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13/10/2016 | FRANCE | N°15LY00701

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 13 octobre 2016, 15LY00701


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Mme F... B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble, sous le n° 1404606, d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 30 juin 2014 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant son pays de reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

II. M. D...E...a demandé au tribunal administratif de Grenoble, sous le n° 1404607, d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 30 juin 2014 refusant de lui dé

livrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Mme F... B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble, sous le n° 1404606, d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 30 juin 2014 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant son pays de reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

II. M. D...E...a demandé au tribunal administratif de Grenoble, sous le n° 1404607, d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 30 juin 2014 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant son pays de reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n°s 1404606-1404607 du 17 novembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 février 2015, Mme B...et M.E..., représentés par MeC..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 novembre 2014 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 30 juin 2014 mentionnés ci-dessus ;

3°) d'enjoindre au préfet de leur délivrer des cartes de séjour temporaires portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer leur situation et de leur délivrer dans l'attente des autorisations provisoires de séjour les autorisant à travailler, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- les décisions de refus de titre de séjour sont insuffisamment motivées ;

- elles ont été prises à l'issue d'une procédure irrégulière, en l'absence de consultation préalable de la commission du titre de séjour ;

- la décision de refus de titre de séjour prise à l'encontre de Mme B...est entachée d'une erreur de droit et méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de titre de séjour prise à l'encontre de M. E...méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ces décisions de refus de titre de séjour méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision de refus de titre de séjour prise à l'encontre de Mme B...méconnaît également les stipulations de l'article 3, paragraphe 1, de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- les décisions de refus de titre de séjour sont en outre entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ;

- les obligations de quitter le territoire français ont été prises à l'issue d'une procédure irrégulière et en méconnaissance du droit d'être entendu consacré par le droit de l'Union européenne ;

- elles sont illégales du fait de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour ;

- elles méconnaissent les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles contreviennent aux stipulations de l'article 3, paragraphe 1, de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ;

- les décisions fixant leur pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité des obligations de quitter le territoire français ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et violent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le préfet de l'Isère, à qui la requête a été communiquée, n'a produit aucune écriture.

Par ordonnance du 21 mars 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 20 avril 2016.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 janvier 2015. Par une décision du même jour, M. E... n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Savouré.

1. Considérant, d'une part, que Mme F...B..., ressortissante de la République démocratique du Congo, née en 1984, déclare être entrée en France en janvier 2009 ; qu'elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile ; que sa demande d'asile a été rejetée le 11 juin 2009 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis le 26 mai 2010 par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'elle a sollicité le 21 avril 2011 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 30 juin 2014, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination ;

2. Considérant, d'autre part, que M. D...E..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né en 1980, déclare être entré en France en août 2009 ; qu'il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile ; que sa demande d'asile a été rejetée le 24 février 2010 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis le 23 février 2011 par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'il a sollicité le 21 avril 2011 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il a bénéficié sur ce fondement d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " valable du 16 janvier 2012 au 5 juillet 2013 ; qu'il a sollicité, le 24 mai 2013, le renouvellement de son titre de séjour sur ce même fondement puis, le 13 septembre 2013, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° du même article L. 313-11 ; que, par arrêté du 30 juin 2014, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination ;

3. Considérant que, par jugement du 17 novembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les demandes des intéressés tendant à l'annulation des arrêtés du 30 juin 2014 ; que Mme B...et M. E...relèvent appel de ce jugement ;

Sur la légalité des refus de titre de séjour :

4. Considérant, en premier lieu, que les décisions de refus de titre de séjour comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ces décisions seraient insuffisamment motivées, au regard des exigences des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979, alors en vigueur, doit être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;

6. Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés ; que si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ;

