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06/12/2016 | FRANCE | N°15LY01712

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 06 décembre 2016, 15LY01712


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2015 par lequel le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation en lui délivrant dans l'attente un récépissé de demande de titre de séjour.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2015 par lequel le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation en lui délivrant dans l'attente un récépissé de demande de titre de séjour.

Par un jugement n° 1500276 du 24 avril 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 22 mai 2015, M. B... A..., représenté par Me Levy-Soussan, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1500276 du tribunal administratif de Grenoble du 24 avril 2015;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2015 par lequel le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français sans délai ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant du refus de titre de séjour :

- il est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur ;

- il méconnaît le premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il porte rejet de sa demande de carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ;

- le préfet aurait dû examiner sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié relatif au séjour et au travail des personnes ;

- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il a en France le centre de ses intérêts privés et familiaux aux côtés de son épouse et de ses deux enfants nés en France ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- il soulève les mêmes moyens que ceux présentés à l'encontre du refus de titre ;

- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

- le tribunal administratif de Grenoble n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur que le préfet avait commise en considérant qu'il avait falsifié son titre de séjour ;

- la décision préfectorale contestée est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'erreur de droit, dès lors que le préfet n'a pas exercé son pouvoir d'appréciation ;

- elle est entachée d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation, dès lors qu'il n'a pas falsifié son titre de séjour et que le préfet ne pouvait légalement se fonder sur la circonstance qu'il avait seulement falsifié la copie de son titre de séjour.

Vu les autres pièces du dossier .

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié relatif au séjour et au travail des personnes ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Drouet a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur le refus de titre de séjour :

1. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté pour les motifs retenus par les premiers juges et qu'il convient, pour la cour, d'adopter ;

2. Considérant, en deuxième lieu, que M. A... ne saurait utilement se prévaloir des termes de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, lesquels sont dépourvus de caractère impératif ;

3. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié relatif au séjour et au travail des personnes : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent accord, dans les conditions prévues par sa législation. " ; que l'article 3 du même accord stipule : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "salarié". " ; que selon le premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. " ;

4. Considérant que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, le premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié relatif au séjour et au travail des personnes prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions du premier alinéa de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ; que, par suite, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant à l'encontre de la décision refusant à M. A... un titre de séjour en qualité de salarié ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'en relevant dans la décision en litige que M. A... n'a pas produit de contrat de travail visé par les autorités compétentes, le préfet de l'Isère a, contrairement à ce que soutient le requérant, examiné sa demande de titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

6. Considérant, en dernier lieu, que M. A..., né le 23 octobre 1983 et de nationalité tunisienne, fait valoir qu'il a en France le centre de ses intérêts privés et familiaux aux côtés de son épouse et de ses deux enfants nés en France ; que, toutefois, il a déclaré, à l'occasion de sa première demande de titre de séjour en qualité de travailleur temporaire, être arrivé sur le territoire français le 1er juin 2010 ; qu'il dispose d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-six ans et où résident ses parents et sa soeur ; qu'il n'est pas établi d'obstacle à la poursuite de la vie familiale de l'intéressé dans son pays d'origine, dès lors que son épouse, qui a la même nationalité que lui, fait également l'objet d'un refus de titre de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle et familiale du requérant ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

7. Considérant, en premier lieu, que les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient notamment que la décision portant obligation de quitter le territoire n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de la décision relative au séjour ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 1 ci-avant, le refus de titre de séjour du 16 janvier 2015 a été suffisamment motivé ; que, par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision par laquelle le préfet lui a fait obligation de quitter le territoire français est entachée d'insuffisance de motivation ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que M. A... ne saurait, en tout état de cause, utilement se prévaloir des termes de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, lesquels sont dépourvus de caractère impératif ;

9. Considérant, en troisième lieu, que les moyens tirés d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce que le préfet n'a pas examiné sa situation sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié, sont inopérants à l'encontre de la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français, ces dispositions et ces stipulations étant relatives à la délivrance de titres de séjour ;

10. Considérant, en dernier lieu, que pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 6, la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé ;

Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

11. Considérant, d'une part, qu'il résulte des points 13 et 14 du jugement attaqué que les juges de première instance, qui n'étaient pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par M. A..., ont expressément et suffisamment répondu au moyen tiré de l'erreur que le préfet aurait commise en considérant que l'intéressé aurait falsifié son titre de séjour ;

12. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ; / (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire doit être motivée ;

13. Considérant que la décision contestée n'accordant pas un délai de départ volontaire énonce les considérations de droit et les éléments de fait propres à la situation personnelle de l'intéressé qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté ;

14. Considérant, en outre, que, contrairement à ce que soutient M. A..., il ne ressort pas des termes de la décision en litige que le préfet se serait considéré en situation de compétence liée pour refuser de lui accorder un délai de départ volontaire et n'aurait pas exercé son pouvoir d'appréciation sur la situation de l'intéressé ; que, par suite, la décision contestée n'est pas, à cet égard, entachée d'erreur de droit ;

15. Considérant, par ailleurs, que la décision en litige est fondée sur la circonstance que M. A... a modifié les dates de délivrance et d'expiration sur une photocopie de son ancien titre de séjour périmé et non, contrairement à ce que soutient le requérant, sur celle qu'il aurait falsifié son titre de séjour ; que, par suite, la décision contestée n'est pas entachée d'erreur de fait ;

16. Considérant, enfin, qu'en retenant le motif cité au point précédent pour refuser d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire, le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du e) du 3° du deuxième alinéa du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Levy-Soussan et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- M. Drouet, président-assesseur,

- Mme Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 décembre 2016.

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N° 15LY01712


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01712
Date de la décision : 06/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : LEVY- SOUSSAN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-12-06;15ly01712 ?
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