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10/11/2016 | FRANCE | N°16LY01036

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 10 novembre 2016, 16LY01036


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 7 décembre 2010 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes lui a infligé une sanction financière d'un montant de 592 944 euros, en application de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale.

Par un jugement n° 1100895 du 4 juin 2013, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13LY02185 du 5

février 2015, la cour administrative d'appel de Lyon a, à la demande du centre hospitalie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 7 décembre 2010 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes lui a infligé une sanction financière d'un montant de 592 944 euros, en application de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale.

Par un jugement n° 1100895 du 4 juin 2013, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13LY02185 du 5 février 2015, la cour administrative d'appel de Lyon a, à la demande du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne, annulé le jugement du tribunal administratif de Lyon et rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de sanction prononcée par le directeur général de l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes.

Par une décision n° 389279 du 4 mars 2016, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 1er août 2013, 24 mars 2014, 5 janvier 2015, 16 janvier 2015 et 17 mai 2016, le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne, représenté par la SELARL A...et Cara, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 juin 2013 ;

2°) d'annuler la décision du 7 décembre 2010 du directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) de Rhône-Alpes et de le décharger de la somme de 592 944 euros ;

3°) d'enjoindre à l'administration de procéder au remboursement de ladite somme, outre intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l'ARS de Rhône-Alpes la somme de 3 500 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable car il a intérêt à agir et a respecté le délai d'appel ;

- la décision n'est pas motivée, au regard des dispositions combinées de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979, de l'article L. 1622-18 du code de la sécurité sociale et de l'article 81 du décret du 29 décembre 1962 ; les premiers juges ont commis une erreur de droit en ne se prononçant pas au regard de ces dispositions ; en l'absence d'une motivation l'informant d'une manière détaillée de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui, les stipulations de l'article 6-3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- la décision en litige ne satisfait pas aux conditions de délai posées par les dispositions de l'article R. 162-42-13 du code de la sécurité sociale qui prévoient que le directeur de l'agence régionale de santé notifie la sanction dans le délai d'un mois ; la preuve du respect du délai fixé pour saisir la commission de contrôle n'est pas rapportée ;

- le principe du contradictoire n'a pas été respecté en ce qui concerne les fiches n° 6 dont aucune copie n'a été laissée à la disposition de l'établissement ; le tribunal n'a pas statué sur ce moyen ; le centre hospitalier n'a pas été informé dès le départ de son droit à se faire assister par un conseil, en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- l'existence d'un dossier manquant ne constitue pas un motif pour l'application des dispositions de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale et, dès lors, la décision manque de base légale ;

- la détermination de la sanction financière, par extrapolation en fixant le montant de cette sanction suivant un pourcentage de statistiques d'erreur appliqué à l'échantillon de dossiers contrôlés et jugés mal codés, est contraire aux dispositions de l'article R. 162-42-10 du code de la sécurité sociale, qui prévoient seulement la possibilité d'opérer un contrôle sur un échantillon de dossiers et non de sanctionner toute une masse à partir de cet échantillon ; l'échantillon n'est pas représentatif ;

- la preuve des manquements aux règles de facturation fixées en application des dispositions de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, du non-respect des règles de codage et d'absence de réalisation de prestations facturées n'est pas rapportée ;

- il a présenté, dans le cadre d'un recours de plein contentieux, des conclusions tendant au remboursement des sommes versées ;

- il maintient les moyens présentés devant le tribunal administratif et le Conseil d'Etat.

Par des mémoires enregistrés les 15 novembre 2013, 25 septembre 2014 et 20 mai 2016, le ministre des affaires sociales et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Samson-Dye, rapporteur,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

- les observations de MeA..., représentant le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne.

1. Considérant que le 7 décembre 2010 le directeur général de l'agence régionale de santé (ci-après ARS) de Rhône-Alpes a décidé d'infliger au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne une sanction financière de 592 944 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, à la suite d'un contrôle externe, mené dans le cadre du programme régional de contrôle de l'année 2009 de l'agence, concernant la tarification à l'activité au titre de l'année 2008 ; que ce contrôle, portant sur huit groupes homogènes de séjour, a fait apparaître des anomalies de facturation sur des dossiers figurant dans les échantillons tirés au sort ; que le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne relève appel du jugement du 4 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ladite décision du 7 décembre 2010 du directeur général de l'ARS de Rhône-Alpes ;

