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15/11/2016 | FRANCE | N°15LY01278

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 15 novembre 2016, 15LY01278


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une indemnité de 252 679,07 euros en réparation des préjudices subis à la suite d'une opération chirurgicale effectuée le 18 avril 2006 au centre hospitalier de Montluçon.

Par un jugement n° 1300144 du 25 février 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette dem

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Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires complémentaires ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une indemnité de 252 679,07 euros en réparation des préjudices subis à la suite d'une opération chirurgicale effectuée le 18 avril 2006 au centre hospitalier de Montluçon.

Par un jugement n° 1300144 du 25 février 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 15 avril 2015, 13 juin 2016 et 12 juillet 2016, M. D...demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 février 2015 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 349 162,46 euros en réparation des préjudices subis ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM les frais de l'expertise ;

4°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 35 euros au titre du droit de timbre fiscal engagé pour l'instance n° 1300144 ;

5°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient :

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Montluçon :

- que le tribunal a dénaturé les pièces du dossier s'agissant de l'existence d'un lien de causalité entre l'intervention litigieuse et les préjudices qu'il a subis ;

- que le dommage présente un caractère anormal et atteint le seuil de gravité ouvrant droit à indemnisation ;

Sur les préjudices subis :

- que sa perte de gains professionnels actuels jusqu'à la date de consolidation s'élève à 31 647,84 euros ;

- que sa perte de gains professionnels futurs s'élève à 185 988,40 euros ;

- que l'incidence professionnelle doit être estimée à 50 000 euros ;

- que les frais d'assistance et de conseil doivent être indemnisés à hauteur de 1 500 euros ;

- que les frais de déplacement représentent un montant de 149,02 euros ;

- que les souffrances endurées doivent être indemnisées à hauteur de 6 000 euros ;

- que son déficit fonctionnel temporaire, total pendant 7 jours, puis partiel pendant 1 698 jours, doit être indemnisé à hauteur de 11 877,20 euros ;

- que son déficit fonctionnel permanent, de 30 %, doit être indemnisé à hauteur de 60 000 euros ;

- que son préjudice d'agrément doit être indemnisé à hauteur de 2 000 euros.

Par des mémoires en défense enregistrés le 8 juillet 2015 et le 8 juillet 2016, l'ONIAM conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à la réformation du jugement en ce qu'il met les frais d'expertise à sa charge et demande, à titre subsidiaire, la désignation d'un nouvel expert judiciaire, et à titre plus subsidiaire, de débouter M. D...de ses demandes au titre de la perte de gains actuels, de la perte de gains futurs et du préjudice d'agrément et de réduire son indemnisation au titre des autres postes de préjudice.

Il fait valoir :

- que le lien de causalité entre l'intervention et les troubles dont souffre M. D...n'est pas établi ;

- que les troubles n'atteignent pas le seuil de gravité requis pour prétendre à une indemnisation ;

- que son absence d'embauche en 2006 est sans lien avec l'intervention chirurgicale du 18 avril 2016 ;

- qu'il n'est pas établi que M. D...est inapte à toute activité professionnelle pour l'avenir ;

- que l'indemnisation de l'incidence professionnelle ne saurait excéder 10 000 euros ;

- que M. D...ne rapporte pas la preuve d'avoir dépensé 1 500 euros en matière de conseil et d'assistance ;

- que l'indemnisation de son déficit fonctionnel temporaire, d'une durée de 1 651 jours, ne saurait excéder 7 429,50 euros ;

- que l'indemnisation de son déficit fonctionnel permanent ne saurait excéder 24 768 euros ;

- que M. D...ne justifie d'aucun préjudice d'agrément.

Par une lettre en date du 8 septembre 2016, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité en appel des conclusions indemnitaires de la requête de M. D... excédant celles de première instance.

Par mémoire enregistré le 13 septembre 2016 en réponse à cette lettre, M. D...maintient ses conclusions indemnitaires.

Il indique qu'elles ont simplement été réactualisées par rapport à sa demande de première instance, avec l'application d'un barème de capitalisation plus conforme à la réalité économique.

Par un mémoire enregistré le 15 septembre 2016 en réponse à cette lettre, l'ONIAM conclut à l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires excédant celles de première instance.

Il considère qu'il s'agit de conclusions nouvelles en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beytout, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.

1. Considérant que, le 18 avril 2006, M.D..., qui souffrait d'un prolapsus hémorroïdaire, a subi une hémorroïdectomie par technique de Milligan et Morgan au centre hospitalier de Montluçon ; qu'à la suite de cette intervention il s'est plaint de troubles ; que le 25 juillet 2008, il a saisi en référé le tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui, le 19 août 2008, a ordonné une première expertise, confiée au Dr C..., lequel a déposé son rapport le 29 juin 2009 ; que M. D...a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) d'Auvergne le 24 juin 2010, laquelle a ordonné une expertise médicale, confiée au DrA... ; qu'à la suite du dépôt de ce deuxième rapport, le 25 septembre 2010, la CRCI d'Auvergne a estimé, dans son avis du 4 novembre 2010, que M. D... n'avait pas été victime d'un accident médical ouvrant droit, en application des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, à une indemnisation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale ; que, le 17 septembre 2012, M. D...a saisi de nouveau en référé le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, qui a ordonné une expertise confiée au Pr Gainant ; que celui-ci a déposé son rapport le 24 décembre 2012 ; que le 30 janvier 2013, M. D...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner l'ONIAM à l'indemniser des préjudices subis du fait de l'intervention chirurgicale dont s'agit ; que par un jugement du 25 février 2015 dont M. D... fait appel, le tribunal a rejeté cette demande ; que par la voie de l'appel incident, l'ONIAM demande la réformation du jugement en tant qu'il met à sa charge les frais des expertises réalisées par le Dr C... et le Pr Gainant ;

Sur l'appel principal de M.D... :

2. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire " ; qu'aux termes de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 % (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état, et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique ; que la condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ;

4. Considérant que lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; qu'ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage ;

5. Considérant que depuis l'hémorroïdectomie pratiquée le 18 avril 2006, M. D... souffre de troubles liés à une microrectie avec diminution de la compliance rectale ; que toutefois, d'une part, si l'intensité des douleurs ressenties par M. D... est inhabituelle, cette seule circonstance n'est pas de nature à démontrer, au vu des trois rapports d'expertise réalisés, que l'intervention chirurgicale a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles l'intéressé aurait été exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ; que, d'autre part, la survenance de telles douleurs après ce type d'intervention, qui se produit dans environ 4 % des cas d'après la littérature médicale, constitue une complication assez fréquente ; que, par suite, la condition d'anormalité prévue au II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ne peut être regardée comme étant remplie ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ; que sa requête doit dès lors être rejetée, ainsi que par voie de conséquence ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur l'appel incident de l'ONIAM :

7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat./ Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) " ;

8. Considérant qu'aucune circonstance particulière de l'affaire ne justifie que les frais des deux expertises ordonnées par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand soient mis à la charge de l'ONIAM, qui n'est partie perdante ni devant le tribunal ni devant la cour ; qu'il y a lieu de réformer sur ce point le jugement attaqué et de mettre ces frais à la charge de M. D... ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les frais et honoraires des deux expertises diligentées par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand sont mis à la charge définitive de M. D....

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 25 février 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D...et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales. Copie en sera adressée aux Dr C...et Pr Gainant.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Beytout, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 novembre 2016.

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N° 15LY01278


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01278
Date de la décision : 15/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute. Actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: Mme Emilie BEYTOUT
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : GIRAUDET

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-11-15;15ly01278 ?
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