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03/11/2016 | FRANCE | N°14LY02955

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 03 novembre 2016, 14LY02955


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C...B...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 22 mai 2013 par lequel président du conseil général de l'Yonne lui a infligé la sanction du blâme et la condamnation du département de l'Yonne à lui verser, d'une part, une somme de 3 000 euros pour procédure vexatoire et abusive et, d'autre part, une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi pour harcèlement moral.

Par jugement n° 1301908 du 24 juin 2014, le tribunal administratif de Dijon a

rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C...B...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 22 mai 2013 par lequel président du conseil général de l'Yonne lui a infligé la sanction du blâme et la condamnation du département de l'Yonne à lui verser, d'une part, une somme de 3 000 euros pour procédure vexatoire et abusive et, d'autre part, une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi pour harcèlement moral.

Par jugement n° 1301908 du 24 juin 2014, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 25 septembre 2014, le 2 décembre 2014 et le 3 octobre 2016, Mme C...B...épouseD..., représentée par la SCP Revest-Lesquin-Jeandeaux-Durif, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 24 juin 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 mai 2013 du président du conseil général de l'Yonne ;

3°) de condamner le département de l'Yonne à lui verser une somme de 3 000 euros pour procédure vexatoire et abusive ;

4°) de condamner le département de l'Yonne à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi pour harcèlement moral ;

5°) de mettre à la charge du département de l'Yonne une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande devant les premiers juges était recevable ;

- elle n'a pas obtenu communication intégrale de son dossier individuel, en ce que les annexes à la note du 22 août 2012 ne lui ont pas été remises avant l'entretien du 19 avril 2013 et que la note du 23 août 2012 ne lui a pas été remise avant le prononcé de la sanction ; le courrier du 4 avril 2013 l'informant de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre ne précise pas les griefs qui lui sont reprochés ; elle n'a pas été mise à même de se défendre correctement lors de l'entretien préalable ; la décision de lui infliger un blâme était déjà prise à la date de l'entretien préalable ;

- les griefs de non-réalisation de tâches, d'insuffisance dans sa manière de servir et de négligences répétées, sur lesquels est fondée la sanction, ne sont pas établis ; les témoignages produits devant les premiers juges sont dépourvus de fiabilité ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, son parcours professionnel antérieur est satisfaisant, alors que la sanction précédente d'exclusion temporaire de fonction dont elle a fait l'objet est ancienne ;

- la sanction du blâme qui lui est infligée est susceptible d'emporter de lourdes conséquences sur sa carrière ;

- le caractère vexatoire et abusif de la procédure justifie une indemnisation ;

- le caractère agressif de la réunion du 5 juillet 2012, la volonté de l'écarter du service, le délai écoulé entre la rédaction des rapports énumérant les griefs et la sanction ainsi que les témoignages constituent des agissements laissant présumer l'existence de faits de harcèlement moral depuis janvier 2011, qui ont eu pour effet la dégradation de son état de santé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2014, le département de l'Yonne, pris en la personne de son président en exercice, représenté par la SELARL Philippe Petit et associés, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme D...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête de Mme D...est tardive ;

- la demande de Mme D...devant les premiers juges était irrecevable faute d'avoir précisé son adresse ;

- les droits de la défense et le caractère contradictoire de la procédure n'ont pas été méconnus ;

- les griefs sont fondés ;

- la sanction n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation ;

- le département de l'Yonne n'a commis aucune faute susceptible de donner lieu à indemnisation ;

- Mme D...n'établit pas avoir subi de préjudice du fait de la décision contestée.

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de soulever d'office le non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la requête, dès lors qu'en application de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984, le blâme a été rétroactivement effacé du dossier de MmeD....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Peuvrel,

- les conclusions de M. Clément, rapporteur public

- et les observations de Me A...pour le département de l'Yonne ;

1. Considérant que le président du conseil général de l'Yonne a, par arrêté du 22 mai 2013, prononcé la sanction disciplinaire du blâme contre MmeD..., adjoint administratif territorial de 2ème classe auprès du département de l'Yonne depuis le 1er avril 1992 ; que le tribunal administratif de Dijon, par un jugement du 24 juin 2014 dont Mme D...relève appel, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et à ce que le département de l'Yonne soit condamné à lui verser, d'une part, une somme de 3 000 euros pour procédure vexatoire et abusive et, d'autre part, une somme de 20 000 euros en réparation des faits de harcèlement moral dont elle aurait été victime ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme (...). / Parmi les sanctions du premier groupe, seuls le blâme et l'exclusion temporaire de fonctions sont inscrits au dossier du fonctionnaire. Ils sont effacés automatiquement au bout de trois ans si aucune sanction n'est intervenue pendant cette période. (...) " ;

