Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile La Malosse a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2008 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1203965 du 7 avril 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 juin 2015 et des mémoires enregistré le 26 janvier 2016 et le 22 novembre 2016, la société civile La Malosse, représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 avril 2015 ;
2°) de lui accorder la décharge de l'imposition contestée et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le refus d'admettre en déduction les deux provisions en litige n'est pas fondé ;
- la cession d'actions de la SAS Loire Offset B...à M. C...n'a pas été faite à un prix minoré, de sorte qu'elle n'est pas constitutive d'un acte anormal de gestion.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 décembre 2015, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par la société civile La Malosse n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du commerce ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Savouré,
- et les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public.
1. Considérant que la société civile La Malosse, qui exerce une activité de location immobilière, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle elle a été assujettie, au titre de l'année 2008, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, notifiées selon la procédure contradictoire, résultant du refus d'admettre en déduction deux provisions et de la réévaluation d'une cession de titres de la société Loire OffsetB..., qu'elle a regardée comme ayant été effectuée à prix minoré ; que la société civile La Malosse relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de décharge de ces impositions ;
Sur les provisions :
2. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'au terme de son assemblée générale ordinaire du 12 décembre 2006, la société civile La Malosse a été autorisée à abandonner sa créance de 260 000 euros sur la société Loire Offset Plus, dont elle détenait alors 53 % des parts, dans l'hypothèse où cette dernière abandonnerait elle-même la créance de 400 000 euros qu'elle détenait sur la société B...SBI, qui exerçait une activité d'imprimerie ; qu'à la clôture de l'exercice 2008, cette provision de 260 000 euros figurait toujours dans la comptabilité de la société La Malosse, augmentée des intérêts s'élevant à 21 711 euros ; qu'ayant constaté qu'à l'issue d'une transmission universelle de patrimoine intervenue le 28 mars 2008, la société B...SBI avait été confondue avec la société Loire Offset Plus, devenue alors Loire OffsetB..., l'administration a considéré que la décision d'assemblée générale du 12 décembre 2006 était devenue caduque et ne justifiait donc plus le maintien de la provision ; qu'elle a alors réintégré dans les résultats imposables de la société requérante la somme de 281 711 euros ; que contrairement à ce que soutient la société civile La Malosse, une transmission universelle de patrimoine n'est pas assimilable à un abandon de créance ; que d'ailleurs, alors que la décision d'assemblée générale du 12 décembre 2006 prévoyait qu'en cas d'abandon de la créance de 400 000 euros détenue sur la société B...SBI, l'abandon de la créance de 260 000 euros détenue sur la société Loire Offset Plus devait avoir lieu le même jour, il est constant qu'à la date de la clôture de l'exercice au cours duquel a eu lieu la transmission universelle de patrimoine, la société requérante n'avait procédé à aucun abandon de créance ; que si cette dernière fait valoir qu'elle a par la suite abandonné cette créance en deux parties au cours des exercices 2010 et 2011, rien ne permet d'affirmer que ces abandons se rapportent à l'engagement pris lors de l'assemblée générale du 12 décembre 2006 ; qu'enfin, les éventuelles conséquences de cette rectification sur ses résultats imposables en 2010 et 2011 sont sans incidence sur l'imposition en litige, qui porte sur l'année 2008 ;
4. Considérant, en second lieu, que la société civile La Malosse a constitué une provision portant sur la totalité d'une créance de 267 717 euros détenue sur la SA Façonnage Alain correspondant à des avances financières de 83 847 euros et 183 870 euros, consenties, respectivement, en 2002 et 2008 ; que l'administration a considéré, en substance, que le fait de consentir une telle avance afin de parer à des difficultés de trésorerie révélait par lui-même que la société requérante n'envisageait pas une disparition de la SA Façonnage Alain, de sorte que la provision n'était pas justifiée ; que cependant, les fonds propres de cette dernière s'élevant à un montant négatif de 288 402 euros, le vérificateur a admis que la situation économique de la SA Façonnage Alain impliquait que soient mises en oeuvre les dispositions de l'article L. 225-248 du code du commerce, aux termes desquelles : " si, du fait de pertes constatées dans les documents comptables, les capitaux propres de la société deviennent inférieurs à la moitié du capital social, le conseil d'administration ou le directoire, selon le cas, est tenu dans les quatre mois qui suivent l'approbation des comptes ayant fait apparaître cette perte, de convoquer l'assemblée générale extraordinaire à l'effet de décider s'il y a lieu à dissolution anticipée de la société. / Si la dissolution n'est pas prononcée, la société est tenue, au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue et sous réserve des dispositions de l'article L. 224-2 de réduire son capital d'un montant au moins égal à celui des pertes qui n'ont pas pu être imputées sur les réserves, si, dans ce délai, les capitaux propres n'ont pas été reconstitués à concurrence d'une valeur au moins égale à la moitié du capital social (...) " ; qu'ayant constaté que l'hypothèse d'une dissolution de la SA Façonnage Alain était écartée, l'administration a limité le montant de la rectification à la somme de 136 406 euros correspondant à la part de la situation nette négative que la société requérante se verrait contrainte de prendre en charge dans l'hypothèse où il faudrait reconstituer son capital social, à hauteur de sa participation dans cette société, soit 47,28 % ;