7. Considérant que le préfet a relevé dans l'arrêté pris à l'encontre de MmeB..., que si la fille de l'intéressée a été reconnue par un ressortissant français, M.G..., ayant prétendu assumer la paternité de son enfant, ce ressortissant français a toutefois reconnu treize enfants issus de ressortissantes étrangères en situation irrégulière ou ayant demandé l'asile entre 2003 et 2009, dont quatre au cours de l'année 2009 ; qu'il a également relevé que l'intéressée n'alléguait ni ne prouvait avoir jamais eu de communauté de vie avec ledit ressortissant français, qu'elle n'établissait pas la contribution de celui-ci à l'éducation et à l'entretien de cette enfant et qu'elle affirmait même ignorer l'adresse de cette personne qui n'a ainsi aucun contact avec cette enfant depuis la reconnaissance de paternité antérieure à sa naissance ; qu'il en a déduit que l'intéressée ne pouvait pas prétendre à l'obtention d'un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant, d'une part, que, compte tenu des termes de l'arrêté attaqué ainsi que des explications données par le préfet dans son mémoire en défense présenté devant les premiers juges, il apparaît que le préfet s'est fondé sur l'ensemble des éléments rappelés au point 7 ci-dessus pour estimer que ni le lien de filiation entre M. G...et la fille de Mme B... ni, par suite, la nationalité française de la jeune A...n'étaient établis et que, par conséquent, Mme B... ne peut pas se prévaloir de la qualité de mère d'un enfant français ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, et alors même que l'arrêté fait ultérieurement état d'un " enfant de nationalité française ", le refus de titre de séjour qui lui a été opposé n'est pas fondé sur un motif erroné en droit tiré de ce que M. G...ne contribue pas à l'entretien et à l'éducation de sa fille ;

9. Considérant, d'autre part, que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le préfet a entendu faire échec à une reconnaissance de paternité frauduleusement souscrite par M. G... dans le but exclusif de permettre à Mme B... de se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'à la date de l'arrêté contesté, la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'était pas acquise, de telle sorte que la filiation de la jeune A...pouvait encore être contestée devant le tribunal de grande instance compétent ; que, conformément aux règles rappelées au point 6 du présent arrêt, le préfet pouvait, sans entacher sa décision d'erreur de droit, opposer à Mme B... le comportement de M. G... dans la mesure où celle-ci ne pouvait ignorer le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité effectuée par ce dernier et où elle est le principal bénéficiaire de cette fraude ;

10. Considérant, enfin, que le préfet a produit en première instance deux télécopies en date des 11 août 2009 et 12 avril 2010 du tribunal d'instance de Beauvais énumérant les enfants de ressortissantes étrangères reconnus entre 2003 et 2009 par M.G... ; que Mme B... ne conteste pas sérieusement la réalité des reconnaissances de paternité effectuées par ce ressortissant français ; que, dans ces conditions, l'intéressée ne peut être regardée comme la mère d'un enfant français et c'est à bon droit que le préfet a estimé qu'elle ne remplissait pas les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si Mme B...et M. E...sont tous deux entrés en France au cours de l'année 2009, soit environ cinq années avant les refus de titre de séjour litigieux, leurs demandes d'asiles ont toutefois été rejetées ; que si M. E... parle français et a travaillé durant deux années lorsqu'il était titulaire d'un titre de séjour ou de récépissés, son état de santé ne justifie désormais plus qu'il séjourne en France ; qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, la fille de MmeB..., A..., née en 2009, n'a pas la nationalité française ; que, dès lors, rien ne fait obstacle à ce que les intéressés, accompagnés de leurs deux enfants nés en 2012 et 2013 ainsi que de la jeuneA..., retournent en République démocratique du Congo, leur pays d'origine, où ils ont vécu jusqu'aux âges respectifs de vingt-quatre et vingt-huit ans ; qu'ils ne sont d'ailleurs pas dépourvus d'attaches personnelles et familiales dans ce pays où vivent, d'une part, les quatre frères de Mme B..., son époux ainsi que ses deux autres enfants mineurs nés en 2003 et 2005 et, d'autre part, la mère de M.E..., son frère, sa soeur ainsi que ses deux autres enfants mineurs nés en 2002 et 2004 ; que si Mme B... fait état de craintes en cas de retour dans son pays d'origine, elle ne justifie pas ne pas pouvoir y poursuivre, en toute sécurité, une vie privée familiale normale avec son compagnon et ses enfants ; que, dans ces conditions, les décisions de refus de titre de séjour prises à l'encontre des intéressés n'ont pas porté, eu égard aux buts qu'elles poursuivent, une atteinte disproportionnée au droit de Mme B... et de M. E...au respect de leur vie privée et familiale ; que, par suite, les moyens tirés, d'une part, en ce qui concerne M.E..., de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, en ce qui concerne Mme B...et M.E..., de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;

14. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : "Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale" ;

15. Considérant que, la jeune A...n'ayant pas la nationalité française, la décision de refus de titre de séjour prise à l'encontre de Mme B...n'a, en tout état de cause, pas pour effet d'obliger cette enfant, si elle suit sa mère, à quitter un pays dont elle a la nationalité ; que, dans ces conditions, il n'apparaît pas que l'intérêt supérieur de la jeune A...ait été insuffisamment pris en compte par la décision de refus de titre de séjour contestée ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

16. Considérant, en cinquième lieu, que, compte tenu des éléments énoncés au point 12 du présent arrêt, et alors que M. E...ne justifie pas plus que Mme B...des craintes qu'il aurait de retourner en République démocratique du Congo, les décisions de refus de délivrance d'un titre de séjour ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale des intéressés ;

17. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ", qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent des dispositions de cet article ; qu'il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit plus haut, que, contrairement à ce qu'ils soutiennent, Mme B...et M. E...ne sont pas au nombre des étrangers pouvant obtenir, de plein droit, un titre de séjour en application des 6° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, ils ne sont pas fondés à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 312-2 de ce même code et méconnu " le principe du contradictoire " en ne saisissant pas la commission du titre de séjour avant de rejeter leurs demandes de titre de séjour ;

Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français :

18. Considérant, en premier lieu, que Mme B...a sollicité le 21 avril 2011 la délivrance d'un titre de séjour et que M. E...a fait de même les 24 mai et 13 septembre 2013 ; qu'il leur appartenait, lors du dépôt de ces demandes, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'ils jugeaient utiles ; qu'il leur était loisible, au cours de l'instruction de leurs demandes de titre de séjour, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; qu'en particulier, Mme B...pouvait signaler les changements intervenus dans sa situation personnelle entre le 21 avril 2011, date de sa demande, et le 30 juin 2014, date de l'arrêté pris à son encontre ; qu'alors même que les intéressés auraient cru que la commission du titre de séjour serait nécessairement saisie, ils ne pouvaient ignorer qu'en cas de refus de titre de séjour, ils pourraient faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; que l'autorité administrative n'était pas tenue de les mettre à même de réitérer leurs observations, de présenter de nouvelles pièces, ou encore de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur les obligations de quitter le territoire français qui sont prises concomitamment et en conséquence des refus de titre de séjour ; que, dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'il ont été privés du droit d'être entendu qu'ils tiennent du droit de l'Union européenne ;

19. Considérant, en deuxième lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, Mme B... et M. E...ne sont pas fondés à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour ;

20. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (...) en application du présent chapitre : / (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) " ; que toutefois, compte tenu de ce qui a été dit aux points 6 à 10 du présent arrêt, Mme B...ne peut être regardée comme étant la mère d'un enfant français mineur au sens de ces dispositions ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté ;

21. Considérant, en dernier lieu, qu'au vu de ce qui a été dit précédemment et en l'absence de circonstance particulière, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3, paragraphe 1, de la convention relative aux droits de l'enfant ainsi que de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des mesures d'éloignement sur la situation personnelle et familiale de Mme B...et de M. E...ne peuvent qu'être écartés ;

Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :

22. Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, Mme B... et de M. E...ne sont pas fondés à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité des décisions d'obligation de quitter le territoire français ;

23. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; que cet article 3 énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

24. Considérant que Mme B...et de M. E...se bornent à soutenir qu'ils ont été contraints de fuir la République démocratique du Congo, pays dans lequel ils avaient tous deux des enfants, et que cet état de fait témoigne de la véracité de leurs propos et des risques encourus en cas de retour dans ce pays ; qu'ils n'apportent aucun élément de nature à établir un risque de torture ou de peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en République démocratique du Congo ; qu'au surplus, leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ; que, par suite, les moyens tirés, d'une part, de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, d'autre part, de ce que les décisions désignant le pays dont ils ont la nationalité comme pays de destination seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés ;

25. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...et M. E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles de leur conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...et de M. E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...B..., à M. D...E...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Pourny, président-assesseur,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2016.

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N° 15LY00701


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00701
Date de la décision : 13/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : MARCEL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-10-13;15ly00701 ?
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