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13/10/2016 | FRANCE | N°16LY00699

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 13 octobre 2016, 16LY00699


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2015 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il serait reconduit.

M. C...a ultérieurement demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 18 janvier 2016 par laquelle le préfet de l'Ain a décidé de le placer dans les loca

ux du centre de rétention administrative de Lyon Saint-Exupéry et le président du tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2015 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il serait reconduit.

M. C...a ultérieurement demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 18 janvier 2016 par laquelle le préfet de l'Ain a décidé de le placer dans les locaux du centre de rétention administrative de Lyon Saint-Exupéry et le président du tribunal administratif de Grenoble a transmis le dossier de la demande de M. C...au tribunal administratif de Lyon par une ordonnance du 19 janvier 2016.

Par un jugement n° 1511138 du 20 janvier 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 8 octobre 2015 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a fait obligation de quitter le territoire français à M. C...et la décision du 18 janvier 2016 par laquelle le préfet de l'Ain a décidé son placement en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 février 2016, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 janvier 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il se prononce sur l'arrêté du 8 octobre 2015 portant obligation de quitter le territoire français ;

2°) de rejeter la demande de M.C....

Il soutient que :

- l'arrêté contesté a été signé par le secrétaire général de la préfecture qui a reçu délégation de signature par un arrêté préfectoral du 30 juillet 2012 régulièrement publié ;

- l'arrêté contesté est suffisamment motivé ;

- il a procédé à un examen particulier de la situation de M. C...quant au travail et quant à la vie privée et familiale et n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté contesté ne méconnaît ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté contesté étant légal, les conclusions présentées au titre des articles L. 911-1, L. 911-2 et L. 761-1 du code de justice administrative seront rejetées.

Par un mémoire enregistré le 6 septembre 2016, M.C..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable, le préfet, qui reprend son argumentation de première instance, ne critiquant pas réellement le jugement attaqué ;

- le tribunal administratif de Lyon et le tribunal administratif de Grenoble ont estimé l'un et l'autre à juste titre que les critères jurisprudentiels d'examen de sa demande de titre de séjour n'ont pas été utilisés par le préfet ;

- il reprend ses moyens de première instance tirés de ce que le refus de titre de séjour est entaché d'insuffisance de motivation, d'erreur de fait, dès lors qu'il est établi qu'il réside en France depuis 2013, d'erreur de droit, le préfet n'ayant procédé qu'à un examen partiel de son droit au séjour, d'erreur manifeste d'appréciation et d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce qu'il est fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, qui méconnaît en outre l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 août 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Pourny.

1. Considérant que M.C..., né en 1978 et de nationalité kosovare, est entré en France en 2008, selon ses déclarations ; que le préfet de la Haute-Savoie a pris à son encontre des arrêtés portant refus de titre de séjour avec obligation de quitter le territoire français les 27 septembre 2010 et 8 mars 2012 ; que M. C...a déposé le 27 janvier 2014 une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant d'une promesse d'embauche ; que le préfet de la Haute-Savoie a pris à son encontre un arrêté du 8 octobre 2015 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination ; que le préfet de l'Ain a placé M. C...en rétention administrative par une décision du 18 janvier 2016 ; que, par l'article 2 du jugement du 20 janvier 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé, à la demande de M.C..., la décision du préfet de la Haute-Savoie lui faisant obligation de quitter le territoire français ; que le préfet de la Haute-Savoie conteste ce jugement en tant qu'il annule sa décision du 8 octobre 2015 faisant obligation de quitter le territoire français à M.C... ;

Sur la fin de non recevoir opposée à la requête par M.C... :

2. Considérant que le préfet de la Haute-Savoie a présenté, dans le délai de recours devant la cour, une requête qui ne constitue pas la seule reproduction d'un mémoire de première instance, le préfet de la Haute-Savoie n'ayant d'ailleurs pas produit en première instance, et comporte une critique du jugement attaqué, en soutenant que le tribunal administratif ne pouvait pas retenir que les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avaient été méconnues ; qu'une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par M. C... et tirée du défaut de motivation de la requête doit être écartée ;

