La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/10/2016 | FRANCE | N°16LY02100

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 13 octobre 2016, 16LY02100


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Jean-Etienne B...automobiles a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes dont elle a été déclarée redevable au titre de la période du 1er juin 2007 au 31 décembre 2010, ainsi que celle de l'amende qui lui a été infligée, au titre de la même période, sur le fondement du 4 de l'article 1788 A du code général des impôts.

Par un jugement n° 1305778 du 27 avril 2016, le tribunal admin

istratif de Lyon a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions rel...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Jean-Etienne B...automobiles a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes dont elle a été déclarée redevable au titre de la période du 1er juin 2007 au 31 décembre 2010, ainsi que celle de l'amende qui lui a été infligée, au titre de la même période, sur le fondement du 4 de l'article 1788 A du code général des impôts.

Par un jugement n° 1305778 du 27 avril 2016, le tribunal administratif de Lyon a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions relatives à l'amende prévue à l'article 1788 A du code général des impôts, prononcé la décharge en droits et pénalités des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige et rejeté le surplus des conclusions de la SARL Jean-Etienne B...automobiles.

Procédure devant la cour :

I - Par un recours enregistré le 22 juin 2016 sous le n° 16LY02100, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 avril 2016 du tribunal administratif de Lyon, en tant qu'il prononce la décharge en droits et pénalités des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SARL Jean-Etienne B...automobiles au titre de la période du 1er juin 2007 au 31 décembre 2010 ;

2°) de rétablir ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée à hauteur d'un montant de 1 194 700 euros, dont 853 357 euros de droits et 341 343 euros de pénalités.

Il soutient que :

- l'administration fiscale a démontré que le régime de taxation sur la marge ne pouvait être appliqué aux ventes de véhicules, en provenance d'Allemagne, acquis auprès d'utilisateurs ayant bénéficié de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée lors de l'acquisition de ces véhicules ;

- le tribunal administratif a retenu à tort que l'administration fiscale n'avait pas établi que la SARL Jean-Etienne B...automobiles ne pouvait ignorer que ses fournisseurs espagnols n'avaient pas la qualité d'assujetti revendeur et qu'ils n'étaient pas eux-mêmes autorisés à appliquer le régime de taxation sur la marge ;

- la SARL Jean-Etienne B...automobiles a modifié ses sources d'approvisionnement à compter du mois de décembre 2008, l'essentiel de ses acquisitions étant alors faites auprès de sociétés espagnoles qui procédaient elles-mêmes à des acquisitions auprès de négociants intra-communautaires allemands ;

- elle avait nécessairement connaissance du régime d'imposition applicable à ses acquisitions au moment de l'enlèvement du véhicule auprès du vendeur allemand puisqu'elle en assurait elle-même le transport ;

- les certificats d'immatriculation allemands permettaient de contrôler que les véhicules étaient en très grande majorité immatriculés par des constructeurs automobiles, des concessionnaires et des loueurs, qui bénéficiaient du droit à déduction lors de l'acquisition du véhicule ;

- la possession de notes d'information manifestement fausses, émises par les sociétés espagnoles et indiquant que les cartes grises étaient au nom de particuliers, montre que la requérante ne pouvait ignorer que ses fournisseurs n'étaient pas en droit de lui délivrer des factures mentionnant une taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ;

- la consultation des sites internet des revendeurs permettait de constater le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux véhicules, puisqu'ils indiquent soit un prix hors taxes et la taxe sur la valeur ajoutée correspondantes, soit un prix toutes taxes comprises avec la mention " MWst ausweissbar " signifiant " TVA pouvant être récupérée " ;

- M.B..., professionnel du négoce de véhicules d'occasion, avait nécessairement connaissance du régime de taxation applicable ;

- le fait de s'adresser à des sociétés domiciliées en Espagne pour s'approvisionner en Allemagne avait pour seul intérêt d'obtenir une facturation permettant de revendiquer irrégulièrement le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ;

- les moyens présentés pour la SARL Jean-Etienne B...automobiles en première instance sont infondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 juillet 2016, la SARL Jean-Etienne B...automobiles, représentée par MeA..., conclut au rejet du recours du ministre et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle s'est fiée aux mentions portées sur les factures établies par ses fournisseurs espagnols et a respecté les règles de facturation visées aux articles 289 du code général des impôts et 242 nonies de l'annexe II au même code et peut prétendre au régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A de ce code ;

- l'administration fiscale n'a pas démontré qu'elle aurait été de connivence avec ses fournisseurs, alors qu'elle n'avait aucun lien d'intérêt avec les sociétés espagnoles concernées, la circonstance qu'elle aurait eu connaissance de documents d'immatriculation indiquant que les propriétaires des véhicules étaient des professionnels de l'automobile ne suffisant pas à rendre manifeste l'erreur éventuellement commise par ses fournisseurs, alors que l'administration n'en a eu connaissance que par la mise en oeuvre de l'assistance administrative internationale ;

