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13/10/2016 | FRANCE | N°15LY02959

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 13 octobre 2016, 15LY02959


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 4 mai 2015 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français durant trois ans.

Par un jugement n° 1502721 du 7 mai 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé celles de ces dé

cisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, désignation d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 4 mai 2015 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français durant trois ans.

Par un jugement n° 1502721 du 7 mai 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé celles de ces décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, désignation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français durant trois ans.

Par un jugement n° 1502721 du 17 juillet 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé celle de ces décisions refusant à M. B...un titre de séjour et a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. B...une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 août 2015, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 juillet 2015 ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. B...tendant à l'annulation du refus de titre de séjour du 4 mai 2015.

Il soutient qu'il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en refusant de délivrer un titre de séjour à M.B... ; que notamment, par une ordonnance du 29 novembre 2013, le président de la cour a jugé que M. B...n'apportait pas des justificatifs probants de nature à établir sa présence continue sur le territoire français depuis dix ans.

Par un mémoire enregistré le 30 novembre 2015, M. B..., représenté par MeC..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

- de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que le moyen invoqué par le préfet n'est pas fondé, dès lors qu'il mène une vie commune avec une ressortissante française et qu'il justifie de son insertion en France.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Clot, président.

1. Considérant que M.B..., de nationalité turque, né le 1er août 1976, est entré en France le 17 juillet 2003 selon ses déclarations ; que le statut de réfugié lui a été refusé par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 décembre 2003, confirmée par la commission de recours des réfugiés le 19 janvier 2005 ; qu'il a fait l'objet d'invitations à quitter le territoire français le 4 février 2005 et le 6 juin 2006, d'un arrêté de reconduite à la frontière le 21 septembre 2005 et le 22 septembre 2006, d'un refus de titre de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français le 6 mars 2008 et le 21 mars 2013 ; que le 11 décembre 2014, M. B...a demandé un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 4 mai 2015, le préfet de l'Isère lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans ; que le préfet de l'Isère relève appel du jugement du 17 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ce refus de titre de séjour du 4 mai 2015 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., qui a demandé l'asile en France le 4 août 2003, s'y maintient, en situation irrégulière, alors qu'il a fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement ; qu'il est célibataire ; que, s'il entretient une relation avec une ressortissante française, ni la durée, ni la stabilité de cette relation ne sont établies ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment des conditions de son séjour en France, le refus de titre de séjour en litige n'a pas porté au droit de M.B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis ; que, dès lors, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour annuler cette décision ;

4. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M.B... ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article. " ;

6. Considérant que M. B...produit de nombreux documents et, en particulier, des documents médicaux, des attestations de suivi de cours de français et des factures à son nom, qui justifient de sa présence habituelle en France depuis dix ans à la date de la décision en litige ;

7. Considérant, il est vrai, que par une ordonnance n° 13LY01868 du 29 novembre 2013, prise sur le fondement de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, le président de la cour a rejeté la requête de M. B...dirigée contre le jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 21 mars 2013 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français ; que cette ordonnance mentionne notamment que M. B...n'apporte pas de justificatifs probants de nature à établir sa présence continue sur le territoire français depuis dix ans ; que la requête susvisée, dirigée contre le jugement ayant annulé le refus de titre de séjour du 4 mai 2015, n'a donc pas le même objet que celle qui a donné lieu à cette ordonnance du 29 novembre 2013 ; que, par suite, contrairement à ce que soutient le préfet de l'Isère, l'autorité de chose jugée qui s'attache à cette ordonnance ne peut être opposée ;

8. Considérant que, dès lors, compte tenu de la durée de la présence en France de M.B..., le préfet devait soumettre sa demande de titre de séjour, pour avis, à la commission du titre de séjour ; qu'en négligeant de procéder à cette consultation, le préfet a entaché sa décision d'un vice de procédure qui a privé l'intéressé d'une garantie et qui, en outre, est susceptible, en l'espèce, d'avoir eu une incidence sur le sens de la décision ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision en litige ;

Sur les conclusions de M. B...à fin d'injonction :

10. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ; que l'article L. 911-3 de ce code dispose que : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. " ;

11. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) " ;

12. Considérant que l'annulation prononcée n'implique pas, comme il le demande, la délivrance à M. B...d'une carte de séjour temporaire, mais implique seulement que le préfet de l'Isère, après l'avoir muni d'une autorisation provisoire de séjour, procède à un nouvel examen de sa situation, dans les délais de, respectivement, quinze jours et deux mois suivant la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ; que, par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer un titre de séjour à M.B... ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à M. B...d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée.

Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 juillet 2015 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. B...une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans les délais de, respectivement, quinze jours et deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. B...la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de M. B...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...B.... Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Pourny, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2016.

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N° 15LY02959


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY02959
Date de la décision : 13/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : KUMMER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-10-13;15ly02959 ?
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