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24/11/2016 | FRANCE | N°15LY00680

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 24 novembre 2016, 15LY00680


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner La Poste à lui verser une indemnité de 54 000 euros en réparation des conséquences dommageables du blocage de sa carrière.

Par un jugement n° 1108041 du 17 décembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a condamné La Poste à lui verser une indemnité de 1 500 euros et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 février et 27 nove

mbre 2015, M. B..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner La Poste à lui verser une indemnité de 54 000 euros en réparation des conséquences dommageables du blocage de sa carrière.

Par un jugement n° 1108041 du 17 décembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a condamné La Poste à lui verser une indemnité de 1 500 euros et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 février et 27 novembre 2015, M. B..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 décembre 2014, en ce qu'il rejette une partie de sa demande indemnitaire ;

2°) de condamner La Poste à lui verser une somme de 50 000 euros au titre de son préjudice de carrière et de son préjudice moral, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2011 dans le dernier état de ses écritures, et d'ordonner la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de La Poste une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que le préjudice de carrière n'était pas établi ; il a été privé d'une chance sérieuse d'être nommé dans le corps des inspecteurs avant l'année 2009, dès lors qu'il satisfaisait aux conditions posées par les statuts particuliers pour accéder à ce corps, qu'il avait depuis 2006 toujours obtenu l'excellente note " E " et qu'il avait la capacité d'exercer des fonctions de niveau supérieur, ayant d'ailleurs fait partie des cinq personnes promues directement inspecteurs dès la réouverture des promotions internes ; c'est à tort que le tribunal a estimé que ses excellentes notes ne permettaient pas d'apprécier le caractère sérieux de sa perte de chance ; le tribunal a dénaturé les pièces du dossier en omettant de se prononcer sur le critère tenant à la capacité à exercer des fonctions de niveau supérieur ; il a droit, à ce titre, à une somme de 45 000 euros ; La Poste a refusé de faire droit à sa demande de communication de sa notation antérieure à 2006 et n'établit pas l'existence d'une mauvaise notation pour ces années, elle doit être regardée comme acquiesçant à ses dires ;

- la faute commise par La Poste en privant de manière générale les fonctionnaires reclassés de toute possibilité d'avancement interne lui a causé un préjudice moral ; le tribunal a sous-estimé ce préjudice ; il a droit à ce titre à une somme de 5 000 euros ; aucune disposition législative ou réglementaire ne limite ce chef de préjudice à 1 500 euros, étant précisé qu'il est souvent indemnisé en même temps que les troubles dans les conditions d'existence.

Par des mémoires enregistrés les 4 novembre 2015 et 28 janvier 2016, La Poste, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. B...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'illégalité commise par La Poste, qui n'a donné lieu à une reconnaissance de droit éventuel à indemnisation des fonctionnaires reclassés qu'à compter de 2010, doit être appréciée au regard de ce contexte particulier et des décisions jurisprudentielles la concernant ; le préjudice de carrière a été évalué dans l'affaire Mothais à 10 000 euros ; le tribunal a fait une exacte appréciation en retenant la somme de 1 500 euros pour le préjudice moral, conformément à la jurisprudence la plus récente intéressant des agents de La Poste ; les troubles dans les conditions d'existence ne sont pas indemnisés au regard de la jurisprudence ;

- les préjudices allégués ne sont pas établis ; M. B...n'a satisfait aux conditions statutaires lui permettant d'envisager une promotion au grade d'inspecteur qu'à compter de 1998 ; il lui revient de démontrer qu'il aurait pu être promu entre 1998 et 2009 dans ce corps ; les notations E sur les quatre années précédant 2009 ne suffisent pas à démontrer qu'il aurait pu être nommé plus tôt dans ce corps, les notations postérieures n'étant pas pertinentes pour établir un retard de promotion ; l'aptitude à exercer des fonctions supérieures n'est pas établie par la production de la page des dossiers d'appréciation annuels portant sur ce point ; le fait qu'il ait remplacé son supérieur hiérarchique, de manière occasionnelle et limitée ne suffit pas à établir qu'il aurait exercé des fonctions équivalentes à celles susceptibles d'être confiées à un inspecteur, ou qu'il aurait été reconnu apte à exercer de telles fonctions à titre permanent ; l'existence de ces remplacements n'est pas établie ; il ne démontre pas avoir exercé la totalité des missions dévolues aux contrôleurs ; l'agent ayant toujours refusé d'être " reclassifié " dans un corps de qualification, il ne peut se prévaloir d'aucune promotion dans ce corps ; la charge de la preuve ne pèse pas sur l'administration, le juge ne peut sanctionner une carence de l'administration qu'après une injonction de communiquer les pièces, une telle mesure d'instruction ne pouvant intervenir qu'en cas d'allégations suffisamment étayées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 ;

- le décret modifié n° 58-777 du 25 août 1958 portant règlement d'administration publique pour la fixation du statut particulier du corps des inspecteurs des postes et télécommunications ;

- le décret n° 91-103 du 25 janvier 1991 relatif au statut particulier du corps des inspecteurs de La Poste et du corps des inspecteurs de France Télécom ;

- le décret n° 93-514 du 25 mars 1993 relatif aux dispositions statutaires applicables au corps des cadres supérieurs de La Poste et au corps des cadres supérieurs de France Télécom et les décrets du même jour : n° 93-512, 93-513, 93-515, 93-516, 93-517, 93-518 et 93-519 ;

- le décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de La Poste ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Samson-Dye, rapporteur,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

- les observations de MeD..., représentant M.B..., et de MeC..., représentant la Poste.

