La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/12/2016 | FRANCE | N°14LY02357

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 5, 01 décembre 2016, 14LY02357


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...B...ont demandé au tribunal administratif de Lyon de leur accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2003 et 2004 et des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1201287 du 20 mai 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 juillet 2014 et des mémoires, enregist

rés les 2 octobre 2014, 11 septembre 2015 et 3 août 2016, M. et MmeB..., représentés par la SCP...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...B...ont demandé au tribunal administratif de Lyon de leur accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2003 et 2004 et des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1201287 du 20 mai 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 juillet 2014 et des mémoires, enregistrés les 2 octobre 2014, 11 septembre 2015 et 3 août 2016, M. et MmeB..., représentés par la SCP Piwnica etA..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 mai 2014 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de leur accorder la décharge des impositions contestées et des intérêts de retard correspondants ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, le tribunal administratif n'ayant pas précisé la teneur des éléments transmis à l'administration le 4 juillet 2008 ;

- l'article 123 bis du code général des impôts est contraire aux articles 49, 54 et 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et aux principes de libre circulation des capitaux et de libre établissement, dès lors qu'il crée des présomptions irréfragables, le principe d'interprétation neutralisante du texte ne pouvant s'appliquer à un texte clair ;

- le vérificateur a fait application des dispositions de l'article 123 bis du code général des impôts sans faire mention d'un montage artificiel, la cession et la gestion de produits financiers constituant une activité économique réelle qui n'induit pas nécessairement une volonté d'éluder l'impôt ;

- c'est à l'administration d'établir le caractère fictif de la société, laquelle, implantée au Luxembourg depuis 1988, a été créée pour lever des fonds afin de développer le groupe Fiducial et avait des résultats déficitaires ;

- les dispositions de l'article 123 bis du code général des impôts ne sont pas applicables aux sociétés dont les résultats sont déficitaires.

Par des mémoires en défense enregistrés le 17 mars 2015 et le 27 avril 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les requérants ne contestent pas les rectifications qu'ils ont acceptées, le quantum du litige devant être limité aux seules impositions procédant de la rectification relative aux revenus de capitaux mobiliers réputés distribués par la société Fiducial Financière du Luxembourg ;

- le tribunal administratif s'est prononcé sur le fond de l'affaire au vu des écritures des parties et des pièces en sa possession par un jugement suffisamment motivé ;

- la société Fiducial Financière du Luxembourg est seulement détentrice de titres et ne dispose ni de locaux, ni de personnel, les requérants ne pouvant se prévaloir de la liberté d'établissement sans établir qu'elle avait une activité économique effective ;

- le deuxième alinéa du 3 de l'article 123 bis du code général des impôts permet d'imposer les personnes physiques disposant d'une participation dans une société déficitaire en l'absence de convention d'assistance administrative applicable, les requérants n'étant pas fondés à se prévaloir des travaux parlementaires et de l'article 22 de la convention franco-luxembourgeoise.

La clôture de l'instruction a été fixée au 19 août 2016 par une ordonnance du 22 juin 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le Traité instituant la Communauté européenne ;

- la convention franco luxembourgeoise du 1er avril 1958 modifiée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pourny,

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant M. et MmeB.en France

1. Considérant qu'après un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, M. et Mme B..., qui détenaient 99,938 % du capital de la société Fiducial financière du Luxembourg Holding SA, société luxembourgeoise régie par une loi du 31 juillet 1929, ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2003 et 2004, en raison de diverses rectifications, opérées selon la procédure contradictoire, dont des rectifications de 47 857,30 euros au titre de 2003 et 43 109,32 euros au titre de l'année 2004, à raison de revenus réputés distribués par cette société luxembourgeoise en application des dispositions du deuxième alinéa du 3 de l'article 123 bis du code général des impôts ; que M. et Mme B... ont contesté ces impositions et les pénalités correspondantes devant le tribunal administratif de Lyon, qui a rejeté leur demande par le jugement du 20 mai 2014 dont ils relèvent appel ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " ; que si les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments des parties, n'ont pas précisé la teneur des éléments transmis par les contribuables à l'administration le 4 juillet 2008, ils ont néanmoins répondu de manière suffisamment précise à l'ensemble des moyens qui leur étaient présentés ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'ils auraient insuffisamment motivé leur jugement doit être écarté ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

3. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 123 bis du code général des impôts, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 : " 1. Lorsqu'une personne physique domiciliée en Francedétient directement ou indirectement 10 % au moins des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une personne morale (...) établi[e] ou constitué[e] hors de France et soumis à un régime fiscal privilégié, les bénéfices ou les revenus positifs de cette personne morale, (...) sont réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers de cette personne physique dans la proportion des actions, parts ou droits financiers qu'elle détient directement ou indirectement lorsque l'actif ou les biens de la personne morale (...) sont principalement constitués de valeurs mobilières, de créances, de dépôts ou de comptes courants. (...) / 3. Les bénéfices ou les revenus positifs mentionnés au 1 (...) sont déterminés selon les règles fixées par le présent code comme si les personnes morales (...) étaient imposables à l'impôt sur les sociétés en France (...) / Toutefois, lorsque la personne morale (...) est établi[e] ou constitué[e] dans un Etat ou territoire n'ayant pas conclu de convention d'assistance administrative avec la France, le revenu imposable de la personne physique ne peut être inférieur au produit de la fraction de l'actif net ou de la valeur nette des biens de la personne morale (...) calculée dans les conditions fixées au 1, par un taux égal à celui mentionné au 3° du 1 de l'article 39 (...) " ;

