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10/11/2016 | FRANCE | N°16LY00115

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 10 novembre 2016, 16LY00115


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 24 mars 2015 du préfet du Puy-de-Dôme refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de destination en cas d'éloignement d'office.

Par un jugement n° 1501303 du 29 septembre 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en

réplique, enregistrés le 11 janvier 2016 et le 15 avril 2016, M. A... B..., représenté par Me F...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 24 mars 2015 du préfet du Puy-de-Dôme refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de destination en cas d'éloignement d'office.

Par un jugement n° 1501303 du 29 septembre 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 11 janvier 2016 et le 15 avril 2016, M. A... B..., représenté par Me Faure Cromarias, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 29 septembre 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 mars 2015 du préfet du Puy-de-Dôme ;

3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé le délai de 8 jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", à tout le moins, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer dans cette attente un récépissé avec autorisation de travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au profit de Me Faure Cromarias qui renoncera, dans cette hypothèse, à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991, de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'est pas établi que le médecin de l'agence régionale de santé d'Auvergne a émis un avis régulier ;

- le préfet a omis de saisir la commission du titre de séjour ;

- l'arrêté attaqué, en tant qu'il porte refus de titre de séjour, n'est pas suffisamment motivé en ce qu'il n'indique pas les conséquences graves qui pourraient survenir en cas d'arrêt de son traitement et ne précise ni sa pathologie ni dans quelles conditions il pourrait être soigné dans son pays d'origine ;

- à supposer que le médecin de l'agence régionale de santé d'Auvergne ait été saisi, il a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet a méconnu les dispositions du 11° et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du même code et les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2016, le préfet du Puy-de-Dôme conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 9 mars 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 5 avril 2016.

Par ordonnance du 7 avril 2016, la clôture de l'instruction a été reportée au 22 avril 2016.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 novembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Michel a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., ressortissant de la République de Géorgie, né le 3 juin 1980, est entré en France au mois d'août 2012 ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 18 juin 2013 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par un arrêt du 11 mars 2014 de la Cour nationale du droit d'asile ; qu'il a demandé le 27 mars 2014 au préfet du Puy-de-Dôme la délivrance d'une carte de séjour temporaire pour raison de santé ; que par un arrêté du 24 mars 2015, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé la République de Géorgie comme pays de destination en cas d'éloignement d'office ; que M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...) " ;

3. Considérant que le préfet du Puy-de Dôme a refusé de délivrer à M. B...une carte de séjour temporaire sur le fondement de ces dispositions au motif qu'il ne ressortait pas des pièces figurant à son dossier ni des éléments portés à sa connaissance concernant l'offre de soins en Géorgie que l'intéressé ne pourrait pas être soigné dans son pays d'origine ;

4. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé conforme à ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

5. Considérant que M. B...souffre d'une spondylarthropathie ankylosante très sévère avec atteinte osseuse importante et enraidissement du rachis cervical et dorsal ; que le médecin de l'agence régionale de santé d'Auvergne a estimé dans son avis émis le 5 septembre 2014 que l'état de santé de M. B...nécessite une prise en charge médicale de longue durée dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié à son état de santé en République de Géorgie ; qu'il ressort toutefois du certificat médical établi le 3 avril 2015 par un praticien hospitalier du service de rhumatologie du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand que M. B...est suivi dans ce service depuis son admission au service des urgences en octobre 2012 en raison de lombalgies invalidantes, qu'une intolérance digestive a rendu nécessaire l'arrêt d'un traitement par anti-inflammatoires et qu'un traitement par Remicade a été mis en place au mois de février 2013, permettant une atténuation des douleurs et une meilleure mobilité ; que ce praticien certifie que l'arrêt de ce traitement se solderait par une reprise des douleurs, notamment rachidiennes, associée à une majoration de l'impotence fonctionnelle et du handicap du patient ; que si ce certificat médical est postérieur à l'arrêté contesté, il décrit cependant l'état de santé antérieur de M. B... ; qu'il ressort du certificat médical établi le 21 mai 2015 que l'enraidissement du rachis cervical et dorsal dont est atteint l'intéressé gène aussi la respiration et peut le conduire à une insuffisance respiratoire et qu'une reprise évolutive de sa maladie entraînerait une altération de son état général qui l'amènerait à un état presque grabataire ; que, dans ces conditions, sans qu'y fasse obstacle l'avis contraire émis le 5 septembre 2014 par le médecin de l'agence régionale de santé d'Auvergne, M. B...doit être regardé comme établissant que son état de santé, à la date de l'arrêté du 24 mars 2015, nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que le préfet du Puy-de-Dôme ne justifie pas la possibilité pour le requérant de bénéficier d'un traitement approprié à son état en République de Géorgie ; que, par suite, M. B... est fondé à soutenir que le préfet du Puy-de-Dôme a fait une inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait sur le fondement de ces dispositions ; que, par suite, M. B...est fondé à demander l'annulation de l'arrêté pris à son encontre le 24 mars 2015 ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

7. Considérant qu'eu égard au motif de l'annulation ci-dessus prononcée, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Faure Cromarias, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Faure Cromarias de la somme de 1 000 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 29 septembre 2015 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand et l'arrêté du 24 mars 2015 du préfet du Puy-de-Dôme sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Puy-de-Dôme de délivrer à M. B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par M. B...est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à Me Faure Cromarias une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Faure Cromarias renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à Me Faure Cromarias, au ministre de l'intérieur et au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2016, où siégeaient :

- M. d'Hervé, président de chambre,

- Mme Michel, président-assesseur,

- Mme Gondouin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 novembre 2016.

2

N° 16LY00115


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY00115
Date de la décision : 10/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : FAURE CROMARIAS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-11-10;16ly00115 ?
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