5. Considérant que la société requérante soutient, d'une part, que la situation de la SA Façonnage Alain s'était fortement détériorée entre le moment où les avances ont été consenties et la clôture de l'exercice et, d'autre part, que ses craintes de devoir enregistrer une perte étaient fondées dès lors qu'en 2009 et en 2010, cette dernière a dû faire l'objet d'une importante recapitalisation par ses différents actionnaires, à tel point qu'en dépit d'importants abandons de créance à concurrence de 211 670 euros, la participation de la société civile La Malosse s'est finalement trouvée réduite de 49 % à 18 % ; que toutefois, s'il est vrai qu'une perte était effectivement probable à la date de la clôture de l'exercice 2008, la société requérante ne rapporte en revanche pas la preuve, qui lui incombe, que son montant pouvait, à cette même date, être évalué à la totalité de la créance ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Sur la cession de titres de la société Loire Offset B...à M. C...:
6. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale ; que le fait, pour une entreprise, de céder à l'un de ses actionnaires des titres d'une de ses filiales à un prix notablement inférieur à leur valeur réelle ne relève pas, en règle générale, d'une gestion normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant un tel avantage, l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que l'avantage consenti sans contrepartie à l'occasion de cette cession de titres constitue un acte anormal de gestion, à concurrence de l'insuffisance du prix stipulé, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ;
7. Considérant que la valeur vénale d'actions non admises à la négociation sur un marché règlementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue ; que l'évaluation doit être effectuée, en priorité, par référence au prix d'autres transactions effectuées sur les mêmes titres ou d'autres titres aux caractéristiques voisines à des dates proches de la transaction litigieuse et à des conditions équivalentes ;
8. Considérant qu'ayant constaté que, le 17 mars 2008, M. A...avait cédé à la société civile La Malosse 2 002 titres de la société Loire Offset B...pour un montant unitaire de 64,93 euros, alors que la société civile La Malosse avait de son côté, par deux actes des 14 mars 2008 et 25 mars 2008, cédé 3 221 titres de cette même société à M. C...pour un montant unitaire de 15,23 euros, l'administration a estimé que cette dernière opération s'était effectuée pour un prix minoré, constitutif d'un acte anormal de gestion ; qu'elle a par conséquent réévalué cette opération en portant la valeur des titres cédés à M. C...de 15,23 euros à 64,93 euros et réintégré la différence, soit un montant total de 160 053 euros, dans le résultat imposable de la société civile La Malosse ; que si la société requérante affirme que l'administration aurait pu regarder le prix de 15,63 euros comme le juste prix et celui de 64,93 euros comme un prix majoré, elle admet elle-même que le prix de 15,63 euros n'a été calculé que par référence au pacte d'actionnaires conclu treize ans auparavant, le 22 décembre 1995, entre M. B...et M.C..., qui ne liait pas la société civile La Malosse et ne pouvait refléter la valeur de l'entreprise à la date de la transaction ; que l'administration a donc pu à bon droit prendre le prix de 64,93 euros comme valeur de référence ;
9. Considérant que pour justifier le prix de 15,63 euros, la société requérante explique, en premier lieu, que ce prix serait la contrepartie de l'acceptation de l'opération de transmission universelle du patrimoine par M. C..., dans l'intérêt de la société civile La Malosse qui percevait de la SBI B...un loyer pour des locaux industriels, alors qu'au regard de la situation financière catastrophique de cette dernière, il aurait eu intérêt à en externaliser l'activité, en deuxième lieu, que la configuration de l'opération impliquait, d'une part, un renforcement de la position de M. C...et, d'autre part, un désengagement de M. A...avec lequel les relations étaient très mauvaises, de sorte que ce dernier a pu négocier la cession à un prix très élevé et, en troisième lieu, que sans cette opération, M. C... aurait pu quitter la société civile La Malosse, emportant avec lui l'essentiel de sa clientèle, ce qui justifierait un prix plus bas ;
10. Considérant cependant que, si l'intérêt de l'entreprise et les positions respectives des différents vendeurs et acquéreurs peuvent justifier des différences de prix, ces éléments ne sauraient à eux seuls, faute d'élément probant produit à leur soutien, justifier que la société civile La Malosse ait retiré de l'opération une contrepartie expliquant qu'elle ait cédé les parts en litige pour un prix quatre fois inférieur à celui qu'elle a payé, à une semaine d'intervalle, pour l'acquisition des mêmes parts auprès d'un autre actionnaire ; que si la société requérante ajoute que les potentiels acquéreurs étaient peu nombreux, qu'au moment de la vente, la rentabilité était sur le point de se dégrader du fait de la reprise de l'activité de la SBI B...et que la société Loire Offset B...fait d'ailleurs l'objet d'une procédure de redressement judiciaire depuis un jugement du 17 février 2016, ces éléments n'expliquent pas plus une telle différence de prix ; que dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve que les cessions faites à M. C...l'ont été à un prix minoré et sont, par suite, à concurrence des montants rectifiés, constitutives d'un acte anormal de gestion ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société civile La Malosse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquences, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société civile La Malosse est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à société civile La Malosse et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Pourny, président-assesseur,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 décembre 2016.
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N° 15LY01899