- l'enlèvement des véhicules a été effectué par un transporteur indépendant ;

- M. B...n'a aucune connaissance en langue allemande ;

- les factures d'achats sont les seuls éléments dont elle dispose pour apprécier le bien fondé du régime de taxation sur la marge, les certificats d'immatriculation ne lui étant fournis qu'après les véhicules et ne constituant pas des titres de propriété ;

- la revente des véhicules par des fournisseurs allemands n'est pas forcément une livraison intracommunautaire, les loueurs de véhicules pouvant avoir une activité de vendeurs de véhicules d'occasion ;

- la preuve de l'intention frauduleuse pour l'application de la majoration prévue par l'article 1729 du code général des impôts ne peut résulter d'un simple faisceau d'indices sans méconnaitre les stipulations de l'article 6 paragraphe 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose au juge de l'impôt et l'administration ne peut engager des poursuites administratives et pénales à raison des mêmes faits ;

- elle peut se prévaloir, pour contester les pénalités en litige, du quitus fiscal donné par l'administration sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales et sur celui des principes communautaires de confiance légitime et de sécurité juridique.

II - Par un recours enregistré le 22 juin 2016 sous le n° 16LY02110, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 avril 2016 sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-16 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration fiscale a relevé appel de ce jugement en faisant valoir qu'il est entaché d'une erreur d'appréciation des faits, la SARL Jean-Etienne B...automobiles ne pouvant ignorer que ses fournisseurs espagnols n'avaient pas eux-mêmes la qualité d'assujetti-revendeur ;

- si l'administration exécutait ce jugement, elle se trouverait dans l'impossibilité de recouvrer sa créance dans la mesure où cette dernière est née avant l'ouverture de la procédure de sauvegarde.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2016, la SARL Jean-Etienne B...automobiles, représentée par MeA..., conclut au rejet du recours du ministre et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il appartenait au ministre de s'adresser au juge des référés et non de demander le sursis à exécution du jugement attaqué ;

- le tribunal administratif a prononcé à juste titre la décharge des droits et pénalités en litige ;

- la créance de l'Etat étant parfaitement sauvegardée, il n'y a pas d'urgence à suspendre l'exécution du jugement attaqué.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pourny,

- et les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL Jean-Etienne B...automobiles, qui exerce principalement une activité de négoce de véhicules d'occasion, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juin 2007 au 31 décembre 2010 ; qu'à la suite de ce contrôle, elle a été déclarée redevable de rappels de taxe sur la valeur ajoutée, en raison de la remise en cause du régime de taxation sur la marge qu'elle avait appliqué à la revente de plusieurs centaines de véhicules d'occasion, assortis d'intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts ; que l'administration fiscale lui a en outre infligé l'amende au taux de 5 % prévue au 4 de l'article 1788 A du code général des impôts ; que, par un jugement du 27 avril 2016, le tribunal administratif de Lyon a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la SARL Jean-Etienne B...automobiles tendant à la décharge de l'amende de 5 % prévue à l'article 1788 A du code général des impôts et a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités restant en litige ; que par son recours, enregistré sous le n° 16LY02100, le ministre des finances et des comptes publics interjette appel de ce jugement en tant qu'il prononce la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes ; que par son recours enregistré sous le n° 16LY02110 le ministre demande à la cour de prononcer, dans les mêmes limites, le sursis à exécution du même jugement ;

2. Considérant que le recours enregistré sous le n° 16LY02100 et celui enregistré sous le n° 16LY02110 sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'ils fassent l'objet d'un seul arrêt ;

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige :

3. Considérant qu'aux termes du 1° du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises. " ; qu'en vertu du 2° bis du même I, dans ses versions successivement applicables, " les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat " prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ; qu'aux termes du 1° du I de l'article 297 A du même code : " La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (...) " ; qu'aux termes de l'article 297 E dudit code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti-revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts, lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur, situé en France ou dans un autre Etat membre, qui, en sa qualité d'assujetti-revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E du même code, et dont le propre fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti-revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 313 de la directive susvisée du 28 novembre 2006 ;

5. Considérant que, lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs mentionnant que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la marge mentionné ci-dessus, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées et, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix ;