3. Considérant qu'en application de ces dispositions, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D...aurait fait l'objet par la suite d'une nouvelle sanction disciplinaire, le blâme qui lui a été infligé par arrêté du président du conseil général de l'Yonne du 22 mai 2013 a été automatiquement et rétroactivement effacé du dossier administratif de l'intéressé le 22 mai 2016 ; que, dès lors, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

4. Considérant, en premier lieu, que Mme D...soutient que la procédure disciplinaire dont elle a fait l'objet a revêtu un caractère vexatoire, en ce qu'elle ignorait l'existence dans son dossier administratif de deux notes, établies le 22 août 2012 par sa supérieure hiérarchique et le 23 août 2012 par le directeur général adjoint en charge du pôle des solidarités départementales envisageant une sanction disciplinaire et exposant les manquements qui lui étaient reprochés, dont elle n'a eu connaissance que le 5 avril 2013, après engagement de la procédure disciplinaire et que celle-ci est intervenue plus de huit mois après la rédaction de ces notes et quelques jours seulement après la signature par sa supérieure hiérarchique de sa demande de détachement auprès d'une autre collectivité ; que, toutefois, les faits ainsi exposés ne sont pas, par eux-mêmes, de nature à révéler une faute de son employeur, alors, au demeurant, que Mme D...ne se prévaut d'aucun préjudice qui aurait résulté de cette prétendue faute ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que Mme D...soutient que la procédure disciplinaire engagée contre elle était abusive, le blâme qui lui a été infligé par arrêté du 22 mai 2013 étant injustifié et ne reposant sur aucun élément concret ; qu'il résulte, toutefois, de l'instruction que l'intéressée faisait preuve d'un comportement inadapté sur son lieu de travail en privilégiant, pendant ses heures de service, ses communications téléphoniques personnelles aux appels professionnels qui lui étaient destinés, gênant ainsi le travail de ses collègues, et en faisant preuve de négligences et d'oublis répétés ; que ces manquements ne sont pas isolés, comme le démontre le courrier du 16 juillet 2010, dont Mme D...ne conteste pas la teneur, par lequel le directeur de la maison départementale des personnes handicapées de l'Yonne a demandé au département qu'il soit mis fin à sa mise à disposition, motifs pris de son absentéisme, de ses relations conflictuelles avec ses collègues et de sa mauvaise intégration dans l'équipe ; que Mme D... n'est, dans ces conditions, pas fondée à demander une indemnisation au motif que le département aurait commis une faute en lui infligeant un blâme ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, au sens de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; que Mme D...allègue qu'elle a subi des actes de harcèlement ayant conduit à une dégradation de son état de santé et, en raison d'arrêts de travail, à une perte de revenus ; qu'elle soutient ainsi que sa supérieure hiérarchique a eu l'intention, dès sa prise de poste, en janvier 2011, de l'écarter du service, qu'il lui a été reproché de travailler à temps partiel, qu'elle a été contrainte de s'éloigner de sa famille en sollicitant un détachement à Paris et que la réunion du 5 juillet 2012, au cours de laquelle elle aurait essuyé des reproches, a constitué un évènement traumatisant, entraînant son placement en arrêt de travail ; que, toutefois la demande de détachement produite par l'intéressée ne mentionne aucun motif de la nature de ceux invoqués ; que si un certificat médical du 20 juillet 2012 fait état de "symptômes consécutifs à des conflits professionnels ayant justifié des arrêts de travail", le lien entre l'état de santé de la requérante et ses conditions de travail n'est pas établi autrement que par ses propres allégations ; que ni l'intention d'écarter la requérante du service, ni les reproches qui lui auraient été adressés quant à son emploi à temps partiel ne sont établis, alors qu'aucun élément précis n'est produit sur la teneur de la réunion du 5 juillet 2012, pourtant présentée comme étant à l'origine de l'arrêt de travail de MmeD... ; que, par suite, Mme D...ne produit pas d'élément permettant de présumer qu'elle aurait subi des agissements constitutifs de faits de harcèlement moral ; que, dans ces conditions, les conclusions de Mme D...tendant à être indemnisée des conséquences de tels agissements à son égard doivent être rejetées ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par le département de l'Yonne, que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à l'avocat des requérants de la somme demandée au titre des frais non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D...une somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation du jugement en tant qu'il rejette les conclusions dirigées contre l'arrêté du 22 mai 2013 ni sur ces dernières conclusions.

Article 2 : Le surplus de la requête de Mme D...est rejeté.

Article 3 : Mme D...versera au département de l'Yonne une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...épouse D...et au département de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- M. Drouet, président-assesseur,

- Mme Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 novembre 2016.

6

N° 14LY02955


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02955
Date de la décision : 03/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : REVEST-LEQUIN-JEANDAUX-DURIF

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-11-03;14ly02955 ?
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