4. Considérant que ces dispositions ne peuvent trouver à s'appliquer que sous réserve des traités ou accords internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés, dont les stipulations ont par suite, en vertu de l'article 55 de la Constitution, une autorité supérieure à celle des lois, et que leur compatibilité avec la norme internationale doit être appréciée notamment au regard du traité instituant la Communauté européenne, devenu Traité sur le fonctionnement de l'Union ; qu'aux termes de l'article 43 de ce traité : " Dans le cadre des dispositions visées ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre. / La liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, et notamment de sociétés au sens de l'article 48, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux " ; qu'il résulte de ces dispositions, complétées par celles relatives à la liberté des mouvements de capitaux, consacrée par l'article 56 du même traité, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice des communautés européennes, notamment dans ses décisions n° 264/96 du 16 juillet 1998, 9/02 du 11 mars 2004, 446/03 du 13 décembre 2005 et 196/04 du 12 septembre 2006, en premier lieu, qu'une mesure susceptible d'entraver la liberté d'établissement ainsi définie ne saurait être admise que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le traité et est justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général, et ce à condition que son application soit propre à garantir la réalisation de l'objectif ainsi poursuivi et n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre celui-ci, en deuxième lieu, que la lutte contre l'évasion fiscale est au nombre des objectifs légitimes compatibles avec le traité que les Etats membres peuvent poursuivre et répond à une raison impérieuse d'intérêt général, et, en dernier lieu, que, pour ce qui concerne la justification tirée de l'objectif de prévenir l'évasion fiscale, peuvent être admises les mesures ayant pour objet spécifique de faire obstacle aux montages purement artificiels dont le but serait d'éluder l'application de la législation fiscale française ;

5. Considérant que si les dispositions précitées de l'article 123 bis du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, n'évoquent pas spécifiquement l'hypothèse d'un montage purement artificiel dont le but serait d'éluder l'application de la législation fiscale française et pourraient instaurer ainsi une présomption d'évasion fiscale à l'encontre de l'ensemble des contribuables ayant effectué les placements qu'elles prévoient, elles ne peuvent cependant trouver application, en ce qui concerne les personnes morales établies ou constituées dans un Etat de la Communauté européenne, que pour l'imposition des revenus tirés des actifs détenus, pour une personne physique domiciliée..., par une personne morale, établie hors de France et n'exerçant aucune activité autre que la détention et la gestion de ces actifs, dans le but d'éluder l'impôt dû en France ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les stipulations du traité instituant la Communauté européenne, devenu Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, feraient obstacle, dans tous les cas, à l'application des dispositions de l'article 123 bis du code général des impôts ;

6. Considérant qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que M. et Mme B...disposaient, au cours des deux années en litige, de 99,938 % du capital de la société Fiducial Financière du Luxembourg Holding SA, régie par une loi luxembourgeoise du 31 juillet 1929, et soumise, au Luxembourg, au seul prélèvement de 0,2 % du montant des actions libérées du capital ; que cette société relevait donc d'un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du code général des impôts ; que, par ailleurs, l'actif de cette société était constitué de valeurs mobilières et de dépôts en banque pour plus de 89 % en 2003 et plus de 95 % en 2004 ; que si les requérants soutiennent que cette société, implantée au Luxembourg depuis 1988, y dispose d'un siège social, de comptes bancaires et d'une comptabilité et qu'elle participe à l'activité économique de ce pays où elle place ses fonds, perçoit des intérêts et paye ses charges et ses impôts, il est constant que cette société n'y dispose ni de locaux, ni de personnel et il n'est pas allégué qu'elle y a eu une autre activité que la gestion de ses propres actifs, cette société n'ayant jamais procédé aux levées de fonds en vue desquelles elle aurait prétendument été constituée ; que, par suite, en l'absence de tout élément relatif à l'exercice d'une activité économique distincte de la seule gestion de ses propres actifs par cette société, cette dernière doit être regardée comme constitutive d'un montage artificiel dont le but est de contourner la législation fiscale française en permettant aux revenus des valeurs mobilières et autres actifs qu'elle détient de bénéficier d'un régime fiscal privilégié ;

7. Considérant que si le 1 de l'article 123 bis du code général des impôts ne prévoit que l'imposition de bénéfices ou " revenus positifs ", il résulte des dispositions du deuxième alinéa du 3 du même article que, lorsque la personne morale concernée est établie dans un Etat n'ayant pas conclu de convention d'assistance administrative avec la France, le revenu imposable au nom de la personne physique ne peut être inférieur à un montant déterminé en fonction de l'actif net ou de la valeur des biens de la personne morale, de la quote-part des droits détenus par le contribuable, personne physique, dans cette personne morale et du taux mentionné au 3° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la personne morale concernée ait des résultats déficitaires ; que le Luxembourg n'ayant pas conclu de convention d'assistance administrative avec la France concernant les sociétés holding régies par la loi luxembourgeoise du 31 juillet 1929, exclues du champ d'application de la convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 modifiée, l'administration fiscale était fondée à faire application de ces dispositions pour imposer des sommes, d'un montant non contesté de 47 857,30 euros au titre de l'année 2003 et 43 109,32 euros au titre de l'année 2004, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au nom de M. et MmeB... ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande ; que les conclusions qu'ils présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...B...et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

M. Pourny, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er décembre 2016.

6

N° 14LY02357


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 14LY02357
Date de la décision : 01/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables - Libertés de circulation - Libre circulation des personnes.

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Légalité et conventionnalité des dispositions fiscales - Lois.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. François POURNY
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-12-01;14ly02357 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award