Vu la note en délibéré enregistrée le 4 novembre 2016, présentée pour La Poste ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 7 novembre 2016, présentée pour M.B... ;

1. Considérant que M. B...a recherché la condamnation de son employeur La Poste à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis dans le déroulement de sa carrière en l'absence, jusqu'à l'intervention du décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009, de toute possibilité de promotion le concernant du fait de son choix de rester dans un corps dit de " reclassement " ; que, par jugement du 17 décembre 2014, le tribunal administratif de Lyon, après avoir relevé l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de La Poste, a condamné cette société à lui verser une somme de 1 500 euros, au titre de son préjudice moral, et rejeté les conclusions présentées au titre de son préjudice matériel et des troubles dans les conditions d'existence ; que M. B...relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires ;

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :

2. Considérant qu'il n'est pas contesté, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, qu'en s'abstenant illégalement de prendre les mesures susceptibles de permettre l'application du droit à la promotion interne garanti aux fonctionnaires " reclassés ", la société La Poste a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M.B..., fonctionnaire de l'administration des postes et télécommunications ayant accédé au grade de contrôleur en 1987, remplissait les conditions statutaires pour être promu dans le corps des inspecteurs à compter de 1998, ainsi que le reconnaît d'ailleurs La Poste, et alors que les allégations de l'intéressé selon lesquelles il remplissait ces conditions depuis 1993 ne sont pas assorties des éléments permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il est constant qu'il a été nommé au grade d'inspecteur à compter de l'année 2009, soit dès que La Poste a recommencé à promouvoir les personnels des corps dits de " reclassement " ; qu'il résulte des pièces produites par le requérant qu'il a obtenu, lors de ses évaluations portant sur les années 2006 à 2010, les notes E, correspondant à une valeur professionnelle largement supérieure aux exigences du poste ; que, pour les années 2009 à 2010, les documents qu'il a versés devant le tribunal démontrent que son évaluateur a estimé qu'il avait une excellente aptitude à exercer un emploi supérieur ; qu'alors même que les éléments postérieurs à sa nomination dans le corps des inspecteurs ne prouvent pas, par eux-mêmes, qu'il justifiait d'une chance sérieuse d'accéder à cette promotion avant cette date, ils peuvent être pris en compte comme des éléments établissant, de manière générale, la valeur professionnelle de l'agent ; que La Poste, de son côté, s'abstient de produire tout document de nature à remettre en cause les mérites professionnels de l'intéressé ou son aptitude à exercer des fonctions d'inspecteur ; que, dans ces conditions, il résulte de l'instruction que, compte tenu des appréciations portées sur sa manière de servir, de son aptitude à occuper un poste supérieur et eu égard à la nature des fonctions susceptibles d'être confiées à un inspecteur, M. B...doit être regardé comme ayant été privé d'une chance sérieuse d'accéder à un corps supérieur, si des promotions avaient été organisées au bénéfice des fonctionnaires " reclassés " après 1993 ; qu'il a ainsi, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, droit à l'indemnisation du préjudice résultant de cette perte de chance sérieuse ; qu'il en sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 10 000 euros ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que c'est par une exacte appréciation que les premiers juges ont fixé à 1 500 euros la somme accordée à M. B...en réparation du préjudice moral subi par la faute de l'administration ;

5. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la condamnation prononcée à l'encontre de la Poste doit être portée de 1 500 euros à 11 500 euros ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

6. Considérant que M. B...a droit aux intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2011, date d'enregistrement de sa demande de première instance, ainsi qu'il le demande en dernier lieu devant la cour ; que M. B...a demandé la capitalisation des intérêts le 24 février 2015 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande à cette date puis à chaque échéance annuelle ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par La Poste et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de La Poste, qui succombe, une somme de 2 000 euros à verser à M. B...;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que La Poste a été condamnée à verser à M. A...B...par l'article 1er du jugement n° 1108041 du tribunal administratif de Lyon du 17 décembre 2014 est portée de 1 500 euros à 11 500 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2011. Les intérêts échus le 24 février 2015 seront capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement n° 1108041 du tribunal administratif de Lyon du 17 décembre 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La Poste versera une somme de 2 000 euros à M. B...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et à La Poste.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 novembre 2016.

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N° 15LY00680


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