lors, même si l'un de ces comptes-rendus, du 18 avril 2005, ne comporte pas de données antérieures, la contestation soulevée par le préfet sur le caractère probant de ces pièces n'est pas fondée ;

4. Considérant qu'il est constant que M.A..., entré en France en 1996, y a séjourné régulièrement pendant cinq ans en qualité d'étudiant ; que d'après la requête du préfet, l'intéressé a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière le 12 février 2002, puis d'un refus de titre de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français le 17 mai 2002 ; que les pièces qu'il produit justifient de sa présence en France au cours des années 2004 à 2013 ; qu'il est le père d'une fille, née en 1996, de nationalité française, qui vit en France, et qu'il s'est marié, le 27 janvier 2016, avec une de ses compatriotes résidant régulièrement sur le territoire français ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, et quelle que soit la nature des relations qu'il entretient avec sa fille, le refus de titre de séjour que le préfet de l'Isère lui a opposé le 3 février 1996 porte, au regard des buts poursuivis, une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions en litige ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à M. A...d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. A...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A.et l'intéressé ne justifie pas des liens qui les unissent Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Pourny, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 décembre 2016.

4

N° 16LY02286


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY02286
Date de la décision : 27/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : BORGES DE DEUS CORREIA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-12-27;16ly02286 ?
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