6. Considérant qu'il n'est pas contesté que, comme l'ont répondu les autorités espagnoles aux demandes d'assistance administrative formulées par les services fiscaux français, les véhicules acquis par la SARL Jean-Etienne B...automobiles auprès de ses fournisseurs espagnols, les sociétés E et R Automoviles - Esplai I Repos SL, Gold New Business SL, Oto Shoe Cover Europe SL et Cobar Consulting SL, avaient auparavant été acquis par ces dernières auprès de fournisseurs allemands sous le régime des livraisons et acquisitions intracommunautaires, les cessions correspondantes ayant été à ce titre exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en Allemagne ; qu'ainsi, ces véhicules devaient, lors de leur revente, être soumis à la taxe sur l'intégralité de leur prix de cession et les fournisseurs espagnols de la SARL Jean-Etienne B...automobiles n'étaient de ce fait pas autorisés à appliquer le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge et à délivrer à cette dernière des factures faisant référence à ce régime ; que, par suite, le ministre apporte la preuve que les mentions portées sur les factures délivrées à la SARL Jean-Etienne B...automobiles par ses fournisseurs espagnols, relatives à l'application du régime de la marge et faisant référence à la " 7ème directive ", étaient erronées ;

7. Considérant qu'en faisant valoir que la SARL Jean-Etienne B...automobiles connaissait les conditions d'application du régime de taxation sur la marge lors de la vente de véhicules d'occasion, qu'elle disposait des certificats d'immatriculation des véhicules concernés, qui faisaient apparaître qu'ils avaient appartenu à des sociétés commerciales bien que des notes d'information de ses fournisseurs espagnols faisaient état de ventes de véhicules appartenant à des particuliers, et qu'eu égard à son expérience du négoce des automobiles d'occasion, elle ne pouvait ignorer que les prix pratiqués par ses fournisseurs espagnols ne s'expliquaient que par une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, le ministre doit, eu égard notamment au nombre important de véhicules concernés, être regardé comme apportant la preuve dont il a la charge que la SARL Jean-Etienne B...automobiles aurait dû savoir que ses fournisseurs espagnols n'étaient pas fondés à mentionner l'application du régime de la marge sur les factures qu'ils lui délivraient, même si la SARL Jean-Etienne B...automobiles, dont le personnel ne parlait pas allemand, n'avait pas de relations directes avec les fournisseurs allemands de ces sociétés espagnoles et pas de liens avec ces sociétés espagnoles, en dehors des relations commerciales concernant les véhicules qu'elles lui ont fournis ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a prononcé la décharge des droits et pénalités en litige au motif qu'il n'apportait pas cette preuve ;

8. Considérant qu'il appartient dès lors à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la SARL Jean-Etienne B...automobiles ;

9. Considérant, en premier lieu, que si la SARL Jean-Etienne B...automobiles soutient qu'un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, autorisé à déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ses opérations imposables, peut également avoir une activité d'assujetti-revendeur et que la circonstance que les véhicules concernés aient appartenu à des professionnels ne suffit pas à faire obstacle à l'application du régime de taxation sur la marge, il est constant que les véhicules concernés ont été acquis par les sociétés espagnoles sous le régime d'exemption de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux livraisons intracommunautaires ; que, par suite, ces sociétés espagnoles ne pouvaient les revendre à la SARL Jean-Etienne B...automobiles en mentionnant le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que, comme il a été dit ci-dessus, la SARL Jean-Etienne B...automobiles ne pouvait ignorer que ses fournisseurs espagnols n'étaient pas fondés à mentionner l'application du régime de la marge sur les factures qu'ils lui délivraient ; que, par suite, elle n'est pas fondée à se prévaloir des principes communautaires de confiance légitime et de sécurité juridique pour contester les impositions en litige ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du I de l'article 242 terdecies de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux documents invoqués : " I. Toute personne qui acquiert un moyen de transport mentionné au 1 du III de l'article 298 sexies du code général des impôts, en provenance d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, est tenue de demander auprès de l'administration fiscale dont elle relève le certificat fiscal prévu au V bis de l'article 298 sexies du code général des impôts. / Le certificat doit être obligatoirement présenté pour obtenir l'immatriculation ou la francisation d'un moyen de transport mentionné au premier alinéa et provenant d'un autre Etat membre de la Communauté européenne." ;

12. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le visa apposé par l'administration fiscale sur le certificat "1993 VT CDI" est délivré par l'administration, sur le fondement d'un contrôle en la forme des documents présentés, pour les seuls besoins de l'immatriculation ou de la francisation d'un moyen de transport introduit en France, sans avoir pour objet de prendre position sur le régime fiscal applicable au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, ainsi d'ailleurs qu'en témoignent les mentions figurant sur ce certificat ; que la délivrance de ce document ne peut être regardée, en l'absence de toute mention expresse en ce sens, comme ayant le caractère d'une prise de position formelle de l'administration sur le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable à la transaction ; que, par suite, la SARL Jean-Etienne B...automobiles ne saurait se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, d'une prise de position formelle de l'administration sur l'appréciation de sa situation de fait au regard de la loi fiscale résultant de la seule apposition de ce visa ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration fiscale était fondée à procéder aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige et que le ministre est fondé à demander le rétablissement des droits dont le tribunal administratif de Lyon a prononcé la décharge ;