Sur la légalité de la décision du directeur général de l'agence régionale de santé :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date de la décision litigieuse : " Les établissements de santé sont passibles, après qu'ils ont été mis en demeure de présenter leurs observations, d'une sanction financière en cas de manquement aux règles de facturation fixées en application des dispositions de l'article L. 162-22-6, d'erreur de codage ou d'absence de réalisation d'une prestation facturée. / Cette sanction est prise par le directeur général de l'agence régionale de santé, à la suite d'un contrôle réalisé sur pièces et sur place (...) en application du programme de contrôle régional établi par l'agence. Le directeur général de l'agence prononce la sanction après avis d'une commission de contrôle composée à parité de représentants de l'agence et de représentants des organismes d'assurance maladie et du contrôle médical. (...) La sanction est notifiée à l'établissement. / Son montant est fonction du pourcentage des sommes indûment perçues par rapport aux sommes dues (...) " ; que l'article R. 162-42-13 du même code, dans sa rédaction applicable à la décision en litige, dispose : " La sanction envisagée et les motifs la justifiant sont notifiés à l'établissement par tout moyen permettant de déterminer la date de réception. L'établissement dispose d'un délai d'un mois pour présenter ses observations. Au terme de ce délai, le directeur général sollicite l'avis de la commission de contrôle, notamment sur le montant de la sanction. Il prononce la sanction, la notifie à l'établissement dans un délai d'un mois par tout moyen permettant de déterminer la date de réception en indiquant à l'établissement le délai et les modalités de paiement des sommes en cause ainsi que, le cas échéant, les raisons pour lesquelles il n'a pas suivi l'avis de la commission de contrôle (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'une sanction financière prononcée sur le fondement de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale doit être motivée ; que, pour satisfaire à cette exigence, le directeur général de l'agence régionale de santé doit indiquer, soit dans sa décision elle-même, soit par référence à un document joint ou précédemment adressé à l'établissement de santé, outre les dispositions en application desquelles la sanction est prise, les considérations de fait et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde pour décider de son principe et en fixer le montant ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse mentionne les dispositions en application desquelles la sanction est prise et énumère le montant retenu pour chacun des groupes homogènes de séjours retenus ; que cette décision, ainsi que ses annexes et les documents communiqués antérieurement à l'établissement de santé, permettent d'identifier les types d'anomalies qui ont été relevés, ainsi que les données financières retenues pour calculer une sanction maximale de 1 448 509,80 euros ; que la décision du 7 décembre 2010 évoque également les résultats des précédents contrôles de la tarification à l'activité menés en 2006 et 2008 ; qu'en revanche, alors que la sanction initialement envisagée par la commission exécutive était d'un montant de 1 448 509,80 euros et que le montant de la sanction finalement appliquée a été ramené à 592 944 euros, aucun élément communiqué au centre hospitalier ne lui permet, pas plus qu'au juge de l'excès de pouvoir, de comprendre comment ont été déterminés les montants finalement retenus pour chaque groupe homogène de séjour ; qu'ainsi, la décision litigieuse et les documents auxquels elle se référait, qui avaient été précédemment adressés à l'établissement, n'ont pas permis à ce dernier de connaître les éléments en fonction desquels le montant de la sanction a été finalement arrêté ; que cette circonstance fait obstacle, dans les circonstances de l'espèce, à ce qu'il puisse contester ce montant de manière utile, puisqu'il ne peut déterminer, au regard des éléments qui lui ont été communiqués, si certains des griefs qui lui ont été adressés ont été abandonnés, compte tenu notamment des explications qu'il a communiquées lors de la procédure contradictoire, ou si le directeur général de l'agence régionale a entendu faire jouer son pouvoir général de modulation, et ne permet pas davantage à la cour de connaître précisément les bases de calcul finalement retenues ; qu'il suit de là que la décision du 7 décembre 2010 du directeur général de l'ARS de Rhône-Alpes est insuffisamment motivée et doit, pour ce motif, être annulée ; que le CHU de Saint-Etienne est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions aux fins d'annulation ;

Sur les conclusions aux fins de décharge :

5. Considérant qu'un recours devant le juge administratif tendant à l'annulation d'une sanction prononcée à l'encontre d'un établissement de santé sur le fondement de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, qui a le caractère d'une sanction visant à réprimer la méconnaissance des règles particulières auxquelles est soumis l'exercice d'une activité professionnelle déterminée, relève du contentieux de l'excès de pouvoir ; que, dans ces conditions, les conclusions aux fins de décharge présentées par le centre hospitalier, et qui ne relèvent pas de l'office du juge de l'excès de pouvoir, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

7. Considérant que l'annulation par une décision juridictionnelle d'un acte administratif opposant une sanction financière pour un motif d'insuffisance de motivation n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation éventuelle par l'administration, que les sommes perçues par l'administration sur le fondement de cette sanction soient immédiatement restituées à l'intéressé ; que, dans ces conditions, il y a seulement lieu d'enjoindre à l'agence régionale de santé d'Auvergne-Rhône-Alpes, si elle n'a pas émis avant l'expiration d'un délai de trois mois, de nouveaux titres dans des conditions régulières, de restituer au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne les sommes perçues sur le fondement de la décision annulée, augmentés des intérêts à compter de la date d'encaissement des sommes, et de la capitalisation des intérêts soit à compter du 14 février 2011, s'ils étaient dus à cette date depuis un an, soit à compter de la date à laquelle ils étaient dus depuis un an si elle est plus tardive ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le centre hospitalier et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1100895 du tribunal administratif de Lyon du 4 juin 2013 et la décision du directeur de l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes du 7 décembre 2010 opposant une sanction financière de 592 944 euros au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à l'agence régionale de santé d'Auvergne-Rhône-Alpes de restituer au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne les sommes perçues sur le fondement de la sanction annulée à l'article 1er du présent arrêt, augmentées des intérêts à compter de la date d'encaissement des sommes, et de la capitalisation des intérêts soit à compter du 14 février 2011, s'ils étaient dus à cette date depuis un an, soit à compter de la date à laquelle ils étaient dus depuis un an si elle est plus tardive, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, si l'agence régionale de santé n'a pas édicté avant l'expiration de ce délai une nouvelle sanction financière dans des conditions régulières.

Article 3 : L'Etat versera, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 000 euros au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne, à la ministre des affaires sociales et de la santé et à l'agence régionale de santé d'Auvergne-Rhône-Alpes.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2016 à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 novembre 2016.

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N° 16LY01036


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY01036
Date de la décision : 10/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Questions générales - Motivation - Motivation obligatoire - Motivation obligatoire en vertu d'un texte spécial.

Santé publique - Établissements publics de santé - Fonctionnement - Financement.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : MONTAZEAU et CARA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-11-10;16ly01036 ?
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