Sur la légalité de la décision du 8 octobre 2015 portant obligation de quitter le territoire français :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au présent litige : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ; qu'en présence d'une demande de régularisation présentée, sur ce fondement, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ;

4. Considérant que si le préfet de la Haute-Savoie a commencé par énoncer dans l'arrêté en litige que M. C...ne pouvait être regardé comme justifiant de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à permettre la régularisation de sa situation en qualité de salarié, avant d'examiner cette situation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ne s'est pas borné à cet examen mais a également vérifié que la situation particulière de l'intéressé ne justifiait pas l'intervention d'une mesure gracieuse et dérogatoire en sa faveur ; que, ce faisant, il doit être regardé comme ayant également vérifié que l'admission exceptionnelle au séjour de l'intéressé par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " ne répondait pas à des considérations humanitaires ou ne se justifiait pas au regard de motifs exceptionnels ; que, par suite, le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a retenu qu'il avait omis d'examiner l'intégralité de la demande de régularisation dont M. C...l'avait saisi et, par voie de conséquence, que l'intéressé pouvait exciper de l'illégalité entachant ce refus de titre de séjour à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

5. Considérant que, dès lors, il appartient à la cour d'examiner dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel les autres moyens présentés pour M.C..., tant en première instance qu'en appel, à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

6. Considérant, d'une part, que M. C...se prévaut, par voie d'exception, de l'illégalité dont serait entaché le refus de titre de séjour qui lui a été opposé ;

7. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 8 octobre 2015 comporte l'énoncé des éléments de fait et de droit sur lesquels est fondé le refus de titre de séjour opposé à M.C... ; que le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit, par suite, être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet a entaché son arrêté d'une erreur de fait en énonçant que " si M. C...B...déclare résider en France de manière ininterrompue depuis 2008, il ne produit cependant aucun justificatif probant pour les années 2013, 2014 et 2015 ", le dossier ne comportant pas suffisamment d'élément pour que la présence ininterrompue de l'intéressé puisse être regardée comme établie en 2014 ;

9. Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que l'intéressé disposait d'une promesse d'embauche établie le 30 mars 2015 pour un emploi d'ouvrier peintre ne suffit pas à établir que le préfet ne pouvait refuser de régulariser sa situation par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation :

10. Considérant, en quatrième lieu, que même si M.C..., célibataire sans enfant, est hébergé par l'un de ses frères, en situation régulière en France, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à l'âge de l'intéressé lors de son entrée en France, à la durée et aux conditions de son séjour, alors qu'il avait déjà fait l'objet de deux décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français avant l'arrêté litigieux, et au fait qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, que l'arrêté litigieux porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de ce refus ; que le moyen tiré de ce que ce refus méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, par suite, être retenu ;

11. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ce refus aurait des conséquences disproportionnées sur la situation personnelle de l'intéressé et serait, par suite, entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

12. Considérant qu'il résulte des points 7 à 11 ci-dessus que M. C...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

13. Considérant, d'autre part, que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté en tant qu'il est dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français pour les mêmes motifs qu'il l'a été en tant qu'il était dirigé contre la décision portant refus de titre de séjour ;

14. Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision faisant obligation de quitter le territoire français à M. C...soit entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

15. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 8 octobre 2015 faisant obligation de quitter le territoire français à M.C... ;

Sur les conclusions présentées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens :

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. C...ou à son conseil, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1511138 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 20 janvier 2016 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. C...tendant à l'annulation de la décision du 8 octobre 2015 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français et celles de son conseil tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...C.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie et au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Annecy.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Pourny, président-assesseur,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2016.

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N° 16LY00699


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY00699
Date de la décision : 13/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. François POURNY
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-10-13;16ly00699 ?
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