Sur les pénalités :

14. Considérant qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I.-Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. (...) " ; qu'aux termes de l'article 1729 du même code : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) " ;

15. Considérant que les constatations de fait qui sont le support nécessaire d'un jugement définitif rendu par juge pénal s'imposent au juge de l'impôt ; qu'en revanche, l'autorité de la chose jugée par la juridiction pénale ne saurait s'attacher aux motifs d'une décision de relaxe tirés de ce que les faits reprochés au contribuable ne sont pas établis et de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité et, notamment, sur la nature des opérations effectuées ; que par suite, en présence d'un jugement définitif de relaxe rendu par le juge répressif, il appartient au juge de l'impôt, avant de porter lui-même une appréciation sur la matérialité et la qualification des faits au regard de la loi fiscale, de rechercher si cette relaxe était ou non fondée sur des constatations de fait qui s'imposent à lui ; que le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Etienne du 15 octobre 2015 relaxant le gérant de la SARL Jean-Etienne B...automobiles de poursuites pour fraude fiscale, au motif que son intention délibérée de frauder n'était pas suffisamment établie, ne procède pas à des constatations de faits revêtues de l'autorité de la chose jugée de nature à lier le juge de l'impôt ; que la SARL Jean-Etienne B...automobiles n'est dès lors pas fondée à s'en prévaloir pour demander la décharge des pénalités dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ; que l'engagement de poursuites pénales à l'encontre du gérant de la SARL Jean-Etienne B...automobiles n'était en outre pas de nature à faire obstacle à ce que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de cette société, dont la personnalité est distincte de celle de son gérant, soient assortis de la majoration prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts ;

16. Considérant que le ministre établit que la SARL Jean-Etienne B...automobiles connaissait les conditions d'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge et ne pouvait ignorer que les factures de ses fournisseurs espagnols comportaient des mentions erronées concernant l'application de ce régime qu'elle a néanmoins appliqué lors de la revente de plusieurs centaines de véhicules, ce qui lui a permis d'éluder plus de 79 % des droits dont elle était redevable au cours de la période d'imposition en litige ; que, par suite, le ministre apporte la preuve dont il a la charge du caractère délibéré du manquement reproché à la SARL Jean-Etienne B...automobiles ;

17. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " (...) 2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie (...) " ; que l'administration fiscale a établi le caractère délibéré du manquement reproché à la SARL Jean-Etienne B...automobiles ; que, dès lors, cette société n'est pas fondée à soutenir que la majoration pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts lui a été infligée en méconnaissance de la présomption de son innocence énoncée par les stipulations précitées du 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

18. Considérant que les principes communautaires de confiance légitime et de sécurité juridique ne sauraient faire obstacle à l'application de la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts dès lors que cette majoration n'est applicable qu'à un contribuable ayant délibérément méconnu ses obligations fiscales ; que, de même, la garantie prévue à l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ne concernant que les contribuables de bonne foi, la SARL Jean-Etienne B...automobiles n'est pas fondée à se prévaloir de cette garantie pour contester la majoration pour manquement délibéré dont étaient assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge ;

19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont la SARL Jean-Etienne B...automobiles a été déclarée redevable au titre de la période du 1er juin 2007 au 31 décembre 2010 et des pénalités correspondantes ;

Sur les conclusions tendant au sursis à exécution du jugement attaqué :

20. Considérant que, dès lors qu'il est statué par le présent arrêt sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué, il n'y a pas lieu de statuer sur celles tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la SARL Jean-Etienne B...automobiles une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 avril 2016 est annulé en tant qu'il a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SARL Jean-Etienne B...automobiles au titre de la période du 1er juin 2007 au 31 décembre 2010 et des pénalités correspondantes.

Article 2 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SARL Jean-Etienne B...automobiles au titre de la période du 1er juin 2007 au 31 décembre 2010 sont remis à sa charge, ainsi que les pénalités correspondantes.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du recours n° 16LY02110 du ministre des finances et des comptes publics.

Article 4 : Les conclusions présentées pour la SARL Jean-Etienne B...automobiles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à la SARL Jean-Etienne B...automobiles.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Pourny, président-assesseur,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2016.

2

Nos 16LY02100-16LY02110


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY02100
Date de la décision : 13/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-08-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Base d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. François POURNY
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : CIAUDO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-10-13;16ly02100 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award