Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la commune de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 23 700 euros, correspondant aux indemnités servies à M.A..., agent communal, outre intérêts au taux légal, capitalisés.
Par un jugement n° 1300366 du 17 juin 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné la commune de Clermont-Ferrand à verser au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) :
- une indemnité de 23 700 euros au titre de l'action subrogatoire que le fonds avait exercée, assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2011, capitalisés à compter du 11 mars 2013 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
- une somme de 1 035 euros au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 août 2014, présentée pour la commune de Clermont-Ferrand, il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1300366 du 17 juin 2014 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) de rejeter la demande du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) ;
3°) de mettre à la charge du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) la somme de 2 500 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que, pour la condamner à verser au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) une indemnité de 23 700 euros, le tribunal s'est fondé sur le barème du FIVA, alors que ce document ne figurait pourtant pas au dossier porté à la connaissance de la commune, en méconnaissance du principe du contradictoire ; si ce barème permet de déterminer une base de proposition d'indemnisation à la victime, il ne s'impose nullement à l'employeur et encore moins au juge chargé de connaître le litige ;
- le FIVA n'a pas pris soin de communiquer un exemplaire de son barème, document interne et indicatif, ni indiqué l'évaluation retenue pour chaque chef de préjudice, s'étant contenté de préciser le montant des indemnités proposées et versées à la victime, contrairement aux dispositions du IV de l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 ;
- le préjudice indemnisable de M.A..., dans les droits duquel le FIVA est subrogé, n'étant pas établi, les conclusions principales du FIVA auraient dû être rejetées par les premiers juges ;
- le quantum de l'indemnisation est disproportionné, alors que le préjudice physique est déjà pris en compte dans les majorations statutaires versées à M.A....
Par un mémoire, enregistré le 6 octobre 2014, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Clermont-Ferrand au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en vertu des articles 53-IV de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 et 36 du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001, le FIVA, ayant versé à M.A..., agent de la commune de Clermont-Ferrand, la somme de 23 700 euros en réparation de ses préjudices moral, physique et d'agrément, il se trouve subrogé, à due concurrence, dans les droits que possède la victime à l'encontre des personnes tenues d'assurer la réparation de ces préjudices, dans la limite du montant des prestations à la charge desdites personnes ; il résulte de la combinaison de ces dispositions législatives et réglementaires et de la jurisprudence du Conseil d'Etat que le FIVA est recevable et fondé à obtenir de la commune de Clermont-Ferrand le remboursement des indemnités versées à M. A...du fait de la pathologie résultant de son exposition professionnelle à l'inhalation de poussières d'amiante ;
- le moyen tiré d'une irrégularité du jugement, en ce que les premiers juges auraient fondé leur décision sur un document non communiqué au défendeur, à savoir le barème d'indemnisation du FIVA, doit être écarté dès lors que le jugement attaqué n'est pas tant fondé sur un document qui n'aurait pas été contradictoirement communiqué que sur l'appréciation des premiers juges selon laquelle le défendeur n'établissait pas que les sommes dont le remboursement lui était demandé auraient excédé la mesure des préjudices subis par son agent ;
- le FIVA a démontré que les indemnités allouées à M. A...correspondaient à la stricte indemnisation des préjudices résultant de sa pathologie asbestosique et ne peuvent être regardées comme excédant la réparation des préjudices extra-patrimoniaux subis par la victime.
Par un mémoire, enregistré le 3 février 2015, présenté pour la commune de Clermont-Ferrand, elle maintient ses conclusions par les mêmes moyens.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 ;
- le décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 6 octobre 2016 :
- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;
- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.
1. Considérant que M.A..., agent de la commune de Clermont-Ferrand, au grade d'adjoint technique territorial principal de deuxième classe, qui avait été exposé, dans le cadre de ses fonctions professionnelles d'électromécanicien chauffagiste, à l'inhalation de poussières d'amiante, a souffert d'une pathologie ayant conduit au diagnostic de plaques pleurales, posé le 15 janvier 2007 à l'occasion d'un examen par scanner ; qu'il a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de cette pathologie ; que, par décision du 7 juillet 2008, prise après avis du 3 juillet 2008 de la commission de réforme, la commune de Clermont-Ferrand a reconnu le caractère de maladie professionnelle de sa pathologie ; que par un arrêté du 26 février 2010, faisant suite à l'avis de la commission départementale de réforme du 1er septembre 2009, une allocation temporaire d'invalidité lui a été accordée, compte tenu d'un taux d'incapacité permanente de 5 %, suite à sa maladie professionnelle déclarée le 10 avril 2007 ; que, parallèlement, le 21 juillet 2009, M. A... a saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) sur le fondement de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 susvisée, qui lui a proposé l'indemnisation forfaitaire de ses préjudices extra patrimoniaux, autres que son préjudice fonctionnel, à hauteur de 23 700 euros, indemnisation qu'il a acceptée le 16 août 2010 ; que le FIVA a saisi la commune de Clermont-Ferrand d'une demande subrogatoire sur le fondement des dispositions de l'article 53-VI de la loi du 23 décembre 2000 susvisée, que cette dernière a rejetée ; que la commune de Clermont-Ferrand fait appel du jugement du 17 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamnée à verser au FIVA, d'une part, une indemnité de 23 700 euros au titre de l'action subrogatoire que le fonds avait exercée, assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2011, capitalisés à compter du 11 mars 2013 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date et, d'autre part, une somme de 1 035 euros au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que, pour condamner la commune de Clermont-Ferrand à verser au FIVA une indemnité d'un montant total de 23 700 euros, correspondant aux sommes versées par ce fonds à M. A...par application du barème indicatif d'indemnisation adopté le 21 janvier 2003 par le FIVA, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de ce que si ladite commune contestait l'application de ce barème, dont le Fonds justifiait les modalités de détermination, elle n'établissait pas devant le tribunal que les sommes en cause excédaient la réparation des préjudices subis par son agent ; qu'ainsi, en dépit de l'absence de production en première instance, par le FIVA, du barème d'indemnisation qu'il avait utilisé pour déterminer les sommes devant être versées à M.A..., barème au demeurant accessible sur le site Internet de ce fonds, il est constant que les premiers juges, en estimant que l'indemnité réclamée par le FIVA n'excédait pas le montant de la réparation des préjudices de cet agent communal, se sont livrés à leur propre évaluation du préjudice subi par le FIVA ; que par suite, la commune de Clermont-Ferrand, à laquelle il appartenait de critiquer l'évaluation faite par ce fonds et de contester l'indemnité réclamée, n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est intervenu en méconnaissance du principe du contradictoire ;
Sur le bien-fondé de la demande du FIVA :
3. Considérant, d'une part, que les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l'atteinte à leur intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions ; qu'elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou d'agrément ou des troubles dans les conditions d'existence, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incomberait ; que, d'autre part, aux termes de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 susvisée portant loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 : " (...) IV- Dans les six mois à compter de la réception d'une demande d'indemnisation, le [Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA)] présente au demandeur une offre d'indemnisation .../ L'acceptation de l'offre ... vaut désistement des actions juridictionnelles en indemnisation en cours .../ VI- Le fonds est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge desdites personnes./ Le fonds intervient devant les juridictions civiles, y compris celles du contentieux de la sécurité sociale, notamment dans les actions en faute inexcusable, et devant les juridictions de jugement en matière répressive, même pour la première fois en cause d'appel, en cas de constitution de partie civile du demandeur contre le ou les responsables des préjudices ; il intervient à titre principal et peut user de toutes les voies de recours ouvertes par la loi .... " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté par la commune de Clermont-Ferrand, que la pathologie dont souffre M.A..., caractérisée par la présence de plaques pleurales, revêt le caractère d'une maladie professionnelle contractée dans l'exercice des fonctions ;
5. Considérant que, selon le rapport rédigé le 22 juin 2009 par l'expert désigné pour examiner la demande d'attribution à M. A...d'une allocation temporaire d'invalidité, ce dernier souffre d'une pathologie à l'origine d'une incapacité permanente partielle au taux de 5 % ; qu'il en résulte également qu'un scanner thoracique avait confirmé à cette date la présence d' " une plaque pleurale de la plèvre médiastinale de la région para-cardiaque droite, discrète mais bien visible sur le scanner " et que " l'exploration fonctionnelle respiratoire et les mesures de la diffusion du monoxyde de carbone, comme les gaz du sang, ne mettent en évidence aucune anomalie de la fonction respiratoire et de la diffusion " ; qu'enfin, selon ce rapport, l'exposition à l'amiante peut aussi engendrer d'autres complications bronchiques pulmonaires et pleurales, nécessitant une surveillance régulière de médecine du travail afin de dépister d'éventuelles affections distinctes de celles liées à la présence des plaques pleurales ayant donné lieu à la reconnaissance de la maladie professionnelle ; qu'en retenant la somme de 15 000 euros il sera fait une juste appréciation des troubles que subit M. A...dans ses conditions d'existence en raison de cette incapacité permanente ainsi que des souffrances morales qui découlent du risque d'évolution de sa pathologie, et de la réparation qui lui est due à ce titre, indépendamment des conséquences patrimoniales de l'atteinte à son intégrité physique, qui ont déjà été réparées par l'allocation temporaire d'invalidité ; que pour le surplus, il n'est pas justifié de ce que M. A...présente des difficultés respiratoires l'ayant conduit à renoncer à certaines activités sportives ou de loisirs pratiquées avant sa maladie, ni, par suite, qu'il subirait un préjudice d'agrément ; que, dès lors, l'indemnité que doit verser la commune de Clermont-Ferrand au FIVA, subrogé dans les droits de M.A..., doit être évaluée au montant de 15 000 euros ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Clermont-Ferrand, partie perdante en première instance et qui ne peut, dès lors, demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a mis à sa charge la somme de 1 035 euros au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative, est seulement fondée à demander que l'indemnité de 23 700 euros mise à sa charge par le jugement attaqué soit ramenée au montant de 15 000 euros ;
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la commune de Clermont-Ferrand, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance ; que la somme de 1 500 euros doit être mise à la charge du FIVA sur le fondement de ces dispositions, au bénéfice de la commune de Clermont-Ferrand ;
DECIDE :
Article 1er : L'indemnité de 23 700 euros au versement de laquelle la commune de Clermont-Ferrand a été condamnée par l'article 1er du jugement n° 1300366 du 17 juin 2014 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est ramenée à la somme de 15 000 euros.
Article 2 : Le jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le FIVA versera la somme de 1 500 euros à la commune de Clermont-Ferrand au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions du FIVA tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Clermont-Ferrand et au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA).
Délibéré après l'audience du 6 octobre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Faessel, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Beytout, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 octobre 2016.
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N° 14LY02512